Tesla: perdre 32 km d’autonomie en une journée
La mise à jour à distance des véhicules électriques Tesla vise généralement à améliorer les performances de l’auto. Mais cela réserve aussi parfois de mauvaises surprises.
Pendant neuf mois, Pierre, propriétaire d’une Tesla Model 3, a profité d’une autonomie de 386 km. Puis, un jour de janvier 2020, le temps d’une mise à jour, 32 km se sont envolés. La raison? L’entreprise californienne s’est aperçue que l’automobiliste était client de la version Standard Range (SR), et non de la Standard Range Plus (SR+), qui coûtait quelque 3400 $ de plus à l’époque. L’option peut être activée ou désactivée à distance.
Or, Pierre persiste et signe: le représentant de Tesla lui a vendu un véhicule dont les spécifications affichaient une autonomie de 386 km. Personne, assure-t-il, ne lui a dit que cette caractéristique devait absolument être jumelée à un achat de SR+.
Pas d’autonomie sur le contrat
«Sur le contrat de vente, il n’y a aucune mention de l’autonomie du véhicule, s’étonne-t-il. Pourtant, c’est la première chose que le consommateur veut savoir. Avant d’acheter, j’ai posé la question directement à un représentant. On m’a répondu que c’était une 386 km.»
Pierre et sa femme ont reçu leur Tesla en avril 2019. Pendant plusieurs mois, le client a profité sans souci de l‘autonomie maximale de la SR+. «En janvier 2020, du jour au lendemain, on a constaté que la batterie avait perdu de l’autonomie. J’ai communiqué avec Tesla, et ç’a pris plus de trois mois avant qu’on nous rappelle.»
L’explication est finalement venue: Pierre a reçu un véhicule SR+, mais a signé un contrat SR. Neuf mois après l’achat, une mise à jour logicielle a permis à Tesla de rétablir l’autonomie de la batterie à 354 km. Le constructeur exige maintenant un paiement de 5400 $ plus taxes pour rétablir les paramètres.
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Capacité de la batterie, service ou équipement?
«Sur un véhicule classique, l’équivalent de l’autonomie de la batterie n’aurait pas été considéré comme un service, mais comme un équipement, dit George Iny, directeur de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). On aurait livré une voiture avec un moteur plus performant. Si le véhicule m’appartient déjà, le manufacturier ne pourrait pas le reprendre et m’en donner un autre.»
Les erreurs sur un contrat sont régies par l’article 1400 du Code civil du Québec. M. Iny rappelle qu’un client de Nissan, en 2001, a pu conserver une économie de 15 000 $ après un problème de manipulation du concessionnaire.
Une autre question, selon George Iny, est de savoir si les accessoires d’une Tesla sont considérés comme des biens ou des services. «Est-ce que je suis abonné à ma Tesla? En suis-je propriétaire ou locataire? Ça soulève des questions intéressantes.»
Le directeur de l’APA invoque notamment l’article 8 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui interdit de prendre chez autrui «quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite». «Si on me reprend à distance des accessoires, est-ce que c’est une atteinte à ma possession? Je crois que oui, mais c’est mon interprétation», souligne le directeur de l’APA.
Enfin, les clauses externes d’un contrat doivent être «expressément portée[s] à la connaissance du consommateur», selon l’article 1435 du Code civil du Québec.
Pierre demande que l’autonomie de sa batterie soit rétablie à 386 km.
Des mises à jour généralement appréciées
Les intervenants contactés par Protégez-Vous s’entendent pour dire que les mises à jour de Tesla sont généralement à l’avantage des clients.
«Quand vous vous procurez une Tesla, vous achetez un ordinateur sur quatre roues, note Simon-Pierre Rioux, porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec. Que votre modèle date de 2017 ou de 2020, vous allez avoir à peu près les mêmes technologies. C’est l’un des grands avantages.»
Selon George Iny, cette force donne en contrepartie un pouvoir «exagéré» à l’entreprise, qui a droit de vie ou de mort sur des fonctionnalités naguère matérielles: climatisation, systèmes de sécurité, de navigation et de divertissement, sièges chauffants, autopilote, etc.
Parmi d’autres frustrations, des clients des modèles X et S ont remarqué, à l’été 2019, avoir perdu une dizaine de kilomètres d’autonomie après une mise à jour destinée à éliminer des risques d’incendie.
D’autres clients ont été surpris de voir leur service de connectivité Premium désactivé après un certain temps. «Ce sont des périodes d’essai, et c’est normal pour Tesla de vouloir être rentable, explique Éric Bolduc, expert des voitures Tesla et propriétaire d’Antirouille Bolduc, à Saint-Apollinaire. Beaucoup de consommateurs ne lisent pas les petits caractères des contrats.» En revanche, il observe que de nombreux clients se plaignent du service après-vente de l’entreprise d’Elon Musk, qui compte seulement deux points de service dans la province, soit à Montréal et à Québec.
Les représentants de Tesla ne sont pas autorisés à parler aux journalistes et Protégez-Vous n’avait pas reçu de réponse du service de presse au moment de publier.
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