Comment parler d’argent avec votre enfant?
Des trucs pour transmettre de saines habitudes financières à votre enfant, de la tirelire à sa première déclaration de revenus en passant par l’ouverture d’un compte bancaire et son entrée sur le marché du travail.
Dès la petite enfance
Allocation : oui ou non?
Choisir son premier compte de banque
Son premier emploi
Les bienfaits du budget
Investir, mais dans quoi?
L’inévitable carte de crédit
« Papa, comment on devient riche? » Marc-André Sabourin n’avait pas vu venir cette question de sa fille… de 6 ans! « Je lui ai répondu très simplement : il y a des gens qui vont économiser beaucoup de sous, d’autres qui vont inventer quelque chose ou qui, par chance, le sont parce que leurs parents sont riches… »
C’est ainsi que le chef du bureau affaires et économie du magazine L’actualité aborde l’argent avec elle ainsi qu’avec son fils de 8 ans : en répondant à leurs interrogations au fur et à mesure qu’elles surgissent, sans aller au-devant de ces dernières. Dans sa famille, le fric n’est pas un sujet tabou. Venant de celui qui pilote la populaire infolettre Dollars et cents de la même revue, ce n’est pas bien étonnant.
« Mais plus encore que de répondre à leurs questions, ce que je trouve instructif pour mes enfants, c’est la transmission de nos valeurs par rapport à l’argent, sans même en parler, parfois. Par exemple, dans notre quotidien, nous essayons beaucoup d’acheter usagé », dit-il.
Il n’est jamais trop tôt pour initier votre enfant aux aspects qui concernent la vie économique, selon Annie Savard, professeure au Département des études intégrées en sciences de l’éducation de l’Université McGill, à Montréal. « De toute façon, les enfants sont des consommateurs. Ils influencent les habitudes de consommation du foyer, ne serait-ce qu’en demandant d’acheter telle marque de céréales plutôt qu’une autre », fait-elle remarquer.
Et le rôle des parents est crucial dans leur éducation financière, de l’avis de Youcef Ghellache, fondateur de la plateforme virtuelle Educfinance. Celui qui est aussi professeur de finance au Collège Montmorency, à Laval, rappelle qu’il n’y a actuellement qu’un cours en cinquième secondaire qui touche aux finances personnelles; « sinon, ce sont les banques qui font de l’éducation, mais qui vendent leurs produits en même temps », déplore-t-il.
Dès la petite enfance!
Au quotidien, les occasions d’inculquer des notions de base aux enfants d’âge préscolaire, comme la valeur de l’argent et la différence entre un besoin et un désir, sont fréquentes. « À l’épicerie, par exemple, vous pouvez leur montrer qu’en achetant des produits à bas prix, vous en avez plus pour votre argent », illustre Annie Savard.
Responsable des programmes éducatifs au Mouvement Desjardins, Daphnée Bernier rappelle que les enfants apprennent beaucoup par l’exemple. « Pourquoi reporte-t-on un achat ou un projet? Combien de temps ça nous prend pour accumuler l’argent nécessaire pour un achat important, comme un voyage? C'est intéressant d’avoir ces discussions avec eux. »
Le jeu est aussi une façon de les aider à comprendre le cycle de l’argent, selon Daphnée Bernier, que ce soit en jouant au magasin ou à des jeux de société. D’autres outils peuvent vous aider à développer leur littératie financière; le site web de l’Office de la protection du consommateur, notamment, propose des exercices simples à faire avec votre jeune.
Allocation : oui ou non?
Donner de l’argent de poche à l’enfant – que ce soit en échange de l’accomplissement de tâches domestiques ou non – se veut un bon moyen de passer de la théorie à la pratique, d’après les spécialistes. L’allocation hebdomadaire lui permet d’apprendre à gérer son argent et l’initie aux mécanismes de l’épargne.
Or, quel montant accorder à votre jeune? « Une somme avec laquelle il peut faire des expérimentations, selon son âge, et qui entraînera une perte mineure s’il fait des erreurs. L’allocation lui servira à la fois à épargner pour un gros projet et à gérer de petites dépenses du quotidien », répond Daphnée Bernier.
Si votre enfant a le bon réflexe de mettre de côté une portion de son argent de poche, Youcef Ghellache vous suggère de le récompenser en bonifiant le montant à la manière d’un régime enregistré d’épargne-études (REEE), dans lequel les intérêts et les subventions gouvernementales font gonfler la mise de départ sans effort. C’est, selon cet expert, la meilleure façon de lui inculquer la notion d’investissement et d’encourager l’épargne chez lui.
Par ailleurs, comme plusieurs parents, Marc-André Sabourin n’est pas à l’aise avec l’idée de rémunérer ses enfants en échange de services à fournir dans la maison. « Dans ma tête, tout le monde doit participer. C'est un effort collectif de faire le ménage ou de ranger sa chambre », dit-il.
Il faut respecter vos valeurs familiales et vos restrictions financières, de l’avis de Daphnée Bernier : « L’important, c’est d’offrir à l’enfant un contexte où il peut faire ses premières expériences pour développer ses compétences. »
Il y a moyen de mettre le jeune en contact avec l’argent de plusieurs autres façons, par le biais de cadeaux en espèces, par exemple. Plusieurs parents nous ont dit inciter leur rejeton à épargner une partie de ce montant et à dépenser le reste pour qu’il se fasse plaisir. Votre enfant pourrait également faire des petits boulots, comme ramasser des feuilles ou pelleter la neige chez un voisin, faire une vente-débarras ou même mettre sur pied son propre projet d’entreprise (de pâtisseries, de bijoux, etc.).
Choisir son premier compte de banque
Bien que la Caisse scolaire de Desjardins se soit imposée dans les dernières décennies au Québec – elle est présente dans la moitié des écoles primaires de la province –, d’autres institutions financières proposent des comptes destinés aux enfants en bas d’un certain âge. Ces comptes sont surtout pensés pour élever leur niveau de littératie financière et créer des habitudes d’épargne de leur côté.
Contrairement aux comptes de leurs parents, beaucoup d’entre eux n’ont pas de frais de transaction et sont assortis d’un volet éducatif qui se trouve sur le site web de l’institution financière, de même que de mesures pour encourager l’épargne. Par exemple, la Caisse scolaire de Desjardins donne une ristourne de 10 $ en échange de sept dépôts ou plus effectués au cours d’une même année.
Même si les taux d’intérêt applicables aux comptes pour enfants ne sont pas les plus élevés qui soient, vous gagnez à les comparer. Le taux d’intérêt du compte d’épargne pour enfants de Tangerine se situait, au moment d’écrire ces lignes, à 0,80 %, alors que celui d’autres institutions financières descend jusqu’à 0,05 % pour des comptes semblables.
Parmi les autres éléments à prendre en considération, l’entreprise de technologie financière Hardbacon recommande sur son site web d’opter pour un compte qui offre des services bancaires en ligne, des applications mobiles ou d'autres plateformes interactives adaptées aux enfants; qui propose des fonctionnalités permettant aux parents de surveiller et contrôler l’activité du compte en question; et qui peut évoluer avec votre enfant à mesure qu'il grandit.
Certains comptes peuvent être automatiquement convertis en comptes pour adolescents ou étudiants, ce qui permet à ces personnes de continuer de profiter de certains avantages (par exemple un nombre illimité de transactions gratuites).
Son premier emploi
Votre ado décroche son premier boulot. Comment l’accompagner dans cette nouvelle étape de sa vie? Les experts croient que l’une des premières choses à faire est de le sensibiliser à ses droits comme travailleur, notamment tout ce qui touche au salaire minimum, au nombre d’heures qu’il peut travailler et aux jours fériés.
Depuis 2023, l’âge minimal pour travailler est fixé à 14 ans – certaines exceptions existent, comme le gardiennage d’enfants –, et un maximum de 17 heures par semaine (dont 10 heures, tout au plus, du lundi au vendredi) est possible au cours de l’année scolaire.
Pour guider votre adolescent, vous pouvez l’inviter à parcourir le site web de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), où se trouve une section consacrée aux jeunes travailleurs avec différents outils, vidéos et jeux-questionnaires.
Le talon de paie mérite également d’être décortiqué avec lui. « L’adolescent doit s’assurer que les heures travaillées sont effectivement payées, parce que les jeunes ont souvent une confiance [aveugle] envers les adultes », souligne Annie Savard. Vous pouvez aussi lui expliquer en quoi consistent les montants retenus et déduits dans le calcul de son salaire. « C’est l’occasion d’intégrer le concept des impôts et à quoi ils servent », ajoute Youcef Ghellache.
Dans la plupart des cas, les jeunes travailleurs n’auront aucun impôt à payer s’ils touchent des revenus annuels modestes, c’est-à-dire inférieurs aux crédits de base fédéral et provincial (qui étaient respectivement de 15 000 $ et de 17 183 $ en 2023). Tout jeune contribuable devrait malgré tout remplir une déclaration de revenus.
Que ce soit vous ou votre comptable qui remplissiez ce document, votre ado gagne à en prendre connaissance avec vous. « Vous pouvez regarder avec lui les crédits d’impôt et les déductions auxquels il a eu droit, et lui expliquer qu’il existe des moyens de réduire sa facture fiscale qu’il pourra appliquer plus tard », poursuit Youcef Ghellache.
Les bienfaits du budget
Maintenant que votre enfant fait de l’argent, il peut être judicieux de discuter avec lui de ce qu’il peut en faire. C’est là qu’entre en jeu la question du budget! Ce dernier devient encore plus utile, selon Daphnée Bernier, lorsque le jeune a un gagne-pain seulement l’été et non le reste de l’année scolaire : « Il faut qu’il prenne conscience que s’il dépense les sous amassés durant cette période-là, il n’y en aura plus après », dit-elle.
Quelles sont les dépenses hebdomadaires et mensuelles de votre ado (nourriture, facture de cellulaire, etc.)? A-t-il des projets à plus long terme, comme l’achat d’une voiture? « Quand le parent discute avec le jeune pour identifier des projets, c’est là que l’épargne prend tout son sens », fait valoir Annie Savard. Vous pourriez alors introduire l’idée de « se payer d’abord », c’est-à-dire mettre systématiquement de côté un montant prédéterminé extrait de chaque chèque de paie. Pour l’aider dans cette tâche, le site web d’ÉducÉpargne propose une grille budgétaire interactive.
Investir, mais dans quoi?
Épargner, c’est bien, mais investir, c’est mieux. « C’est ce qui te donne la liberté, soutient Youcef Ghellache. Je trouve que c’est l’une des meilleures façons pour que l’enfant comprenne que ce n'est pas mettre de côté pour mettre de côté. Pour t'enrichir, soit tu travailles pour gagner de l’argent, soit l’argent travaille pour toi. »
Mais dans quoi votre ado serait-il donc en mesure d’investir sa petite fortune? Il ne peut placer sa pécune ni dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ni dans le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) avant l’âge de 18 ans, mais il pourrait déjà cotiser à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), puisqu’il n’y a pas d’âge minimal pour le faire; cela dit, ce n’est pas la meilleure stratégie financière qui soit si les revenus déclarés s’avèrent modestes. Il est cependant possible d’y cotiser et de reporter les déductions fiscales.
Avant 18 ans, le REEE demeure l’option la plus intéressante, d’après Youcef Ghellache. Malgré tout, « moins de 50 % des familles en ouvrent un, alors que c’est l’un des comptes les plus avantageux », affirme-t-il. Placée à l’abri de l’impôt, l’épargne est en plus bonifiée par des subventions des gouvernements du Canada et du Québec jusqu’au 17e anniversaire. À noter que c’est le parent qui doit ouvrir le compte et que l’enfant en est le bénéficiaire.
L’inévitable carte de crédit
Vous savez que, un jour ou l’autre, votre jeune aura sa propre carte de crédit. Or, à partir de quand lui en donner l’accès? « Ça dépend tellement de la maturité du jeune, de son intérêt et de ses besoins. Comme parent, il faut le guider là-dedans », estime Daphnée Bernier.
Lorsque vous jugez que votre ado est prêt à franchir cette étape, deux options s’offrent à vous : d’abord faire une demande de carte de crédit, puis inscrire l’enfant comme utilisateur autorisé, puisque l’âge requis pour être titulaire d’une telle carte est de 18 ans. Par contre, vous devez garder en tête que si votre jeune fait une folie, vous demeurez responsable du paiement de celle-ci. Cette option pourrait aussi affecter votre dossier de crédit en cas de défaut de paiement, comme le rappelle Youcef Ghellache.
Pour cette raison, le fondateur d’Educfinance recommande plutôt d’adhérer, dans un premier temps, à une carte prépayée réutilisable, comme Visa et Mastercard. Le montant dont l’enfant dispose est prédéfini et non illimité. Votre ado pourra donc dépenser uniquement le montant disponible sur la carte. « Le principe est le même que celui d’une carte-cadeau, précise-t-il : elle a l’avantage, par rapport au compte-chèques, de permettre à votre jeune d’effectuer des paiements en ligne. »
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