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Actions collectives pour frais cachés: 75$ d’indemnisation… Vraiment?

Par Nadine Filion
Actions collectives pour frais cachés: 75$ d’indemnisation… Vraiment? Volodymyr Maksymchuk/Shutterstock.com

Les organismes de protection des consommateurs vont contester la proposition de règlement qui clôturerait une série d’actions collectives menées contre des centaines de revendeurs d’autos et de concessionnaires pour frais illégaux. Cette entente, si elle est approuvée par la Cour, octroierait un coupon-rabais de 75$ à un demi-million de Québécois. Un dédommagement qui ne couvre pas même le prix d’une vidange d’huile.

Vous avez acheté ou loué un véhicule, neuf ou usagé, ces dernières années? L’entente à l’amiable qui sera présentée devant la Cour supérieure du Québec, le 4 juin prochain, vous concerne. Elle pourrait vous valoir un coupon-rabais de 75 $ à dépenser chez le concessionnaire ou le marchand qui vous a vendu le véhicule. Mais elle signifierait aussi l’abandon de tout recours judiciaire auprès du commerçant qui vous a (peut-être) fait payer des centaines de dollars en frais illégaux. 

Me Hubert Lamontagne, conseiller juridique à l’Association pour la protection des automobilistes (APA), fait partie des automobilistes floués. En 2019, l’avocat a acheté une auto usagée chez l’un des commerçants visés par la proposition de règlement. Ce règlement lui reste tellement en travers de la gorge, pour les raisons énumérées plus bas, qu’il ira s’y opposer lorsque la Cour supérieure du Québec « évaluera si l’entente est dans le meilleur intérêt des membres ».

Son argument ? « Le 75 $ est un crédit maison (qui) devra être utilisé chez les commerçants délinquants, dit-il. Les consommateurs lésés devront faire affaire avec ceux qui leur ont imposé un prix supérieur à celui annoncé. » 

Il ne sera pas le seul à contester l'entente : L’Office de la Protection du consommateur (OPC) a confirmé que son président, Denis Marsolais, a déposé au tribunal une intervention en vue de l'audition du 4 juin prochain. « Il fera part de ses préoccupations au sujet du règlement proposé, » indique le porte-parole de l'OPC, Charles Tanguay.

Rappel des faits

Après une enquête mystère, l’OPC révélait en 2018 que près de la moitié (47 %) des concessionnaires automobiles et marchands de véhicules d’occasion au Québec auraient transgressé la Loi sur la protection du consommateur (LPC). En ajoutant des frais aux prix de leurs véhicules, ils faisaient fi de l’article 224 c) les obligeant pourtant à afficher un « prix tout inclus », avant taxes. 

Frais de gestion, trousses de mise en route, options « obligatoires » que les clients n’avaient même pas demandées… autant de moyens détournés qui, selon George Iny, président de l’APA, auraient permis aux concessionnaires qui les ont facturés d’empocher chacun des centaines de milliers de dollars. 

Protégez-Vous a d’ailleurs régulièrement mis en garde les consommateurs contre ces pratiques commerciales illégales : Attention aux concessionnaires malhonnêtes, Gare aux frais supplémentaires illégaux ou Déjouez les tactiques des concessionnaires).

Le cabinet Lambert Avocats a déposé quatre demandes d’autorisation pour des actions collectives. Ces démarches judiciaires, qui couvrent jusqu’à trois ans et demi de transactions survenues entre le 21 novembre 2017 et le 17 janvier 2022, visent une trentaine de commerçants de véhicules d’occasion et 189 concessionnaires de véhicules neufs. Pour mettre le tout en perspective, sachez que la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) compte environ 850 membres.

De 500 millions de dommages estimés à… 35 millions?

Ces actions collectives représentent les plus importantes actions de ce genre menées dans la province, en matière d’établissements visés et de consommateurs touchés (près de 500 000 Québécois) ainsi que des sommes phénoménales qui auraient été engagées. Il y a deux ans à peine, Me Jimmy Ernst Jr Lambert estimait dans les pages de Protégez-Vous que les indemnisations versées aux consommateurs ayant payé leur véhicule plus cher que le prix affiché pourraient représenter près d’un demi-milliard de dollars. L’avocat pilotant le processus juridique tenait alors compte des frais (présumés) illégaux de 300 $ à 600 $ par véhicule et d’une demande de 1000 $ en dommages-intérêts punitifs. 

Or c’est plutôt un règlement à l’amiable d’environ 35 millions de dollars qui a été proposé pour 150 des 220 commerçants visés et que la Cour supérieure du Québec devra considérer le 4 juin prochain. Le tout, « sans admission de responsabilité », précise le communiqué émis par le cabinet Lambert Avocats. (Pour expliquer l’écart avec le nombre de commerçants préalablement visés, Me Lambert dit avoir laissé tomber les poursuites contre ceux pour lesquels moins de cinq consommateurs s’étaient manifestés.)

L’entente à l’amiable engage donc des sommes jusqu’à 15 fois moins importantes, en plus d’accoucher de conditions qui ont fait sursauter l’Association pour la protection des automobilistes et l’Union des consommateurs. 

Une proposition d’entente qui ne passe pas

Les deux organismes espèrent voir le juge rejeter la proposition de règlement. L'OPC, de son côté, a indiqué qu'il serait bien présent pour faire part de ses préoccupations, une intervention exceptionnelle dans l'histoire de l'Office selon les sources de La Presse

Les arguments des organismes de protection des consommateurs rejoignent ceux que Me Hubert Lamontagne énumère dans sa lettre de contestation personnelle : 

  • Le crédit (non monnayable) est de 75 $, alors que les actions collectives avancent des frais illégaux de 300 $ à 600 $ en moyenne par consommateur.
     
  • L’écart est grand entre le règlement proposé de 75 $ en coupon-rabais et la possibilité de faire valoir ses droits aux petites créances.
     
  • Le coupon-crédit de 75 $ ne couvre pas la presque totalité des produits et services des concessionnaires – « même une simple vidange d’huile pourrait coûter plus cher », rappelle MLamontagne.
     
  • Les clients qui achèteraient pour moins de 75 $ perdront le solde.
     
  • Enfin, « le potentiel de solliciter 500 000 clients pour une visite en magasin s’avère une belle occasion d’affaires ; les grands gagnants seront les commerçants », constate encore l’homme de loi.

Un rendez-vous le 4 juin prochain

Enfin, soutient Me Lamontagne, les crédits non réclamés resteront dans les poches des concessionnaires, qui distribueront alors « beaucoup moins que les 35 millions prévus à l’entente ». Et d’ajouter qu’en ne proposant aucune surveillance par un tiers, « le règlement actuel n’assure pas une indemnisation intègre des consommateurs ».

Si la proposition de règlement est approuvée telle quelle par la Cour supérieure, le 4 juin prochain au Palais de justice de Montréal, « on ne saura jamais combien de Québécois ont utilisé les coupons-rabais et à quel point les concessionnaires ont payé pour la faute alléguée », conclut l’avocat. 

Et, pour ceux qui se le demandent : les honoraires de Me Lambert et son équipe de juristes ont été plafonnés à 6,15 millions de dollars, une somme en sus des indemnisations.

À lire aussi : Véhicules d’occasion: la garantie de bon fonctionnement est étendue et Fin de bail de location à long terme: du temps pour faire réparer le véhicule

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  • Par Roland Berger
    31 mai 2024

    Comme ceux qui veulent penser qu'ils le sont, les gros font tout en leur possible pour empêcher les petits de grossir.