Achat d’une auto: gare aux frais supplémentaires illégaux
Les vendeurs de véhicules neufs et d’occasion ajoutent des frais de toutes sortes au prix des voitures qu’ils proposent. Frais de « bonne route », d’administration, de certification, de demande de crédit, etc. Voici les pièges les plus courants qui pourraient vous être tendus.
Un prix si bas qu’il n’existe pas vraiment
La couleur de l’argent
Des frais carrément illégaux
Véhicules usagés : des frais de certification en sus
Des frais de demande de crédit
Les fameuses ventes « VIP »
Vers plus de transparence
Des recours si vous pensez avoir été lésé
Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur (LPC) oblige les marchands de véhicules neufs et d’occasion à afficher un prix « tout inclus » dans leur publicité et leurs communications avec les clients. Pourtant, des commerçants «oublient» encore de le faire. Et, selon l’Association pour la protection des automobilistes (APA), ce n’est pas involontaire.
En janvier 2021, le concessionnaire Chomedey Hyundai de Laval a été condamné à une amende de 9 000 $ parce qu’il ajoutait des frais d’administration, des frais d’inspection et des frais d’esthétique au prix des véhicules qu’il affichait sur le Web. C’est illégal.
Et c’est une pratique plus fréquente qu’on le croit. Une enquête de l’Office de la protection du consommateur (OPC) indique que 47 % des marchands de véhicules au Québec auraient contrevenu à la loi en 2018 en vendant des véhicules plus cher que le prix affiché. Près d’un vendeur sur deux!
Cela dit, tous les moyens utilisés pour vendre plus cher que le prix annoncé ne sont pas nécessairement proscrits par la loi. Méfiez-vous, notamment, des entourloupettes légales, mais « peu élégantes », dit Steeve De Marchi, directeur général de l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ). « Les pratiques peu élégantes apparaissent surtout lorsque le client désire du financement. Nous recommandons aux acheteurs de demander, par écrit, une promesse qu’il n’y aura pas de frais additionnels avant de procéder à un achat. »
Du côté des vendeurs de véhicules neufs, on juge le phénomène « marginal » et on renvoie la balle aux acheteurs. « Tout le monde ne prend pas toujours le temps de lire les petits caractères », soutient Robert Poëti, PDG de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec (CCAQ).
MM. De Marchi et Poëti mentionnent toutefois qu’il existe depuis 2018 un programme de conciliation – créé par le CAA-Québec en partenariat avec l’AMVOQ et la CCAQ – qui permet aux membres du CAA qui s’estiment floués de contester les conditions de leur achat. De son côté l’APA offre à ses membres un service de conseils et d’accompagnement en cas de différend au sujet de leur achat. Enfin, l’OPC propose pour sa part une plateforme gratuite d’aide au règlement des litiges en ligne, appelée PARLe, qui affiche un taux de règlement des différends de 70 %.
Mais avant d’en arriver là, si vous êtes à la recherche d’un véhicule, apprenez à reconnaître les pratiques de vente douteuses que vous risquez de rencontrer. En voici quelques-unes parmi les plus répandues.
Un prix si bas qu’il n’existe pas vraiment
Cette année, la voiture neuve la moins chère sur le marché canadien est la Chevrolet Spark. Son prix de détail suggéré est de 10 198 $ sur le site web de Chevrolet Canada. Ce montant grimpe à 12 048 $ avec les frais de transport et de préparation.
Mais bonne chance pour la trouver : la Spark que les concessionnaires ont en stock coûte au bas mot 16 448 $ et, si vous optez pour le financement à l’achat, elle vous reviendra au même prix qu’une Spark légèrement plus équipée vendue à partir de 18 048 $ en raison de l’importante différence de taux d’intérêt pour financer chacun des deux modèles : 5,49 % et 1,99 %, respectivement. Si vous étalez les paiements sur 72 mois, dans les deux cas, votre mensualité sera de 270 $.
« Afficher un faible prix d’appel pour un modèle que les concessionnaires ne tiennent pas en stock est courant », explique George Iny, directeur de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). C’est un bon moyen d’attirer la clientèle, les prix affichés étant plus bas que ceux de modèles de marques concurrentes.
Ces voitures sont toutefois peu attrayantes et sont rarement, sinon pas du tout en stock. « L’auto est offerte avec une boîte manuelle, sans climatiseur ou sans possibilité de l’équiper d’une boîte automatique. Pour obtenir l’un de ces éléments, il faut parfois choisir une version supérieure », ajoute M. Iny. Or, cette version plus haut de gamme inclut d’autres accessoires qui font rapidement grimper la facture.
La couleur de l’argent
Une autre astuce consiste à annoncer le prix d’un véhicule neuf sans préciser qu’il n’est livrable à ce prix que dans une ou deux couleurs pas particulièrement populaires. Par exemple, le Chevrolet Trailblazer 2021 est vendu au prix de détail suggéré en blanc sommet ou en bleu oasis seulement. Pour obtenir une autre couleur, vous devez payer 495 $ de plus, et même 1 195 $ pour une teinte appelée « nacre irisée ». Dans certaines publicités, le prix indiqué est bien celui de base, mais le modèle illustré est d’une couleur qui exige un supplément. N’hésitez pas à apporter une copie de l’annonce sur le prix lors de votre magasinage et à signaler la publicité à l’OPC.
Il existe en revanche des couleurs spéciales qu’il faut commander à l’usine et qui exigent un supplément pouvant aller jusqu’à 3000 $. « On voit cela plus souvent du côté des marques de luxe. Parfois, des peintures ou des finitions plus sophistiquées seront offertes à un prix plus élevé, mais c’est assez rare », indique André Pelletier, directeur des ventes pour Solution Ford, à Châteauguay. Pour l’APA, le simple fait de devoir payer un supplément pour la majorité des couleurs chez certaines marques est problématique; et ça l’est encore plus quand la couleur affichée dans la publicité nécessite un supplément et que ça n’est pas mentionné.
Des frais carrément illégaux
Au moment de signer le contrat d’achat de votre véhicule neuf, le vendeur vous signale qu’il faut ajouter des frais d’ouverture de dossier. Ou des frais d’administration liés à la transaction. Ou même d’étranges « frais bonne route ». Or, toutes ces surcharges sont illégales, car elles ne sont pas incluses dans le prix affiché dans la publicité ou sur le site web du constructeur.
Ajoutés au prix du véhicule, ces montants constituent en réalité un moyen pour le commerçant de faire un peu plus de profit sur la vente de véhicules. Ce n’est pas une mince affaire : chez certains commerçants, ils peuvent atteindre jusqu’à 595 $ par modèle vendu.
« Malheureusement, il y a tellement d’options et de frais, portant toutes sortes de noms, que les acheteurs sont rapidement déboussolés et ne les remarquent pas. Ils ne réalisent pas que l’ajout de frais au prix affiché est illégal », rappelle Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC.
Pour se conformer à la loi, certains constructeurs ajoutent les frais de transport et de préparation et le cas échéant, les frais d’administration, sur leur site web si vous indiquez en arrivant sur le site que vous résidez au Québec. Par exemple, Hyundai indique en petits caractères que le concessionnaire peut facturer jusqu’à 499 $ de frais d’administration. Kia Canada précise sur son site que le concessionnaire pourrait ajouter des frais d’administration de 499 $ en sus du prix tout inclus affiché sur le site web, ce qui est interdit au Québec.
Véhicules usagés : des frais de certification en sus
Les vendeurs de voitures usagées doivent respecter le Décret sur la vente de véhicules d’occasion adopté par le gouvernement du Québec en 2007. Entre autres choses, ce décret limite la façon dont les commerçants peuvent faire de la publicité à propos de leur stock. Par exemple, ils peuvent annoncer uniquement des véhicules qu’ils possèdent et qui sont prêts à être vendus. Le prix de vente affiché doit être complet et inclure tous les frais, avant TPS et TVQ
Malheureusement, on observe ici la même pratique que celle qui a cours du côté des véhicules neufs, soit ajouter des frais artificiels au prix des véhicules. Des vendeurs peu scrupuleux exigent des frais administratifs additionnels, des frais de préparation ou, encore, ils facturent au client des « frais de certification » sur le véhicule que celui-ci souhaite acheter. Et cela peut aller jusqu’à 500 $.
Les véhicules d’occasion certifiés ont gagné en popularité il y a une dizaine d’années. Ces véhicules doivent avoir fait l’objet d’un programme de certification du constructeur ou du concessionnaire, qui comprend normalement une inspection détaillée assortie d’une garantie prolongée. Les frais associés à cette pratique ne sont ni obligatoires ni même encadrés par la loi ; toutefois si le véhicule est annoncé «certifié», ils devraient faire partie du prix annoncé et figurer dans le prix total affiché sur l’étiquette, rappelle l’OPC. Faire le contraire constitue une infraction à la LPC.
Des frais de demande de crédit
De nos jours, rares sont les personnes qui paient un véhicule comptant. Les commerçants en profitent parfois et tentent de vous imposer un supplément pour avoir accès au financement. Il s’agit d’un montant, de l’ordre de 250 $, ajouté à la demande de crédit.
Selon l’APA, ces frais sont purement artificiels, comme les frais d’administration ajoutés au prix de vente. Ce montant devrait être compris dans le taux de crédit annoncé. Les frais d’ouverture de dossier ne sont pas interdits par la LPC, mais devraient aussi être intégrés dans le calcul des frais d’intérêt. Ils devraient être indiqués clairement dans le contrat de financement et ne doivent pas être ajoutés après la négociation.
Certains commerçants jouent avec les mots pour créer des frais de toutes pièces, ajoute l’APA. L’organisme a reçu une plainte d’un acheteur qui payait comptant pour un véhicule acheté auprès du groupe H. Grégoire. Celui-ci a facturé des frais additionnels appelés « Promesse d’achat ». Dans le contrat de vente, ces frais figuraient sous l’onglet « Frais d’immatriculation ou transfert », pour mieux faire avaler la pilule au client.
Les fameuses ventes « VIP »
Les ventes privées ou « VIP » ont été ralenties par la pandémie, et c’est probablement une bonne chose pour les consommateurs. Si vous louez votre véhicule ou qu’il est financé par le concessionnaire, il se pourrait que, plusieurs mois avant la fin de votre bail ou même dès la moitié du terme de votre financement, vous receviez une invitation pour participer à une promotion de courte durée réservée aux clients actuels du concessionnaire.
L’objectif de cette opération ? Vous convaincre d’échanger votre véhicule pour un véhicule neuf avant le terme, sous prétexte que ça ne vous coûtera rien de plus. Il se peut que vous repartiez avec une auto neuve assortie de la même mensualité que celle qui s’applique à votre véhicule actuel. Cela ne signifie pas que ça ne coûte rien, car votre dette totale, elle, va grimper de façon marquée.
Cette différence entre ce qu’il vous restait à payer et le solde de votre location ou votre emprunt est englobée dans un nouveau bail au financement de longue durée. Selon l’APA, la période de financement est normalement étirée à 84 mois, voire parfois à 96 mois, afin de conserver des mensualités inchangées. « C’est une mauvaise affaire. Évitez ces ventes privées. En plus de tout le reste, lors de nos enquêtes, nous constatons que le prix de vente promotionnel n’est même pas inférieur au prix régulier », explique George Iny.
Vers plus de transparence
La CCAQ condamne bien sûr les pratiques illégales. Son PDG, Robert Poëti, admet que la publicité n’est pas toujours aussi claire qu’elle pourrait l’être, mais souligne que les sites web des concessionnaires et des constructeurs, pour leur part, contiennent toute l’information nécessaire pour faire le bon choix.
« La tendance s’est amplifiée pendant la pandémie : les acheteurs utilisent ces sites pour s’informer et savent ce qu’ils achètent. » Et s’ils estiment avoir été trompés, ils peuvent déposer une plainte et obtenir des conseils auprès de l’OPC, contacter les services de l’APA ou encore se rabattre sur le programme de conciliation de CAA-Québec (réservé aux membres).
Bref, la balle est dans le camp des consommateurs.
Des recours si vous pensez avoir été lésé
Service-conseil de l’Association pour la protection des automobilistes. En cas de différend, les membres de l’APA ont accès à de l’aide pour monter leur dossier de réclamation ainsi qu’aux conseils d’un avocat spécialisé.
Programme de conciliation de CAA-Québec. En cas de différend avec un commerçant : Véhicule neuf ou Véhicule d’occasion
Plateforme d’aide au règlement des litiges en ligne (PARLe). Il s'agit d'un Outil en ligne gratuit de l’Office de la protection du consommateur (OPC).
Trousse d’information de l’Office de la protection du consommateur. Conçue pour les personnes qui pensent avoir été lésées par un commerçant, ce qui peut aller jusqu’à une mise en demeure.
>> À lire aussi : Pour tout savoir sur la fiabilité des autos, consultez nos fiches de véhicules neufs et de véhicules d’occasion. Lisez aussi notre article pour déjouer les tactiques de vente des concessionnaires.
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