Une crise du logement se dessine en région
À quelques mois du 1er juillet, une crise du logement menace non pas les grands centres urbains de Montréal et de Québec, mais bien des villes situées en région, où le taux d’inoccupation atteint moins de 1 % à certains endroits, selon le rapport déposé le 19 février par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
Impossible de trouver un logement dans Prévost, cette localité de quelque 13 300 habitants de la région des Laurentides: le taux d’inoccupation était nul (0 %) en octobre 2021, indique le Rapport sur le marché locatif de la SCHL.
La situation n’est guère meilleure dans les villes de Granby, Marieville, Drummondville et Rimouski. De 0,1 à 0,2 % des logements étaient libres l’automne dernier. Les Îles-de-la-Madeleine et Gaspé, qui sont victimes de l’engouement des touristes, affichaient des taux d’inoccupation respectifs de 0,3 et 0,8 %.
Dénicher un logis à Trois-Rivières, Sherbrooke, Sainte-Adèle, Alma, Joliette, Rivière-du-Loup et Victoriaville s’annonce tout aussi laborieux puisque moins de 1 % des appartements locatifs étaient vacants en octobre 2021.
Des prix en hausse
Qui dit rareté de logement, dit hausse des prix. À Sainte-Sophie, une localité de 17 726 âmes située au nord-est de Saint-Jérôme, le loyer moyen a grimpé de 19,21 % d’octobre 2020 à octobre 2021.
Pendant la même période, les augmentations ont dépassé les 10 % dans les villes de Marieville, Sainte-Agathe-des-Monts et Lachute. C’est bien au-delà de la hausse moyenne des loyers, qui atteint environ 5 % dans les villes de moins de 100 000 habitants.
Reprise économique
Pourquoi le marché locatif connaît-il ces difficultés? De façon générale, la SCHL avance que la demande de logement a augmenté en raison de la conjoncture économique qui s’améliore depuis le choc de la pandémie de COVID-19. Les jeunes sont de retour au travail ou aux études et l’immigration a repris, parallèlement à l’assouplissement des mesures sanitaires et à la vaccination qui va bon train.
La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) souligne pour sa part que le «déplacement de la demande des grands centres urbains vers les banlieues et les régions a créé un déséquilibre dans certaines villes de région du Québec». Des immeubles locatifs ont par ailleurs été transformés en gîtes touristiques, mentionne le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
«On s’attend à ce qu’il y ait plusieurs ménages sans toit au 1er juillet dans des villes qui ne sont pas habituées à [composer] avec de l’itinérance et des problèmes de crise de logement», s’inquiète la porte-parole du RCLALQ, Marjolaine Deneault, en précisant que les autorités montréalaises sont davantage familières avec ces enjeux.
Le RCLALQ demande d’ailleurs au gouvernement du Québec que des mesures soient rapidement mises en place pour contrôler les loyers et atténuer les effets d’une possible crise du logement en région.
Aux ménages qui résident dans un immeuble locatif et qui reçoivent un avis d’éviction, Marjolaine Deneault recommande d’évaluer d’abord la conformité de la demande avant d’accepter de déménager et de faire appel à un comité logement en cas de besoin. «Ce n’est vraiment pas une bonne période pour changer de logement», insiste-t-elle.
La CORPIQ juge pour sa part que les loyers demeurent raisonnables. «Les régions de Saguenay et Sherbrooke connaissent une augmentation de respectivement 7,1 et 4,7 %; malgré cela, les loyers sont restés très inférieurs à la moyenne québécoise», souligne-t-elle par communiqué.
Montréal et Québec
À Montréal, 3 % des logements locatifs étaient libres en octobre 2021, selon le rapport de la SCHL, alors qu’à Québec, 2,5 % des appartements attendaient de nouveaux résidents.
Même si ces taux d’inoccupation frôlent ou atteignent le point d’équilibre de 3 %, le RCLALQ demeure préoccupé. «On a l’impression que c’est moins grave à Montréal et à Québec, mais il y a encore beaucoup de familles qui ont de la difficulté à se loger dans ces villes», rapporte Marjolaine Deneault. Selon elle, les logements vacants sont ceux qui accueillent habituellement des touristes, des étudiants étrangers et de jeunes professionnels. «Ce ne sont pas des milieux de vie et les loyers sont très chers», dit-elle.
La CORPIQ constate plutôt une «détente du marché» à Montréal et à Québec et note que les augmentations de loyer – 3,7 % à Montréal et 2,3 % à Québec – sont inférieures à la hausse de l’Indice des prix à la consommation, qui s’élevait à 4,1 %, d’août 2020 à août 2021.
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