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Garantie de disponibilité : une avancée ou un coup d’épée dans l’eau ?

Par Marie-Eve Shaffer
Garantie de disponibilité : une avancée ou un coup d’épée dans l’eau ? SergeyKlopotov/Shutterstock.com

Le produit est-il réparable ? À partir du 5 octobre, les fabricants et les commerçants doivent vous indiquer dans quelle mesure ils peuvent aider à prolonger sa durée de vie.

En bref
 

  • Les nouvelles dispositions de la Loi sur la protection du consommateur bonifient la garantie de disponibilité offerte à l’achat d’un produit qui « [nécessite] un travail d’entretien ».
     
  • La tâche s’annonce « impossible », selon les regroupements de détaillants.
     
  • Les associations de consommateurs déplorent le manque de précision de la loi.

De nouvelles dispositions de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) doivent entrer en vigueur le 5 octobre pour élargir la garantie de disponibilité, qui détermine les obligations des fabricants et des commerçants en matière de réparabilité. Une autre étape est ainsi franchie dans la mise en œuvre de la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens que l’Assemblée nationale a adoptée en 2023.

Les détaillants saluent l’esprit de la loi, mais ils jugent toutefois que l’application des articles concernant la garantie de disponibilité s’avère « complexe », voire « irréaliste ».

« C’est pratiquement impossible quand vous avez de grands magasins avec des milliers de produits », dénonce Damien Silès, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQDC).

Option consommateurs argue, pour sa part, qu’un certain flou mine la portée de la loi. « Beaucoup d’éléments pouvaient être précisés par règlement. Le gouvernement n’a pas utilisé ces pouvoirs réglementaires. Ça aurait pu permettre de rendre la loi plus forte et plus ambitieuse », opine Me Sara Eve Levac, avocate et analyste de l’organisme de défense des droits des consommateurs.

Malgré ces critiques, Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice, maintient le cap. « Le règlement, il est raisonnable pour s’assurer — à la fois pour les entreprises, à la fois pour les fabricants, à la fois pour les citoyens — de savoir [si] la garantie est disponible », a-t-il affirmé la semaine dernière, selon ce qu’a rapporté le quotidien Le Devoir.

Voici ce que prévoient les nouvelles dispositions réglementaires.

La garantie à la disponibilité, c’est quoi ?

Les produits concernés

La LPC indique que vous bénéficiez de la garantie de disponibilité lorsque vous achetez un bien qui exige « un travail d’entretien », c’est-à-dire que son « usage peut nécessiter le remplacement, le nettoyage ou la mise à jour de l’une de ses composantes ».

Selon l’Office de la protection du consommateur (OPC), il peut s’agir d’un vélo, d’un grille-pain, d’un lave-vaisselle, d’une thermopompe ou d’une voiture, par exemple. Ces biens sont soit achetés ou loués ; ils peuvent également être acquis neufs ou usagés.

Me Vincent de l’Étoile, avocat associé au cabinet Langlois Avocats, s’attend à ce que les tribunaux soient appelés à déterminer les biens qui seront couverts par cette garantie. Selon lui, un vélo sera protégé parce qu’il faut huiler sa chaîne, changer les pédales et remplacer les chambres à air, entre autres. « C’est un cas clair de travail d’entretien », dit-il.

Le juriste estime cependant qu’une tablette électronique n’exige pas un tel entretien : « S’il n’y a aucun travail d’entretien à faire, corrélativement il n’y a pas de pièces à rendre disponibles. »

Des associations de détaillants jugent, pour leur part, qu’un produit comprenant plusieurs « composants », comme une paire de ciseaux, une pelle ou même un morceau de bois, sera assorti de cette garantie de disponibilité.

« Les composants au sens strict sont matériels. Mais, par extension, un traitement apporté à un madrier pourrait être [considéré] comme un composant fonctionnel sans lequel le matériau ne peut faire le travail attendu », avance Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT).

Les protections

Jusqu’au 5 octobre 2025, la garantie de disponibilité consiste à :

  • Fournir des pièces de rechange ;
  • Offrir un service de réparation.

Les modifications législatives ajoutent un nouvel élément à la garantie de disponibilité :

  • Communiquer les renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation d’un bien, notamment en rendant disponibles les logiciels de diagnostic ou les données utiles pour l’entretien et la remise en état d’une voiture.

Le Règlement d’application de la LPC oblige le fabricant et le commerçant à vous indiquer s’ils fournissent ces trois éléments en tout, en partie ou aucunement. Par exemple, un détaillant ne peut pas obtenir toutes les pièces de rechange d’un vélo. Il doit vous préciser s’il ne lui est pas possible de trouver un dérailleur de remplacement, entre autres

Les obligations du fabricant et du commerçant

Le devoir du fabricant

Le fabricant doit présenter les informations sur la garantie de disponibilité dans son site internet, d’une telle façon qu’il est possible de les imprimer. Il les inscrit aussi dans le manuel d’instructions, s’il vous en donne un.

Les responsabilités du commerçant

Quant au commerçant, il est tenu de vous communiquer les détails sur la garantie de disponibilité, par écrit, avant la conclusion d’un contrat de vente. Il peut aussi se contenter de les diffuser en ligne à certaines conditions :

  • Il les présente « de façon claire et évidente » ;
  • Il les transmet dans un tel format qu’il est possible de les conserver et de les imprimer ;
  • Il publie un hyperlien vers les informations mises en ligne par le fabricant.

Les moyens exigés pour donner ces informations sont considérés comme « irréalistes » par les regroupements de commerçants. « Les détaillants en général n’ont pas forcément l’ensemble des fiches techniques de tous leurs produits », mentionne Damien Silès.

Le Conseil canadien du commerce de détail et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ont, pour leur part, souligné que des « millions de feuillets ou autocollants détaillés » devront être apposés sur « des articles aussi simples qu’un briquet ou une paire de ciseaux ».

💡Bon à savoir 
 

Le commerçant et le fabricant ne peuvent pas vous mettre des bâtons dans les roues dans vos efforts pour entretenir et réparer votre bien. Ils sont cependant libérés de cette obligation s’ils jugent qu’il existe un « risque grave, sérieux, direct et immédiat pour [votre] sécurité physique ».

Qu’est-ce qui est raisonnable ?

Les dispositions de la LPC portant sur la garantie de disponibilité appellent à la raisonnabilité :

  • Les pièces de rechange, les services de réparation ainsi que les renseignements nécessaires à l’entretien d’un bien sont fournis à « un prix raisonnable », sauf pour les informations se trouvant sur un support technologique qui doivent vous être offertes gratuitement.
     
  • Les trois éléments de la garantie de disponibilité doivent en plus être accessibles pendant une « durée raisonnable ».
     
  • Si vous avez besoin d’outils pour effectuer un entretien ou une réparation, ils vous sont donnés, ou ils sont vendus en quincaillerie ou dans un commerce en ligne « à un prix et dans un délai raisonnables ».

Autant la loi que le règlement apportent peu de détails sur le caractère raisonnable d’un prix ou d’une durée. La LPC indique seulement que le prix d’un bien ou d’un service est raisonnable « s’il n’en décourage pas l’accès par le consommateur ».

« C’est bien difficile pour le législateur de faire une nomenclature très exacte de ce qui est raisonnable pour tel ou tel bien, signale Me Vincent de l’Étoile. Probablement que la notion de raisonnabilité va devoir faire l’objet de commentaires ou d’appréciations des tribunaux. »

L’OPC confirme qu’en cas de litige, les tribunaux seront appelés à trancher. Avant de saisir la Division des petites créances, consultez les experts de l’Office pour avoir leur avis sur le caractère raisonnable d’un prix ou d’un délai.

Ce manque de précision agace Équiterre. Selon l’organisme, la pression pèsera sur les épaules des consommateurs, qui devront décider s’ils intentent un recours en justice ou non.

« Si des cas se rendent jusqu’aux tribunaux, on espère que [ceux-ci] se pencheront sur ce qui a déjà été déterminé comme acceptable pour les consommateurs au niveau des prix de la réparation », mentionne Julie-Christine Denoncourt, analyste, réduction à la source, d’Équiterre. Un rapport français a entre autres statué qu’une pièce de rechange ne devrait pas coûter plus de 15 à 20 % du prix du produit neuf.

Le droit d’exemption

Les commerçants et les fabricants peuvent se libérer de ces obligations entourant la garantie de disponibilité. Ils doivent pour ce faire vous aviser par écrit avant la conclusion du contrat ; ils ne peuvent pas seulement se contenter de diffuser ces informations en ligne.

Option consommateurs réclamait que ce droit d’exemption soit limité. « On aurait aimé que certains électroménagers et certains appareils électroniques soient exclus pour que les pièces soient disponibles pendant un certain temps pour faciliter la réparation », souligne Me Sara Eve Levac, avocate et analyste de l’organisme.

« Il y a des considérations commerciales qui vont entrer en ligne de compte, fait valoir, de son côté, Me Vincent de l’Étoile. Les fabricants et les commerçants devront se positionner. Ça peut devenir un élément distinctif, positif pour [ceux] qui, eux, offrent les pièces de rechange et services de réparation, par opposition à leur voisin qui ne le fait pas. »

L’AQMAT constate, pour sa part, que certains de ses membres comptent se soustraire à ces nouvelles obligations. « Ils vont imprimer un papier qu’ils vont mettre à côté des 50 000 produits et qui indiquera : " Nous n’offrons aucune pièce de rechange ni de service de réparation " », rapporte Richard Darveau.

L’OPC entend surveiller la réaction des commerçants et des fabricants pour documenter les impacts des nouvelles dispositions de la LPC. Il prendra notamment en compte les plaintes des consommateurs.

Vos recours
 

Le commerçant et le fabricant ont promis d’honorer la garantie de disponibilité, mais au moment où le bien est brisé, ils ne respectent pas leur engagement ? Voici la marche à suivre.
 

  • 1re étape : Vous demandez au commerçant ou au fabricant de réparer le bien à ses frais. À la suite de votre requête, il dispose de dix jours pour vous proposer une solution de réparation. Vous acceptez la proposition et vous retrouvez un bien fonctionnel.
     
  • 2e étape : S’il ne soumet aucune proposition ou qu’il vous en présente une, mais qu’il n’honore pas ses engagements, vous pouvez exiger un remplacement ou même un remboursement. Vous devez alors remettre le bien défectueux.
     

Notez que les entreprises qui ne respectent pas les dispositions concernant la garantie de disponibilité sont passibles d’une amende entre 3 000 $ et 75 000 $.

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