Indispensables, les avocats et les consultants en immigration au Canada?
Le processus pour venir vivre au Canada est souvent long et parfois complexe. Pour que votre projet devienne réalité, devez-vous absolument faire appel à un consultant ou un avocat en immigration ?
Faire ses démarches seul ou mandater un professionnel ?
Consultant ou avocat : quel professionnel choisir ?
Combien ça coûte ?
Attention aux faux consultants et aux mauvaises pratiques
Comment choisir votre consultant ou votre avocat ?
Arrivée du Cameroun en juin 2022, Eltrine a commencé à travailler comme préposée aux bénéficiaires à Québec avec un permis de travail fermé d’une validité de deux ans. Pour l’aider à faire venir son mari et ses trois enfants, elle a fait appel à un soi-disant consultant en immigration référé par une personne de confiance.
Après plusieurs mois d’attente, elle s’est rendu compte que la demande déposée comportait plusieurs erreurs. « Je passais mes nuits à pleurer, à prier, se souvient Eltrine. C’était tellement difficile. » Presque un an plus tard, elle a appris que la demande avait été rejetée. Eltrine s’est résolue à déposer elle-même une nouvelle demande, avec le soutien du personnel du Centre multiethnique de Québec. Aujourd’hui, elle attend toujours une bonne nouvelle pour pouvoir rassembler sa famille. Une chose est claire pour elle : plus jamais elle ne fera appel à un consultant en immigration.
Pourtant, il existe de vrais consultants, légalement qualifiés. Eltrine ne savait pas qu’un consultant devait être titulaire d’un permis spécifique. C’est bien plus tard qu’elle a découvert que le nom de la personne qu’elle avait mandatée ne figurait pas dans les registres publics des consultants du Québec et du Canada.
Son cas n’est pas unique et démontre une méconnaissance en ce qui a trait aux personnes pouvant accompagner ceux qui font des démarches en immigration, ainsi qu’aux mécanismes pour se protéger des fraudeurs.
Faire ses démarches seul ou mandater un professionnel ?
Si vous souhaitez venir au Canada – pour étudier, travailler ou même vous y installer de façon permanente –, vous pouvez amorcer une procédure par vous-même. Il est également possible de vous faire aider par un ami, un membre de votre famille, ou encore quelqu’un de la collectivité ou qui travaille dans un organisme en qui vous avez confiance. Même chose si vous devez plutôt renouveler votre statut.
La plupart des formulaires de demande sont accessibles en ligne sur les sites web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration dans le cas du Québec.
Vous pouvez aussi demander l’aide d’un professionnel. Cependant, sachez que les personnes autorisées à vous représenter ou à vous donner des conseils contre rémunération sont :
- les consultants en citoyenneté ou en immigration membres du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté (CCIC) ;
- les avocats et les notaires membres du Barreau d’une province ou d’un territoire au Canada, ou de la Chambre des notaires du Québec ;
- et, dans le cas de l’Ontario, les parajuristes membres du Barreau de l’Ontario.
Ces professionnels de l’immigration ont notamment les compétences nécessaires pour bâtir une stratégie avec vous, choisir le meilleur programme en fonction de votre situation, ainsi que remplir et présenter votre demande avec la documentation requise.
Le Libanais Hassan Hamze, lui, a choisi de faire ses propres démarches pour obtenir son permis d’études au Canada. Malgré les délais de traitement occasionnés durant la pandémie de COVID-19, il a pu entamer sa maîtrise en génie des mines à l’Université Laval après son arrivée en août 2021.
« J’aime faire les choses par moi-même et je voulais économiser de l’argent, étant donné que les conditions au Liban étaient difficiles à cause de la crise économique », fait-il valoir. Ayant obtenu un permis postdiplôme par la suite, il a récemment lancé sa demande de résidence permanente avec l’aide d’amis et le soutien du Bureau de la vie étudiante de l’Université Laval.
« Je n’ai pas trouvé que c’était très compliqué [de faire les démarches d’immigration] pour le Canada, mais je crois que c’est plus exigeant maintenant », ajoute-t-il. Pour s’aider, Hassan Hamze n’a pas hésité à poser des questions à des gens qui ont fait les démarches avant lui. À moins de présenter un cas « exceptionnel », il ne croit pas qu’il soit nécessaire de faire affaire avec un consultant.
Il est effectivement possible de tout gérer par vous-même, mais sachez qu’il s’agit d’un projet parfois complexe qui vous demandera temps et organisation, selon Mylène Coderre, chercheuse principale à l’Institut de recherche sur les migrations et la société de l’Université Concordia, à Montréal.
« Même moi qui suis spécialiste du domaine, il faut que je fouille pour trouver les changements réglementaires, les nouveaux projets pilotes, souligne-t-elle. L’information est très éparpillée. »
En octobre 2024, le gouvernement fédéral a par exemple annoncé une baisse des niveaux d’immigration permanente et temporaire de 2025 à 2027. Le Québec a emboîté le pas en annonçant sans préavis le gel de deux programmes de résidence permanente, soit le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ) et le volet des Diplômés du Québec du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).
Dans ce contexte, que la chercheuse qualifie d’« insécurisant » pour les personnes migrantes, est-il devenu indispensable de mandater un professionnel de l’immigration ? Ce n’est pas obligatoire, mais « ça devient pratiquement incontournable pour naviguer dans la complexité de la réglementation », croit-elle.
Si votre dossier ne comporte pas d’anormalités et si vous êtes à l’aise avec le portail d’IRCC, vous pourriez faire votre demande vous-même, de l’avis d’Annie Beaudoin, consultante réglementée en immigration canadienne et professeure à l’Université de Montréal ainsi qu’à l’Université Queen’s, en Ontario.
Cependant, à supposer que vous ayez essuyé un refus dans le passé parce que vous avez omis de déclarer une information, ou que vous ayez été en statut implicite dans l’attente d’un renouvellement de permis, celle qui est également une ancienne agente d’immigration désignée du Canada vous conseille de faire appel à un consultant ou à un avocat.
Elle rappelle d’ailleurs que les agents analysent attentivement l’historique et le comportement d’immigration d’une personne. « Une petite faute peut avoir un impact un an plus tard ou même nous rattraper cinq ans après », prévient pour sa part Krishna Gagné, avocate exerçant le droit de l’immigration au Québec.
Consultant ou avocat : quel professionnel choisir ?
Pour vous aider dans vos démarches, deux types de professionnels sont à votre service : les consultants réglementés en immigration (CRIC) et les avocats qui exercent en droit de l’immigration (voyez l’encadré ci-dessous).
« Pour des situations plus complexes, parfois, l’avocat peut être un professionnel plus approprié », juge Mylène Coderre. Comme celui-ci est titulaire d’une formation générale en droit, il est en mesure de gérer des situations liées à d’autres domaines juridiques, tels le droit du travail, le droit de la famille et le droit criminel.
Ces compétences transversales peuvent s’avérer utiles pour accompagner un travailleur étranger temporaire qui fait face à des problèmes en lien avec une convention collective, par exemple, comme l’illustre Me Krishna Gagné.
La consultante Annie Beaudoin insiste pour sa part sur le fait que les consultants suivent des cours spécialisés en immigration et doivent réussir un examen « extrêmement rigoureux » pour obtenir leur permis.
Consultant réglementé en immigration (CRIC). Qu’il exerce sa pratique au Canada ou à l’étranger, le CRIC doit obtenir un permis d’exercice délivré par le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté (CCIC). Il doit être titulaire soit du diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) offert en français à l’Université de Montréal, soit du diplôme d’études supérieures en droit de l’immigration et de la citoyenneté offert en anglais à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario. Il lui faut aussi avoir réussi l’examen d’accès à la pratique (EAP-CRIC) du CCIC. Au Québec, le CRIC doit également être inscrit au Registre québécois des consultants en immigration. Si vous avez besoin d’être représenté auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), il importe que le consultant ait obtenu la catégorie de permis CRIC-CISR.
Avocat exerçant en droit de l’immigration. L’avocat qui exerce le droit de l’immigration a quant à lui obtenu un baccalauréat en droit dans une université reconnue et réussi l’examen du Barreau du Québec. Sa pratique est également encadrée par le Barreau, qui est l’ordre professionnel des avocats de la province. Il peut vous représenter devant les tribunaux, tout comme un notaire (qui est de son côté encadré par la Chambre des notaires).
Combien ça coûte ?
En général, les avocats et les consultants ont établi des tarifs forfaitaires pour se charger de votre dossier de A à Z, mais les prix sont susceptibles de varier en fonction de leur expérience, du service demandé et de votre situation. La première rencontre exploratoire peut être gratuite ou payante, selon le professionnel.
L’avocate Krishna Gagné parle d’environ 5 500 $ pour une demande de résidence permanente excluant les frais gouvernementaux (à partir de 1 525 $), mais elle rappelle que certains avocats pourraient demander 10 000 $ et d’autres, 2 500 $.
Pour un visa de visiteur (aussi appelé « visa de résident temporaire »), il faut prévoir entre 1 000 et 1 500 $, ce qui exclut les frais gouvernementaux. Notez que, dans certains cas, vous devrez prévoir des coûts additionnels pour un examen médical, l’évaluation de vos compétences linguistiques et/ou l’évaluation de vos diplômes.
Dans le cadre d’un projet de recherche mené auprès de personnes migrantes, Mylène Coderre a constaté que les honoraires sont très variables et semblent fixés de manière arbitraire. « Pour les permis de travail, les montants déclarés varient entre 1 000 et 5 000 $ ; pourquoi y a-t-il une si grande variation ? » soulève-t-elle. La chercheuse estime que des balises sont nécessaires. Sinon, « comment fait-on, quand on est une personne immigrante, pour savoir si on paye un juste prix ? » Elle vous invite donc à comparer les prix des différents professionnels au moment d’effectuer vos recherches.
Attention : vous devez absolument signer un contrat avec le consultant ou l’avocat avant de lui transférer de l’argent. Comme Eltrine ne le savait pas, elle n’avait rien signé ; elle a malheureusement perdu 1 700 $ au total.
Et si votre demande est refusée, aurez-vous à payer les mêmes honoraires une deuxième fois ? Ça dépend. Chose certaine, vous devrez payer de nouveau les frais gouvernementaux. « Il y a des cabinets qui vont facturer des frais de gestion, mais en général, ce ne sera pas le double », dit l’avocate Krishna Gagné.
Un entre-deux pour diminuer les frais
Dans plusieurs cas, il est également possible de faire valider certaines informations au fur et à mesure par un consultant ou un avocat ; ainsi, vous aurez à payer des honoraires à l’heure.
Annie Beaudoin a par exemple fixé son taux horaire à 260 $. « J’ai des clients qui veulent faire leur demande seuls et qui ne veulent pas payer 4 000 $ pour leur résidence permanente, donc ils vont prendre une heure chaque mois pendant laquelle je réponds à leurs questions. C’est une façon d’économiser de l’argent », explique-t-elle.
Attention aux faux consultants et aux mauvaises pratiques
On vous garantit l’obtention d’un permis de travail ou d’études, ou encore un traitement accéléré de votre demande ? Méfiez-vous : il peut s’agir d’une fraude.
« Depuis que j’ai commencé, il y a cinq ans, déjà deux compagnies de consultants fantômes ont essayé de prendre ma photo, mon nom et mes coordonnées pour les associer à leur compagnie. C’est très fréquent », confirme Annie Beaudoin.
Une fraude de la part d’un faux consultant ou le travail bâclé d’un consultant réglementé risque d’entraîner de graves conséquences. Et même si le CRIC est soumis à une mesure disciplinaire du Tribunal du CCIC (les procédures en cours ainsi que les révocations, les suspensions et les restrictions peuvent être consultées ici), il y aura tout de même une tache à votre dossier.
« Une personne peut faire partie d’une profession réglementée, mais ce n’est pas un gage que son travail de représentation sera de qualité et rigoureux », avertit Mylène Coderre.
Vous devez également être prudent avec les agences de recrutement qui exigent de manière injustifiée des milliers de dollars en échange d’un permis de travail.
C’est arrivé à Yves, originaire du Cameroun, à qui une agence de recrutement internationale a exigé environ 9 000 $ pour un permis fermé au Canada. Or, un travailleur étranger temporaire à bas salaire avec permis fermé ne devrait jamais payer pour les frais de recrutement ni pour le billet d’avion, comme le rappelle la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
Pourtant, comme la consultante de l’agence qui communiquait avec lui est titulaire d’un permis valide au CCIC, elle aurait dû être au courant de ces conditions.
Yves est finalement arrivé au Québec pour travailler et, près de deux ans plus tard, il a fait des démarches d’immigration subséquentes avec Annie Beaudoin.
Cette dernière rappelle que, pour vous assurer de la crédibilité d’un consultant ou d’un avocat, il importe que vous vérifiiez son nombre d’années d’expérience et sa spécialité. Lors de la première consultation, faites en sorte que vous voyiez cette personne, en visioconférence ou en chair et en os. Posez-lui un grand nombre de questions afin d’établir si elle a les compétences nécessaires pour prendre votre dossier en main. Si elle a du mal à répondre à vos interrogations, ce n’est probablement pas le cas.
Important : si vous êtes victime d’une fraude à l’immigration, vous devez la signaler aux autorités gouvernementales.
Comment choisir votre consultant ou votre avocat ?
Si vous faites affaire avec un consultant, assurez-vous qu’il est titulaire de son permis – en le vérifiant sur le site web du CCIC – et qu’il est autorisé à exercer sa pratique (confirmez qu’il est écrit « oui » dans la colonne prévue à cette fin).
Vérifiez ensuite que le consultant qui exerce au Québec est reconnu au Registre québécois des consultants en immigration. Si vous consultez plutôt un avocat, ayez la certitude qu’il est membre du Barreau.
Dans un cas comme dans l’autre :
- Assurez-vous que le courriel et le numéro de téléphone fournis dans les registres correspondent à ceux que vous avez sous la main.
- Comparez les honoraires du consultant avec ceux d’autres professionnels équivalents.
- Informez-vous sur ses années d’expérience et sur sa spécialité, et posez beaucoup de questions lors de la première rencontre pour déterminer si c’est la personne adéquate pour vous représenter.
- N’envoyez pas d’argent tant qu’il n’y a pas de contrat signé et que vous n’avez pas vu le consultant ou l’avocat, soit en personne, soit par visioconférence.
- Préparez bien vos preuves documentaires en fonction du programme visé et de votre statut.
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