Consommation en Suède... l'attitude Nord
Par Pierre Duchesneau Mise en ligne : 02 mai 2007

Politiques sociales tout confort, conscience écolo transmise au berceau: qu'est-ce qui peut bien préoccuper les Suédois? Visite d'un pays fascinant qui a vu naître Ikea, Volvo... et le légendaire groupe ABBA!
Quatre têtes blondes quittent un magasin Ikea de banlieue. Papa et maman transportent la boîte de la bibliothèque Leksvik jusqu’à la Volvo, suivis par fiston qui sirote un jus à emballage TetraPak. Lassée par ces emplettes dominicales, l’adolescente discute des soldes de vêtements en cours chez H&M avec une amie, cellulaire Ericsson en main. Toute la famille roule ensuite vers la maison-avec-sauna au son d’un vieux tube d’ABBA de circonstance... Avouons-le: l’idée qu’on se fait dela Suède ressemble bien souvent à une enfilade de clichés! Mais au-delà des marques connues et des images préfabriquées, comment participent les neuf millions de Suédois à l’économie de leur État, eux qui ont joint l’Union européenne en 1995 tout en rejetant l’euro?
«La Suède fut l’un des premiers pays d’Europe à introduire des lois pour protéger les consommateurs. Aujourd’hui encore, les Suédois ont confiance en l’État et sentent qu’ils n’ont pas à se battre pour quoi que ce soit... ce qui traduit peut-être une certaine naïveté!» reconnaît Carina Lundgren, rédactrice en chef du magazine Råd & Rön («Conseils et résultats») né en 1958.
En effet, s’il ne figure plus parmi les pays les plus riches de la planète, le pays natal de Greta Garbo et de Fifi Brindacier demeure un État providence où l’employé d’usine est payé 20 000 couronnes par mois (3370 $) et profite, comme tous ses concitoyens, de congés parentaux de 13 mois à 80 % du salaire, de garderies où on garantit une place à tout enfant âgé de deux à cinq ans, de prêts pour le logement, etc. Ajoutez à cela une foule d’outils pour qui cherche à faire valoir ses droits ou à éviter les citrons, comme la Allmänna Reklamationsnämnden — la cour des petites créances — et la populaire émission Plus diffusée sur STV, sorte de Radio-Canada suédoise, qui présente tant des produits recommandés que d’autres qui sont à jeter à la poubelle.
("liste noire"), mise à jour deux fois par an sur notre site Web, répertorie les commerçants qui font l’objet de plaintes non réglées», ajoute Carina Lundgren.
Le Canada est-il donc si différent de la Suède à qui il est souvent comparé? Selon la rédactrice en chef, oui sous certains aspects, notamment notre rapport à l’automobile: «Vous semblez davantage attachés à ce moyen de transport que nous. Ici, à Stockholm, les stationnements coûtent très cher, alors nous n’hésitons pas à marcher ou à rouler à vélo. Au magazine, nous n’accordons que peu d’importance à la performance d’une voiture et préférons évaluer si elle est sécuritaire.» Avant sa défaite aux dernières élections, le gouvernement social-démocrate annonçait d’ailleurs son intention d’équiper tous les véhicules neufs d’un alcootest et d’interdire l’usage des téléphones portables — on en dénombrait près de 10 millions sur le territoire en 2005! — au volant.
Géant vert
Ces idées ne sont pas les seules à avoir germé dans l'esprit des fonctionnaires. En janvier 2006, malgré l’opposition de 70 % de la population, un projet-pilote de péage au centre-ville de Stockholm est instauré afin de désengorger les rues de la capitale et d’y rendre l’air un peu plus respirable. Jusqu’en juillet 2006, les automobilistes ont dû payer de 1,75 à 9 $ pour y rouler. Résultat? Une réduction de 22 % de la circulation ainsi qu’une baisse de 14 % des émissions de CO2 dans la ville. L’utilisation du transport en commun, elle, a fait un bond de 6 %!
De projet-pilote, le péage est devenu une réalité: ainsi, depuis août 2007, les automobilistes suédois doivent sortir leur portefeuille pour entrer dans le centre-ville de la capitale et en sortir. Le montant varie entre 10 et 20 couronnes (de 1,56 à 3,13 $) en fonction des horaires; des caméras enregistrent le passage des automobiles entre 6 h 30 et 18 h 29 du lundi au vendredi. La zone couverte par le péage s'étend sur 34,5 km2, soit 18 % de la superficie du grand Stockholm. Environ 280 000 habitent dans ce secteur, qui réunit 60% des emplois de la ville. «L’environnement est une grande préoccupation, acquiesce Carina Lundgren.
En Suède, le principe de l’Allemansrätten — "droit d’accès commun" — veut que la nature appartienne à tout le monde.» Cette loi non écrite permet notamment au Suédois de cueillir n’importe quel champignon qu’il croise sur sa route ou de planter sa tente où bon lui semble. D’autres exemples de cette idéologie verte? Au début de 1990, suivis de près par leur magazine de consommation, les Suédois ont boycotté en masse une populaire lessive en poudre nommée Via parce que son fabricant, Unilever, persistait à employer des ingrédients chimiques hautement polluants. Aujourd’hui, presque toutes les lessives vendues au pays sont sans danger pour l’environnement... et Via n’a plus la cote.
Le carburant préoccupe aussi les autorités. Convaincu que la fin de l’or noir est tout près, le premier ministre sortant Göran Persson a mis sur pied, pendant qu’il était au pouvoir, un comité d’étude chargé de mettre fin à toute dépendanceaux combustibles fossiles d’ici à 2020. Les résultats se font déjà sentir: le pays consomme 40 % de moins de pétrole que dans les années 1970. Dans la province de Skåne chère à l’inspecteur Wallander des romans policiers de Henning Mankell, plusieurs éoliennes se dressent aux abords des terres agricoles, alors qu’un peu plus haut, dans la coquette ville de Växjö, les deux tiers du chauffage proviennent exclusivement des résidus forestiers. À Linköping, de nombreux autobus et véhicules carburent au biogaz.
Cris et chuchotements
Mais tout est-il vraiment rose tendre dans ce pays où l’espérance de vie est de 80,5 ans, où le taux de chômage atteint un honorable 5,8 % et où il faut «prendre un numéro» partout, même dans un simple magasin d’électronique? Apparemment, non. Selon plusieurs observateurs, le modèle suédois balaie certaines réalités sous le tapis.
Dans ce pays où le taux d’absentéisme au travail atteint des sommets, le taux de non-emploi serait en fait deux fois et demie plus élevé, les données officielles ne tenant pas compte des personnes en perfectionnement, en congé maladie, etc. Par ailleurs, toutes les industries ne jouissent pas d’une aussi grande prospérité que le géant Ikea (chiffre d’affaires: 20,9 milliards de dollars). L’exploitation minière, la pêche et la foresterie par exemple, surtout pratiquées dans le nord (Norrland), jouent aujourd’hui un rôle mineur dans l’économie.
Conséquence: de plus en plus de travailleurs de ces secteurs viennent alors tenter leur chance dans le centre et le sud, lassés de l’isolement et des perspectives d’emploi incertaines propres à leur coin de pays.
Autre arête dans le gravlax: alors qu’ils peuvent compter sur des aliments parmi les plus sûrs du monde (vu les lois sévères qui encouragent les contrôles sanitaires et régissent l’usage d’antibiotiques, d’hormones et de pesticides), les Suédois vont plus souvent au resto et cuisinent moins... avec les conséquences que cela entraîne. «Même si elle est certainement moins répandue qu’aux États-Unis, l’obésité fait du chemin», dénote Carina Lundgren. C’est Björn Borg, ex-star suédoise du tennis sans problème de poids apparent, qui doit s’étouffer avec son bâtonnet de carotte bio!
Photo: à Lund, petite ville universitaire du sud de la Suède (province de Skåne), la bicyclette est visiblement un moyen de transport des plus prisés! Photo: Pierre Duchesneau

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