Carte de crédit : la hausse du paiement minimum peut faire mal
Depuis 2019, le pourcentage du paiement minimum à effectuer sur le solde d’une carte de crédit a augmenté progressivement. Il atteindra 5 % en août 2025. Une recherche semble indiquer que l’impact peut être important pour les consommateurs qui ne règlent pas rapidement le solde de leurs comptes.
À partir d’août 2025, tous les détenteurs de cartes de crédit au Québec devront rembourser chaque mois au minimum 5 % du solde de leurs comptes. Certains le font déjà, si leur carte a été émise après le 1er août 2019. D’autres y arrivent, avec des cartes émises il y a plusieurs années et dont le solde minimal de remboursement a progressivement grimpé, un demi pour cent à la fois.
Le but visé par la réglementation du Québec ? Prévenir les problèmes d’endettement et conscientiser les détenteurs de cartes de crédit sur ce qu’il en coûte en frais d’intérêt d’étirer le remboursement du solde.
Par exemple, le calculateur de l’Office de la protection du consommateur (OPC) indique que le montant des intérêts et le temps nécessaire pour rembourser un achat de 1 000 $ sont les suivants (carte à 19,99 %) pour quelqu’un qui ne rembourse que le strict minimum :
- Cartes offertes avant août 2019, avec un pourcentage de paiement minimum de 2 % : près de 26 ans de remboursement avec 3 001 $ de frais d’intérêt.
- Cartes offertes depuis août 2024, avec un pourcentage de paiement minimum de 4,5 % : près de 7 ans de remboursement avec 511 $ en frais d’intérêt.
- Cartes offertes à partir d’août 2025, avec un pourcentage de paiement minimum de 5 % : 6 ans de remboursement avec 442 $ de frais d’intérêt.
On le voit, en augmentant le paiement minimum, la durée de remboursement et le montant des intérêts diminuent radicalement. Une bonne façon de protéger les consommateurs contre eux-mêmes…
Mais bien que l’intention de départ soit bonne, on peut néanmoins se demander si l’objectif sera atteint ou si, au contraire, cela contribuera à endetter encore davantage une catégorie d’utilisateurs de cartes de crédit.
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L’expérience menée par une banque
Il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions sur la mesure instaurée au Québec, mais Philippe d’Astous, professeur agrégé au Département de finance de HEC Montréal, s’est déjà penché sur la question. En fait, une grande institution financière nord-américaine (il ne peut la nommer) a imposé il y a quelques années une règle de remboursement semblable à ses clients, nous explique celui qui est aussi directeur du Laboratoire en éducation financière à HEC Montréal. Cette banque avait alors fait passer de 3 à 5 % le taux de paiement minimum sur les soldes de ses cartes.
Les résultats de la recherche de l’expert indiquent qu’effectivement, certains consommateurs ont été incapables d’augmenter leurs versements : en quelques mois, leur compte a été fermé par le créancier, puis envoyé au recouvrement. « Après avoir manqué un versement, ces consommateurs ont pris un retard qu’il leur a été impossible de combler, constate Philippe d’Astous. À terme, cette mesure a donc engendré davantage de défauts de paiement. Tout le monde n’est pas nécessairement capable d’absorber une hausse de 2 %. »
Une marche trop haute pour de nombreux emprunteurs ?
Quand on sait que le solde moyen des cartes de crédit est de 2 500 $ au Québec, le versement minimum devrait passer dès août 2025 de 75 à 125 $ le premier mois, pour se réduire progressivement au fil du temps.
La marche sera haute pour ceux dont la situation financière précaire fait en sorte que leur accès au crédit se limite à leurs cartes de crédit. Ils ne peuvent bénéficier des taux d’intérêt plus avantageux qui s’appliquent aux prêts ou aux marges.
Cependant, contrairement à ce qui s’est passé dans le cadre de la recherche du professeur d’Astous, la hausse, au Québec, a été instaurée progressivement, 0,5 % à la fois. D’ici 2025, il espère donc que les utilisateurs auront eu suffisamment de temps pour s’adapter, ou pour baisser leurs soldes !
La recherche que le spécialiste a menée révèle aussi qu’à l’autre bout du spectre, on trouve ceux qui remboursent déjà leur solde complet chaque mois : ceux-là ne sont évidemment pas affectés par cette hausse. Il s’agit des utilisateurs transactionnels qui se servent de leur carte comme d’un outil de paiement et non comme un outil de crédit, ce qui constitue, bien sûr, la meilleure option.
Des habitudes de paiement difficiles à modifier
Entre ceux qui paient rubis sur ongle et ceux qui n’y arrivent pas se trouvent tous ces consommateurs mal informés sur les conséquences reliées au prolongement du remboursement de leurs soldes, ou encore ceux dont les comportements ne sont pas totalement rationnels.
« D’autres recherches ont démontré que les gens ont tendance à verser systématiquement un certain pourcentage du montant chaque mois, et ce, sans nécessairement réfléchir à ce qui serait optimal d’un point de vue financier », mentionne Philippe d’Astous. Il ajoute que les individus développent généralement des habitudes de paiement sur leurs cartes qui sont difficiles à modifier, même si elles ne sont pas optimales ; par exemple, en ne remboursant pas en premier la carte qui affiche le plus haut taux d’intérêt, mais en répartissant les montants sur différentes cartes.
Avec sa réglementation, le gouvernement du Québec espère sans doute que les consommateurs seront touchés par la grâce et prendront conscience des avantages d’effectuer des paiements minimums plus élevés. Ce serait une bonne chose, car rares sont ceux qui saisissent réellement comment sont calculés les intérêts sur leurs cartes de crédit. Cette mécanique encore mal comprise fait en sorte que, chaque mois, les consommateurs laissent des dizaines, voire des centaines de dollars sur la table.
Décidément, force est de constater que l’éducation financière peut faire beaucoup pour notre porte-monnaie.
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