Moins de dettes mais plus de mal à s’en sortir
L’endettement a changé de visage depuis la période prépandémique : même avec moins de dettes, des Québécois se retrouvent plus vite en eaux troubles. Face au mur, ils optent davantage pour la proposition de consommateur.
Nous vivons une époque pleine de paradoxes : durant la pandémie, malgré les pertes d’emplois et les nombreuses fermetures d’entreprises, les Canadiens auront épargné à un niveau inégalé. Et alors qu’une possible récession nous pend au nez, le niveau de chômage est si bas que plusieurs régions flirtent avec le plein emploi.
Parallèlement, l’inflation et la hausse rapide des taux d’intérêt grugent notre pouvoir d’achat et notre bas de laine. Résultat : les Québécois se retrouvent en difficulté financière plus rapidement, et ce même avec un niveau d’endettement moins élevé qu’avant la pandémie.
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Plus de propositions de consommateur, moins de faillites
C’est ce que note Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabilité et président de Jean Fortin et Associés, s’appuyant sur des statistiques, mais également sur ce qu’il constate chaque jour dans ses bureaux.
Tout d’abord, on compte moins de faillites qu’avant février 2020. Selon les données du Bureau du surintendant des faillites (BSF), elles constituaient un peu plus de la moitié des dossiers en insolvabilité alors qu’aujourd’hui, c’est plutôt la proposition de consommateur qui occupe le haut du pavé avec près de sept dossiers sur dix.
Rappelons que la proposition de consommateur permet de faire une offre de remboursement aux créanciers d’un montant moindre que la dette totale. Les paiements sont échelonnés sur un maximum de 60 mois, sans intérêt.
Avec une faillite, il est possible d’effacer toutes ses dettes à quelques exceptions près, en échange d’un montant versé au syndic sur une période de neuf mois (pour une première faillite). En revanche, on y perdra souvent ses actifs comme les biens immobiliers si ceux-ci ont une valeur nette (équité) importante, et elle affectera lourdement la cote de crédit.
Autre élément qui retient l’attention : le montant médian de l’endettement dans le cadre d’une proposition de consommateur a diminué, passant de 31 000 $ à 24 000 $. Le montant accepté par les créanciers a lui aussi décru, passant d’un remboursement en proportion de 50 cents pour un dollar (environ 15 000 $ pour un total de 31 000 $ de dettes), à 35 cents pour un dollar (environ 9 000 $ pour 24 000 $ de dettes).
Pierre Fortin résume la situation en indiquant que, si les propositions de consommateur sont deux fois plus nombreuses qu’auparavant, elles sont également d’un montant significativement moins élevé. Les créanciers sont donc plus ouverts à la négociation.
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Deux catégories de propriétaires
Par ailleurs, les propriétaires semblent relativement épargnés, car l’immobilier a beaucoup gagné en valeur au cours des trois dernières années. En cas de difficultés financières, ils ont d’autres solutions à leur portée, comme réhypothéquer leur maison. Pierre Fortin note néanmoins que les acheteurs récents qui peuvent difficilement mettre de l’avant la valeur de leur maison qu’ils commencent à peine à rembourser se retrouvent plus rapidement dans un bureau de syndic.
Le portrait pourrait aussi évoluer lorsque les hypothèques à taux fixe, qui représentent les trois quarts des hypothèques, seront progressivement renégociées. Actuellement, ce sont surtout les propriétaires avec une hypothèque à taux variable qui souffrent de l’augmentation des taux d’intérêt, même si, bien souvent, ceux qui ont choisi cette option avaient les moyens de prendre ce risque supplémentaire.
Quant aux locataires, ils sont déjà frappés de plein fouet par la hausse vertigineuse des loyers et du coût de la vie.
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