Le retour au bureau en mode hybride, un sac à surprises…
Excitant pour certains, anxiogène pour d’autres, le retour au bureau en mode hybride pose des défis inédits aux employeurs et aux travailleurs. L’avenir nous dira si c’était une bonne idée…
Après des mois à télétravailler de la cuisine, du sous-sol ou de leur sofa, l’idée de retourner au bureau de 9 à 5, du lundi au vendredi, paraît chaque jour un peu plus obsolète pour nombre de travailleurs. En mai 2021, seulement 9 % des travailleurs québécois souhaitaient retourner au bureau à temps plein, selon un sondage réalisé par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).
Le travail en mode hybride devient la norme, faisant d’une pierre deux coups: d’un côté, il satisfait les employés désirant mieux concilier travail, famille et vie personnelle, et, de l’autre, il permet aux employeurs d’économiser sur les locaux et d’être attractifs dans un marché du travail en mouvance.
Car, en ces temps de pandémie et de pénurie de main-d’œuvre, les employeurs doivent user d’imagination pour attirer les travailleurs et les retenir. «C’est pourquoi les entreprises investissent dans leurs aménagements, dans la réorganisation des locaux, des horaires et des façons de fonctionner, commente Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec. Beaucoup d’entre elles offriront une formule de travail hybride dans les prochaines années.»
Pour le moment, «la formule la plus populaire est trois jours au bureau, deux en télétravail, ou l’inverse», précise-t-il. Mais toute organisation est libre d’établir un horaire qui répond à ses besoins.
L’important, c’est le retour au bureau, qui sera «profitable et souhaitable tant pour les travailleurs que pour les employeurs, affirme Karl Blackburn. Ce retour est important pour le sentiment d’appartenance à l’organisation, pour la cohésion et la dynamique de groupe, et, dans certains secteurs, pour la productivité.»
Des effets inconnus
Cela dit, «on ne connaît pas les effets d’un retour au bureau en mode hybride. Il n’y a pas encore d’études pour savoir ce que ça va donner», avertit la Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, précisant que l’organisme n’a pas pris de position officielle sur le retour au bureau.
Ce qu’on sait cependant, c’est que le télétravail, bien qu’il puisse favoriser la productivité, fait en sorte que les employés travaillent plus et que les frontières entre le boulot et la vie personnelle sont brouillées, entraînant des risques d’épuisement, d’après la Dre Grou.
On sait aussi que, si certaines personnes veulent demeurer en télétravail, d’autres souhaitent retourner au bureau à temps plein pour séparer leur vie personnelle et professionnelle et diminuer le stress lié au travail à la maison. Et qu’entre ces deux extrêmes, beaucoup de travailleurs veulent un peu des deux.
Par conséquent, si le travail hybride est mal organisé et mal encadré par l’entreprise, il y a un risque de «clivage» entre les travailleurs qui seront toujours là et ceux qui ne seront jamais là, «créant ainsi deux sous-groupes et des sous-cultures de travail», avertit la Dre Grou.
Un autre danger du travail en mode hybride est le biais de proximité, c’est-à-dire cette tendance qu’auront les patrons et gestionnaires à faire davantage appel aux employés plus présents au bureau. Par conséquent, les télétravailleurs pourraient se voir confier des tâches différentes, voire risquer de rater des mandats intéressants ou des promotions.
Des pour et des contre pour la santé mentale
Le fait de devoir retourner au bureau en présentiel entraîne de l’anxiété tant chez les travailleurs que chez les employeurs. «Depuis deux ans, les gens sont enfermés chez eux; ils se sont adaptés et ont changé leurs façons de fonctionner, affirme Karl Blackburn. Il faut donc demeurer vigilant et attentif aux signaux qui pourraient nous être lancés par des collègues, des partenaires ou des dirigeants.»
En effet, «moins on sort, moins on s’expose, moins on a le goût de faire», souligne la Dre Grou, qui observe un manque d’énergie et de motivation généralisé en ce qui concerne le retour au bureau. Pour certains, c’est l’éloignement et le transport qui pèsent. D’autres craignent le virus ou encore le casse-tête logistique, notamment les parents de jeunes enfants qui se sont habitués à une flexibilité pour parer aux imprévus familiaux.
«Même si beaucoup de gens sont appréhensifs actuellement, on peut anticiper que le retour au bureau aura de grands bienfaits sur la santé globale des individus, sur la culture organisationnelle, sur les relations sociales et sur le travail d’équipe, ajoute la psychologue. Car, en télétravail, on sort peu de chez soi, ce qui n’est pas normal pour des adultes.»
Même le temps de transport entre le bureau et la maison devient une «zone tampon» bénéfique pour faire une coupure entre le travail et la vie personnelle, selon la Dre Grou. Retrouver des repères et une routine à l’extérieur de la maison est bénéfique pour le moral.
Toutefois, un retour en mode hybride pourrait entraîner davantage de fatigue qu’un retour à temps plein. «Quand on recommence à sortir dans le monde et qu’on retrouve beaucoup de stimulation et un certain rythme, c’est très fatigant les premiers temps, explique la Dre Grou. Il faut se réentraîner. Mais si on s’entraîne seulement un jour ou deux par semaine, se réactiver exigera plus de temps et d’énergie.»
Heureusement, la fatigue pandémique finira bien par se dissiper. «Même si cela exige de l’énergie, les gens disent ressentir une grande satisfaction à se remettre en selle, à sortir, à s’habiller, à voir du monde», illustre la psychologue.
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