Cas vécu - Panne informatique: le commerçant peut-il annuler votre transaction?
Quand un site plante sous le poids de la demande, les transactions enregistrées peuvent-elles être annulées par souci d’équité, ou constituent-elles des contrats que le commerçant doit respecter?
Clémence Lamarche a l’habitude d’envoyer ses enfants au camp Minogami pendant l’été. Cette année, il était prévu de procéder aux inscriptions le 16 janvier. Plusieurs rappels avaient été envoyés par courriel et la page Facebook du camp indiquait: «Soyez-y!». Mais surprise: à midi, le système d’inscription a crashé sous le poids de la demande. Une demi-heure après, il a été fermé et la procédure, reportée.
Or, une trentaine de parents, incluant Clémence, avaient réussi à compléter leurs inscriptions et reçu un courriel de confirmation. Un message les informant que ces inscriptions allaient être annulées leur a d’abord été adressé, avant qu’on ne leur indique que la situation allait être réévaluée. Les parents concernés ont finalement pu conserver les places réservées.
Respecter le contrat
«Un contrat est un engagement qui définit les droits et les obligations des parties concernées; elles sont tenues de le respecter», souligne Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur (OPC).
À quel moment est formé un contrat en droit civil québécois? Quand l’offrant reçoit l’acceptation de son offre de contracter, en vertu de l’article 1387 du Code Civil et de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Richard c. Time inc. Cet arrêt précise qu’un contrat de consommation est formé lorsqu’un commerçant reçoit d’un consommateur la manifestation de son désir d’accepter son offre.
Une fois que le consommateur reçoit un courriel de confirmation, par exemple pour une place en camp de vacances, le vendeur est donc légalement obligé d’honorer le contrat.
Des dommages et intérêts prévus par la loi
Dans le cas contraire, advenant qu’un recours soit entrepris au tribunal (ce qui, précisons-le, n’était pas l’intention de Clémence), la partie qui ne respecte pas son contrat s’expose à devoir payer des dommages-intérêts à l’autre, d’après Charles Tanguay.
Le tribunal examinera chaque cas particulier avant de se prononcer sur le montant des dommages. Il tiendra compte des circonstances ayant conduit le commerçant à ne pas respecter son contrat, et déterminera s’il s’agit d’un cas de force majeure, c’est-à-dire d’un événement imprévisible et irrésistible. Si celui-ci fait l’objet d’une clause valide dans le contrat, les dispositions qui y sont prévues s’appliqueront.
La Place des arts indique dans ses conditions de vente décliner toute responsabilité en cas d’impossibilité pour le client d’effectuer une réservation à cause d’une panne informatique. Même chose si la production ne peut tenir un spectacle à la date prévue du fait de la pandémie. Les représentations sont alors annulées ou reportées, mais le client a toujours l’option de se faire rembourser.
Depuis le début de la pandémie, l’OPC invite les consommateurs à essayer de trouver une entente avec le commerçant qui n’est plus en mesure d’honorer le contrat à cause des contraintes sanitaires. Cette entente peut porter sur les modalités d’un crédit ou d’un report. Mais ceux qui souhaitent obtenir un remboursement sont ultimement en droit de l’exiger.
Priorité et équité à la discrétion du commerçant
À la suite de son incident technique, Minogami a décidé d’organiser une préinscription pour les familles ayant précédemment envoyé leur enfant au camp. «Avant la conclusion du contrat, le commerçant est libre de donner un accès prioritaire à qui bon lui semble, explique Charles Tanguay. Mais dès lors qu’il est conclu, celui qui ne le respecte pas s’expose à devoir payer des dommages-intérêts.»
Anticipant une forte demande, la Société d’établissements de plein air du Québec (Sépaq) avait créé en juin 2021 une salle d’attente virtuelle pour la vente de ses cartes annuelles à moitié prix. Tous ceux qui s’y trouvaient lors de l’ouverture de l’inscription ont reçu aléatoirement un rang de priorité. Les visiteurs arrivant ultérieurement étaient placés dans la file d’attente selon le principe du premier arrivé, premier servi.
Il est probablement louable pour un commerçant de vouloir faire preuve d’équité envers ses clients, selon l’OPQ, mais il s’agit de considérations hors de ses compétences, puisqu’il convient de veiller au respect de la loi, tout simplement.
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