L'idiot du village en publicité
Par Corinne Fréchette-Lessard Mise en ligne : 11 novembre 2011 | Magazine : Décembre 2011
Une brochette de personnages peu allumés peuple les publicités. Les annonceurs nous prennent-ils pour des nonos?
Il apparaît dans une panoplie de pubs pour vendre un peu de tout. Pourtant, il est pathologiquement maladroit, complètement dépassé par une tâche élémentaire ou simplement «une deux watts». Comment expliquer la présence de l’idiot de service dans notre paysage publicitaire?
«Souvent, les annonceurs utilisent cette stratégie pour expliquer un nouveau produit ou service, explique Dany Baillargeon, chargé de cours et coresponsable des programmes de communication appliquée à l’Université de Sherbrooke. Plutôt que d’employer un ton didactique et ennuyeux, on met en scène un idiot, sur le dos duquel on casse un peu de sucre. Ça amène un élément ludique à la pub.»
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Ainsi, dans une campagne diffusée à l’automne 2010, Vidéotron réunissait cinq personnes en groupe de discussion pour «tester» ses nouvelles offres. Devant le forfait de mobilité «Parlez à l’infini», les moins allumés du lot tentaient de calculer à combien de minutes de temps d’antenne ils auraient droit. Comme l’animateur du groupe réexpliquait le forfait à chaque signe d’incompréhension, le message était clair pour le consommateur.
Quand on se compare…
Accessoirement, en employant cette technique, l’annonceur flatte aussi son public cible dans le sens du poil. «Ce n’est pas l’effet principal recherché, mais en dévalorisant ceux qui ne comprennent pas, on valorise ceux qui comprennent», croit Dany Baillargeon.
Évidemment, ce mécanisme publicitaire n’est pas réservé aux nouveautés à expliquer. Deux exemples parmi d’autres: en 2009, Bell annonçait son service d’installation en mettant en scène des hommes incapables de poser une tablette ou d’assembler un meuble. Et au cours des dernières années, une campagne de Polysporin tournait autour d’un papa particulièrement incompétent et sujet aux accidents.
«Les publicitaires cherchent à créer une association entre la pub et la marque et entre le produit et le besoin. Ajouter de l’humour, de l’agrément au message augmente les chances de réussite», avance Dany Baillargeon.
Double tranchant
Mais cette médaille a un revers. D’abord, certains risquent de se sentir visés. C’est d’ailleurs pour épargner les sensibilités que le nono de service est souvent un homme blanc âgé de 18 à 35 ans, un groupe social peu discriminé. Évidemment, s’acharner sur ce segment de population entraîne sa part de complications. «À force de représenter les hommes comme des idiots inaptes à s’occuper de leur famille, on transforme l’exception en norme», estime Dany Baillargeon.
Et puis trop d’imbécillité irrite. André Richelieu, professeur titulaire de marketing du sport et gestion de la marque à l’Université Laval, cite l’exemple des annonces des services sans fil de Rogers. «On nous présente trois abrutis qui s’émerveillent de pouvoir aller sur Facebook avec un téléphone intelligent. Ça va, on n’est pas à la maternelle!»
Selon lui, valoriser un produit en dévalorisant le consommateur est un non-sens. «À l’usure, cette technique devient lassante. Comme consommateur, on finit par penser que ce sont les annonceurs qui ne comprennent pas que nous avons compris!»
Photo: Chaîne YouTube de Videotron. L’infini, ça dure combien de minutes? Dans cette pub, un groupe de «consommateurs moyens» se casse la tête pendant deux longues – et douloureuses, diront certains – minutes à chercher des métaphores pour vulgariser le concept.
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