Élections municipales : les enjeux des villes changent, mais pas leurs pouvoirs
Longtemps considérées comme de simples outils aux services des gestionnaires, les municipalités québécoises abordent les élections municipales de novembre avec un rôle transformé. Crise du logement, transition écologique, gouvernance : les enjeux qu’elles affrontent sont désormais profondément politiques.
Alors qu’en Europe, les municipalités sont souvent vues comme des fiefs politiques utiles à la conquête du pouvoir central, celles du Québec ont longtemps été marquées par une vision administrative, sinon apolitique. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène.
Jusqu’à la fin des années 1970, les municipalités québécoises ne comptaient pas de partis politiques locaux. Cette absence, combinée à la déconnexion entre les paliers provincial et fédéral, a limité la dimension idéologique des débats et leur continuité. Depuis, les partis sont permis dans les municipalités de plus de 5000 habitants, mais ils demeurent concentrés dans les grandes villes et rarement pérennes. Dans deux municipalités sur trois, le maire est encore élu par acclamation.
Ce type d’élection freine la politisation des débats et reflète la difficulté du métier d’élu, particulièrement dans les petites villes où les fonctions électives se cumulent avec un emploi externe. Ces dernières années, la montée des incivilités et des violences envers les représentants a encore accentué les difficultés de recrutement des candidats.
Une politisation encore inachevée
Malgré ce contexte, la campagne municipale de 2025 s’annonce hautement politique. Les enjeux qui s’imposent aux municipalités sont nombreux et structurants.
Le plus urgent est sans doute la crise du logement, avec pour corollaire la hausse de l’itinérance. Si jusqu’ici, seules les métropoles étaient concernées, le phénomène s’est étendu jusqu’aux petites et moyennes municipalités en raison d’un taux de vacances qui oscille en moyenne entre 1 et 2 % entre 2023 et 2025. Désormais, des municipalités comme Trois-Rivières, Rimouski ou Saint-Hyacinthe peinent à répondre à la demande locative malgré des programmes d’aide provinciaux. Cette crise en recoupe d’autres : cohabitation entre les groupes sociaux, usage de drogue, insécurité ou sentiment d’insécurité, relance des centres-villes.
Cependant, les municipalités disposent de peu de leviers : leur marge de manœuvre se limite principalement aux taxes foncières. Cette contrainte rend difficile la mise en place de solutions efficaces pour lutter contre l’itinérance ou répondre pleinement aux besoins en logement, laissant les villes en première ligne face à des problèmes structurants qu’elles ne peuvent résoudre seules.
Autre enjeu : la transition environnementale, qui touche le transport collectif et les stratégies de développement. À Montréal, le transport collectif a attiré l’attention des médias avec le constat alarmant de la dégradation des infrastructures du métro, laquelle questionne non seulement la possibilité d’extension du réseau mais également l’entretien des équipements existants. Cette rénovation des structures, négligée par les gouvernements précédents, vient également compliquer la circulation montréalaise, accroissant la grogne des citoyens.
Relations tendues entre les paliers
Ces dossiers révèlent une autre dimension soulevée par ces élections : la relation entre les paliers de gouvernement. Le logement, la transition écologique ou la rénovation urbaine dépassent largement le cadre local. Leur réussite suppose une coordination entre les politiques formulées aux échelons municipal, provincial et fédéral.
Or, ces dernières années, les relations des municipalités avec les échelons politiques supérieurs ont souffert soit d’un manque de communication avec le fédéral, soit de désaccord avec le provincial, dans un contexte qui n’est pas dénué d’instrumentalisation politique. Par exemple, à Québec la réalisation d’un troisième lien autoroutier a suscité des frictions entre le gouvernement provincial de la Coalition avenir Québec qui soutient le projet et le maire, Bruno Marchand, désireux d’implanter un tramway.
À Montréal des divergences ont aussi été visibles sur le financement du transport collectif. L’engagement phare de la mairesse Valérie Plante d’une ligne rose qui relierait l’île de Montréal du sud au nord a été recalé par le gouvernement provincial. Tandis que le premier ministre François Legault dénonçait un projet électoraliste redondant avec les services existants, les partisans de la mairesse insistaient sur la saturation du réseau. Ces tensions sont d’autant plus préjudiciables que le dialogue entre les différents paliers est nécessaire à la cohérence et donc à la réussite des politiques.
Les municipalités, en première ligne face aux doléances des citoyens, doivent pourtant trouver des solutions, même transitoires. À Montréal, la cohabitation au centre-ville entre itinérants et résidents pousse à multiplier les centres d’accueil et de logement d’urgence. L’aménagement de pistes cyclables a également révélé une forte polarisation, rappelant que la justice environnementale s’enracine dans les inégalités entre quartiers. La perte de stationnement touche différemment les ménages selon leur dépendance à l’automobile. Ainsi dans l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, des mères de famille ou célibataires, aux horaires atypiques, ont-elles souligné, lors de séances du conseil, l’impact de la suppression des stationnements sur des vies déjà compliquées.
Cette polarisation témoigne également de la transformation, largement initiée par Projet Montréal, de la scène politique montréalaise tant dans la culture politique que l’action publique. En deux mandats (de 2017 à 2025), le parti, sous l’égide de la mairesse Valérie Plante, a refaçonné le débat municipal autour de la mobilité durable et redessiné la trame urbaine et verte de la ville.
Des enjeux d’envergure
Les enjeux sont donc locaux certes, mais d’envergure dans une situation budgétaire qui s’annonce contrainte. À l’interdiction de déficit, à des budgets dont la majorité des dépenses sont fixes et les marges d’action minimes s’ajoutent un contexte de rigueur budgétaire et pour certaines villes, le renouvellement de la convention collective de leurs employés.
Ces élections ont donc bien une portée politique majeure, les municipalités se trouvant à la pointe des changements de société contemporains. Il est à souhaiter que les diverses campagnes électorales fassent émerger des discussions de fond, afin de favoriser la participation et de nourrir une conversation politique à un palier où les principes généraux se heurtent aux réalités du quotidien.
* Cet article est tiré de La Conversation et republié sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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