Ce qu’Ottawa veut faire pour vous protéger des fraudeurs

Pressé de toutes parts et depuis des mois pour qu’il s’attaque aux escroqueries financières sophistiquées ainsi qu’à la fraude en ligne, le gouvernement fédéral a dévoilé une partie de son plan qui vise à débusquer les malfrats derrière ces fléaux des temps modernes, incluant ceux qui agissent hors de nos frontières.

Des pertes de plus de 550 millions de dollars en 2025

Les victimes de fraude sont nombreuses au pays et les pertes financières sont colossales : depuis le début de l’année 2025, plus de 23 000 victimes ont rapporté avoir perdu un total de 544 millions de dollars, selon le Centre antifraude du Canada (CFC). Et ces chiffres ne reflètent même pas la gravité du phénomène : en réalité, les montants réellement détournés seraient 10 à 20 fois plus importants, mais la majorité des victimes de fraude ne font pas de signalements au CFC.  

« La plupart d’entre nous connaissons quelqu’un dont la carte de crédit a été compromise, qui a été victime d’un scam [une arnaque] ou d’activités suspectes, a déclaré François-Philippe Champagne, ministre des Finances et du Revenu national, en conférence de presse (…) Ces expériences fâcheuses sont beaucoup trop courantes et c’est pourquoi il est urgent d’agir pour mieux protéger les Canadiens contre la fraude et l’exploitation financière. »

Il vient de dévoiler plusieurs mesures qui seront incluses dans le prochain budget fédéral déposé le 4 novembre. Voici les faits saillants.

Les banques devront être plus proactives

La première étape du plan fédéral consiste à modifier la Loi sur les banques « pour exiger que les banques adoptent des politiques pour détecter et prévenir la fraude, tout en donnant aux consommateurs plus de contrôle sur leurs comptes de banque », indique le communiqué du gouvernement, sans donner plus de détails sur la façon d’y parvenir.

Ottawa compte aussi explorer de nouvelles mesures stratégiques dans l’ensemble des secteurs, y compris la technologie et les télécommunications, afin de lutter contre la fraude financière en général. « Ces mesures s’appuieront sur les initiatives existantes menées par l’industrie pour lutter contre la fraude et les arnaques, comme la Coalition canadienne antifraude », précise-t-on.

Une agence contre les crimes financiers

Au printemps 2026, le gouvernement présentera un nouveau projet de loi visant à mettre sur pied la future Agence contre les crimes financiers.

Rappelons que les libéraux fédéraux avaient déjà promis, dans le passé, de créer une telle agence regroupant sous un même toit des experts de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de l’Agence du Revenu du Canada (ARC) ainsi que du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE).

Dans sa plateforme électorale de 2021, le Parti libéral mené par Justin Trudeau — alors premier ministre du Canada — promettait d’investir 200 M$ sur quatre ans. Cette fois, aucun chiffre n’a été dévoilé.

Interrogé sur la pertinence de créer une nouvelle structure consacrée spécifiquement à ce type de crime, le ministre Champagne persiste et signe : « Nous avons besoin d’une agence spécialisée et nous devons y attirer les meilleurs (…) Je veux que le Canada soit dans une classe à part », a-t-il répondu.

Il dit ainsi vouloir s’inspirer des meilleurs dans le monde, citant l’Italie, notamment, et le Royaume-Uni avec son National Economic Crime Centre, ainsi que le Federal Bureau of Investigation (FBI) aux États-Unis. « Les collaborations internationales vont nous permettre d’être plus efficaces. »

Un nouveau Code de conduite pour protéger les aînés

Enfin, le gouvernement prévoit travailler avec divers intervenants et des banques afin d’élaborer un « Code de conduite pour la prévention de l’exploitation financière », lequel pourrait être adopté sur une base volontaire. L’Agence de la consommation en matière financière en assurerait la supervision.

« Les aînés sont particulièrement vulnérables à l’exploitation financière, surtout lorsque le contrôle de leurs finances est exercé par un proche ou un aidant naturel, rappelle le gouvernement Carney dans un communiqué. Le secteur financier canadien a un rôle déterminant à jouer dans la détection précoce des signes d’exploitation et l’offre de solutions sûres aux victimes et aux survivants. »

Rien de concret pour les géants du Web

Ottawa n’a cependant rien annoncé concernant les géants du Web, comme Facebook, qui relaient des publicités frauduleuses sur leurs plateformes. Dans les dernières années, de nombreuses victimes de fraude et de personnalités publiques dont l’identité a été usurpée, ont dénoncé l’inaction gouvernementale.

L’animatrice Marie-Claude Barrette a même produit un documentaire sur le sujet et déposé un recours collectif contre Meta en 2024. L’été dernier, la sénatrice indépendante Danièle Henkel dénonçait elle-même l’inaction des gouvernements et réclamait l’intervention de l’État pour mettre au pas les géants du Web.

« Ce n’est pas possible que nos gouvernements ne fassent rien, avait-elle déclaré en entrevue avec Protégez-Vous. Ce n’est pas possible qu’on appelle [chez Facebook] et qu’il n’y ait personne qui réponde, puis qu’on trouve ça normal. »

Victime lui-même de l’usurpation de son identité dans des messages frauduleux, le ministre Champagne a éludé les questions sur le sujet. Il estime néanmoins que toutes les mesures annoncées par son gouvernement vont « sûrement aider » à réduire ce type de fraudes, en plus d’envoyer un signal clair aux arnaqueurs.

« Dans mon cas ou d’autres, on a vu que des gens ont même utilisé l’intelligence artificielle… Ma mère m’a envoyé un message dans lequel j’offrais présumément des conseils financiers aux Canadiens, ce que je ne ferais jamais évidemment comme ministre des Finances. Oui, ce sont des mesures qui vont aider. »

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