L’aérodynamisme s’ajoute aux nombreuses préoccupations des designers automobiles d’aujourd’hui qui doivent concevoir un véhicule non seulement visuellement attractif, mais aussi capable de fendre l’air. Voilà sans doute pourquoi demain votre auto pourrait ressembler à un œuf, à un poisson ou encore à une goutte d’eau. La nature est un réservoir d’inspiration inépuisable !
La DS, comme une goutte d’eau
Où étiez-vous le 6 octobre 1955, jour où la planète automobile chavirait en découvrant pour la première fois la Citroën DS à Paris ? Plus que la suspension pneumatique qui la fait flotter au-dessus de la route... Plus que les teintes osées ― pour l’époque ― qu’elle arbore… la DS surprend alors et avant tout par son profil qui s’apparente à une goutte d’eau. Visage souriant, fesses cintrées, flancs graciles et toit en résine, la Citroën DS ne ressemble à aucune autre voiture : elle donne, pour ceux qui la découvrent, l’impression de fendre l’air, même à l’arrêt. Ses lignes n’étaient pas le fruit de nombreuses heures passées en soufflerie, mais plutôt le résultat du travail d’un… sculpteur ! À l’époque, la DS revendiquait un Cx (coefficient de traînée aérodynamique) de 0,36. Le même que celui d’un GMC Yukon apparu 50 ans plus tard. Où est le progrès ?
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Un chiffre peut en cacher un autre !
Lorsqu’il le publicise, un constructeur automobile place toujours le Cx sous les projecteurs. Cette valeur est somme toute relative, car elle n’est régie par aucune norme. En clair, on peut presque dire n’importe quoi.
En publicisant ainsi le Cx d’un véhicule, un constructeur n’est pas tenu d’indiquer si le véhicule en question est muni ou non de rétroviseurs ni de révéler la taille des pneus lors des essais, deux facteurs qui ont une incidence certaine.
Mais le Cx nous détourne du SCx, plus important : ce symbole désigne le coefficient de traînée multiplié par la surface frontale exposée à l’air (en mètres carrés). Cette valeur est autrement plus importante, car elle permet d’évaluer l’efficacité et la fluidité d’une carrosserie à déjouer l’air et le vent. Ce coefficient, hélas, n’a jamais été ouvertement communiqué par les constructeurs.
Au-delà des formes, l’efficacité
L’aérodynamique, comme la sécurité à une certaine époque, n’était pas « très vendeur » pour l’industrie automobile et ses clients.
La transition vers le tout électrique propulse cependant à nouveau cette science à l’avant-scène, sur les tables à dessin des stylistes, les pauvres ! En effet, ces derniers doivent prendre en compte un nombre croissant de contraintes extérieures. Celles-ci sont naturellement imposées par les services de la commercialisation, de la comptabilité, de la production, mais également par une réglementation (protection des piétons et cyclistes, par exemple) de plus en plus restrictive.
Aujourd’hui, remplir toutes ces obligations ne suffit plus. En fait, avant même le premier coup de crayon, les stylistes de l’automobile doivent aussi se préoccuper de l’aérodynamique. On peut comprendre pourquoi : à 100 km/h, un véhicule consomme la moitié de son énergie pour fendre l’air.
Candide, Alfonso Albaisa, responsable du design chez Nissan, reconnaît qu’il ne s’agit pas d’une connaissance toujours pleinement maîtrisée par les designers. « Nous apprenons beaucoup sur l’incidence que chaque détail peut avoir sur la capacité des carrosseries que nous dessinons à fendre l’air », m’explique-t-il lors de notre rencontre au dernier Salon de la mobilité du Japon.
Éviter les turbulences
L’émergence des véhicules entièrement électriques ne va pas faciliter la conception des voitures de demain, mais les stylistes n’envisagent pourtant pas de ranger leurs crayons. Pour eux, l’ère du tout électrique représente au contraire un nouveau défi. Ils devront, plus que jamais, devoir tenir compte de l’aérodynamisme. La capacité de fendre l’air aura un impact majeur sur le design des carrosseries et des accessoires automobiles de demain.
Prenez, par exemple, les roues. Les stylistes aiment les muscler comme si elles sortaient des ailes. Au nom de l’aérodynamique, ils devront dorénavant les repousser vers l’intérieur pour ne pas créer de turbulences. Plus soigneusement carénés, les pneus enroberont de plus en plus de jantes. Vous voilà prévenus !
Au cours d’un séminaire organisé l’année dernière, les concepteurs de BMW rappelaient que 30 % de l’efficacité aérodynamique d’une auto tient au dessin de ses roues.
Leurs propos font écho aux résultats obtenus par le magazine Car and Driver. Dans son édition de décembre 2019, la publication américaine concluait que l’usage de grands enjoliveurs plats et lisses accroît le rendement général de 3,4 % et augmente de 16 kilomètres l’autonomie de la batterie. Mais ces enjoliveurs sont loin de faire l’unanimité auprès des designers : ils laissent peu de place à la créativité, tout comme les volets actifs intégrés dans la calandre de certains véhicules d’ailleurs.
Par chance, l’auto offre de nombreuses autres surfaces pour permettre aux stylistes de rendre l’œuf, le poisson ou la goutte d’eau que vous conduirez plus excitant à regarder !
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