Les mentalités changent. Hier, on jugeait l’automobile sur ses performances, ses qualités dynamiques. Bref, le plaisir que l’on éprouve à la conduire. Aujourd’hui, une voiture s’apprécie de plus en plus à travers son design, son confort, sa connectivité, sa fonctionnalité, sa sécurité et son respect de l’environnement. Voilà désormais les principaux attributs liés à l’agrément de la conduite, qui devient davantage un art du voyage.
Une bulle d’émotion
Pour qu’une voiture plaise, il faut qu’elle possède un style extérieur capable de générer de l’émotion et un habitacle ouvert et convivial. Ces évolutions témoignent en particulier de la prise en compte croissante des attentes des passagers : désormais, le conducteur n’est plus le seul maître à bord.
Aujourd’hui, la voiture guide, informe, envoie des textos, diffuse des films... Elle aspire même à se conduire d’elle-même.
Des innovations de plus en plus sophistiquées se multiplient et font que l’auto n’a jamais été aussi sûre. C’est très bien, mais les aides à la conduite qui équipent nos véhicules peuvent également jouer contre la sécurité routière en nous donnant l’impression d’être dans une bulle où rien ne peut nous arriver. N’est-il pas là, le problème ?
Les constructeurs eux-mêmes le reconnaissent : la technologie encourage la distraction. La mise en place de (trop ?) nombreux systèmes d’aide à la conduite fait de nous un automobiliste passif. Rassuré par l’équilibre du châssis, exempté de l’obligation de vérifier les angles morts, de commander les phares ou les essuie-glaces (à déclenchement automatique), nous nous laissons bercer par le son de la chaîne haute-fidélité… au risque de ranger les bons réflexes dans le coffre à gants.
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Le danger de baisser la garde
Les progrès enregistrés dans le domaine de la tenue de route et de la facilité de conduite sont indéniables. Tout comme la prise de hauteur de certains véhicules contribue à brouiller la perception de la vitesse et à rendre certains automobilistes trop confiants (les propriétaires de VUS et autres camionnettes se reconnaîtront).
Plusieurs experts s’inquiètent de la modification des repères qui en découle. À croire que nous avons délégué à notre véhicule toutes nos compétences… Il suffit de rouler quelques kilomètres, et hop ! la vigilance (ou la méfiance, selon certains) se trouve altérée par le sentiment de confort et de sécurité. Vous n’êtes plus concentré sur la route, vous vous laissez emmener par votre véhicule jusqu’à ce qu’une situation d’urgence survienne.
Alors, c’est la panique, l’automobiliste ne sait plus comment réagir.
Il n’existe pas de statistiques sur les accidents liés à une mauvaise connaissance des systèmes embarqués. Aucun rapport de police ne mentionne si vous étiez en mesure d’éviter l’impact. Pas plus qu’il n’indique si vous saviez, par exemple, que le dispositif ABS permet de diriger la voiture pendant le freinage et non pas de freiner sur une plus courte distance.
Il y a fort à parier que certains accidents de la route auraient pu être évités si les conducteurs avaient été sensibilisés aux risques engendrés par ces « anges gardiens ». Cela explique sans doute pourquoi certains experts suggèrent – en vain ― aux autorités et aux constructeurs d’élaborer des formations spécifiques à l’électronique à bord des véhicules.
Casser la règle du danger quasi inexistant
Malgré ces effets pervers, pas question de revenir sur les acquis du contrôle de stabilité ou de l’ABS. Il faut plutôt se demander comment casser la règle dite « du danger quasi inexistant ». Selon cette dernière, un conducteur installé à bord d’une voiture qui lui procure un fort sentiment de protection aura tendance à rouler plus vite et à manquer d’attention. Comment ébranler cette confiance et remémorer à ceux qui l’auraient oublié que la conduite demeure une activité très complexe qui requiert une vigilance de tous les instants ? Peut-être faut-il leur rappeler que leur véhicule n’a pas de permis de conduire. Pas encore !
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