Un nouveau Règlement sur les distractions au volant vient d’entrer en vigueur ce 1er juin 2023. Il précise dans quels cas l’usage du cellulaire est permis. Mais j’ai aussi l’impression qu’il donne du lest aux automobilistes, aux cyclistes et aux policiers qui doivent à tout prix consulter un téléphone ou un appareil portatif alors qu’ils sont sur la route.
Qu’on se comprenne bien : faire usage d’un dispositif portatif à des fins de divertissement demeure interdit. Sauf lorsque vous actionnerez une commande dans ces conditions : l’écran affiche des infos utiles à la conduite ou liées au fonctionnement de votre véhicule ; l’écran est intégré à votre véhicule ou tenu par un support fixé au tableau de bord ou pare-brise; l’écran ne gêne pas votre vue ou votre conduite.
Si vous tenez en main un téléphone alors que vous êtes au volant (ou au guidon…), vous êtes censé faire usage de votre appareil. Il restera à prouver que vous étiez en train de trouver un détour pour éviter des cônes orange plutôt que de lancer l’écoute de La ligne orange de Mes Aïeux, sur Spotify…
Le règlement apporte aussi certaines précisions sur ce qu’on entend par un « dispositif mains libres » et un « écran d’affichage ». Encore là, on vient en fait d’ajouter des exceptions où une certaine distraction sera tolérée.
Un choix pas normal
Ce règlement se base sur des jugements récents qui devaient trancher des situations ambigües, comme l’explique cet article de la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ).
Pourtant, le gros bon sens voudrait qu’on interdise tout simplement le cellulaire au volant. Car le sujet n’est pas nouveau : si vous êtes derrière le volant (ou le guidon !) et que vous ne gardez pas les yeux sur la route, vous avez l’esprit ailleurs et les risques de provoquer un accident s’accroissent de façon majeure.
En 2021, 73 personnes ont été tuées dans la province à la suite d’une distraction au volant, indique la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Cela représente une hausse de 67 % en deux ans du nombre de décès attribuables à l’inattention, s’il faut en croire une compilation de données du comparateur en ligne HelloSafe.ca.
Ce n’est pas normal ! D’autant que, de 2019 à 2021, il y a eu une baisse importante de l’activité routière dans la province, comme ailleurs au pays, en raison du prolongement des mesures associées à la pandémie.
Des distractions bien connues
Les sources de distraction dans les véhicules se multiplient. Et vous connaissez les deux principales : le téléphone cellulaire et les écrans.
L’utilisation du téléphone cellulaire derrière le volant fait un retour en force. J’ai même croisé plus d’une fois ces derniers mois des agents de police le portable collé à l’oreille, au volant de leur véhicule de service.
Le Québec impose aux contrevenants une des amendes les moins sévères au pays. Cela dit, on aura beau avoir le code de sécurité routière le plus strict au monde, si même les agents censés le faire respecter n’en tiennent pas toujours compte, le problème est plus grave qu’on ne le pense.
Des données antérieures à l’interdiction d’un cellulaire au volant indiquent que, si vous manipulez un téléphone intelligent en conduisant, vous quadruplez votre risque d’être impliqué dans un accident. Le simple fait de prendre un appel en mode mains libres a aussi un effet multiplicateur sur la distraction et les risques d’accrochage.
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Écrans maudits
Notre niveau de concentration subit le même effet quand nous interagissons avec le système multimédia d’un véhicule.
Ces interfaces intégrées au tableau de bord sont de plus en plus sophistiquées, mais de moins en moins ergonomiques. La plupart du temps, elles sont lisses et fonctionnent en mode tactile : elles nous forcent à quitter la route des yeux, le temps de trouver le bon poste, la bonne température ou le bon mode de conduite et le bon endroit où appuyer.
La SAAQ établit d’ailleurs un lien entre les écrans tactiles et la hausse de la distraction au volant.
Ajoutons que les véhicules sont de plus en plus gros et de plus en plus dangereux. Une autre étude diffusée par la SAAQ ce printemps indiquait que les VUS et les camionnettes causent des blessures 55 % plus graves aux piétons et cyclistes qu’ils happent. Ils ont un design plus imposant qui réduit souvent la visibilité près du véhicule, notamment vers l’avant.
Non seulement les distractions sont plus fréquentes, mais leurs conséquences sont aussi plus importantes.
Ça se passe derrière le volant
Évidemment, nous pouvons blâmer les constructeurs, le design des véhicules neufs, la technologie embarquée… mais il reste que la source du problème se trouve derrière le volant.
Encore la semaine dernière, à l’intersection de deux routes où se croisent autos, vélos et autres voyageurs et en pleine heure de pointe, une dame au volant de son VUS de luxe vérifiait son maquillage dans le petit miroir du pare-soleil, alors que son véhicule avançait doucement. Si ça, ce n’est pas le comble de la distraction automobile !
Le problème n’a donc rien à voir avec la technologie, le design ou la nature du véhicule.
Devra-t-on interdire le maquillage en voiture ? Ou le café trop chaud qui risque de se renverser sur le chauffeur ? Ou le porte-gobelet mal ajusté ?
Je le rappelle : l’an dernier, 73 personnes sont mortes sur nos routes : le cinquième des décès associés à la conduite. C’est bien trop !
Des solutions très simples
Ce que nous pouvons faire est étonnamment simple : attendre un moment plus calme, comme au feu rouge, pour changer le poste de la radio ou réduire d’un degré la température de la climatisation ; s’arrêter en toute sécurité pour texter, faire un appel ou arranger son maquillage.
C’est simple, non ? Et ce qui nous distrait quelques instants n’est certainement pas plus important que la vie des autres utilisateurs sur la voie publique…
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