Succession et diversité de genre : comment ça marche ?
La diversité de genre relève du Code civil et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, mais a-t-elle un impact en matière de successions ? Est-ce qu’un changement d’identité de genre pourrait vous empêcher d’hériter ?
Si vous changez de genre entre le moment où vous avez rédigé votre testament et le moment de votre décès, la loi prévoit que tous les actes qui sont faits avant le changement sont récupérés sous l’ancienne identité. Vous n’avez donc aucune procédure à faire. Le principe est le même pour un changement de sexe. « Dans les deux cas, il s’agit de s’assurer que c’est bel et bien la même personne pour que le testament soit valide, même si cette personne a changé son identité de genre depuis la rédaction », explique Me Christine Morin, professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval et notaire émérite. En matière de testament, les tribunaux vont systématiquement rechercher l’intention du testateur, donc peu importe qu’il ait changé de sexe ou de nom, ses dernières volontés seront respectées.
Le principe est le même pour les héritiers : tout est question d’intention de la part du testateur. « Par exemple, si le testateur lègue à sa fille Christine Morin, et qu’au moment du décès, elle s’identifie comme Christian Morin, l’intention était toujours de léguer à cette personne en particulier », poursuit Me Morin.
Des testaments non valides
Lorsqu’une condition est considérée comme contraire à l’ordre public et contrevient au Code civil et à la Charte des droits et libertés de la personne, la loi prévaut. Par conséquent, un testament dans lequel serait écrit « Je lègue à ma fille (mon fils) à la condition qu’elle (il) s’engage à ne jamais changer son identité de genre » ou « Je lègue à ma fille (mon fils), à la condition qu’elle (il) rechange de sexe ou qu’elle (il) ne change pas de sexe » serait complètement illégal. Dans un tel cas, le légataire aurait droit au legs sans avoir à respecter la condition contraire à l’ordre public.
Christine Morin précise que la notion de catégorie pourrait brouiller l’intention du testament. En effet, si le testateur a écrit « Je lègue tous mes biens à mes filles » et que l’une des filles en question s’identifie comme un garçon, il y aurait un problème d’interprétation parce que l’individu n’est pas clairement nommé. « On risquerait de se retrouver au tribunal dans ce cas-là, sauf si la famille reconnaît que cette personne-là a droit à sa part d’héritage. » En léguant quelque chose à une catégorie, on peut créer une complication, car on n’identifie pas précisément un individu. Ce problème n’est d’ailleurs pas réservé à la diversité de genre, parce que si le testateur stipule « Je lègue tous mes biens à mes enfants qui vivent au Québec » et que l’un des enfants a déménagé en France entre le moment de la rédaction du testament et le décès, le descendant qui va demeurer en France n’aura pas sa part de succession et se retrouvera devant le tribunal, à moins qu’il y ait une entente entre les héritiers.
Cet article est tiré du guide Succession, réalisé en collaboration avec Éducaloi et la Chambre des notaires.
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