La Norvège: consommer à l'ombre des fjords
Par Pierre Duchesneau Mise en ligne : 01 mars 2010

Enfant pauvre de l’Europe il y a 50 ans, la Norvège est aujourd’hui l’un des endroits les plus riches de la planète. Mais tout n’est pas rose saumon, avons-nous constaté sur place.
Lillehammer, 1994. Dans ce paisible Mont-Tremblant façon scandinave où se tiennent les 17e Jeux d’hiver, la Norvège enfile à son cou un record de 26 médailles devant les toutes-puissantes Allemagne et Russie. Le président du Comité international olympique d’alors, Juan Antonio Samaranch, qualifiera la compétition hivernale de « plus réussie de l’Histoire », rien de moins. Seize ans plus tard (déjà !), force est de constater que le pays aux 4,8 millions d’habitants continue de récolter, en dehors des pistes et des patinoires olympiques, les petites étoiles dorées à son cahier d’élève modèle.
Première position en 2009 devant 182 pays au classement annuel de l’indice de développement humain des Nations Unies. Plus haute marche du podium devant 14 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le « bien-être économique». Taux de chômage parmi les plus faibles du Vieux continent (3,2 % à la fin de 2009). Pas mal pour une des nations les plus pauvres d’Europe jusqu’en 1960, période où l’on découvrit des gisements de pétrole au large des côtes…
«Il y a un filet de sécurité sous chaque Norvégien », image Jarle Oppedal, rédacteur en chef du magazine Forbruker-rapporten («Rapport du consommateur»). «C’est là tout le mythe social-démocrate: les Norvégiens sont convaincus que l’État s’occupe de tout. Si tu échoues ici, tu ne crèveras pas de faim!» Éducation gratuite pour tous, congé parental de 56 semaines à 80 % du salaire, allocations de chômage avantageuses (62,4 % du salaire) et copieuses pensions de vieillesse font partie, entre autres exemples, des «cadeaux» de l’État providence.
«Les Norvégiens sont des acheteurs informés pour qui le premier critère est le prix, même s’ils diront que la qualité prime.»
Jarle Oppedal, rédacteur en chef de Forbruker-rapporten, magazine de consommation créé en 1958.
Enfants rois
Face à ces conditions sociales tout miel, quelle est donc la principale source d’inquiétude de ces descendants des Vikings ? « La sécurité des enfants. Les parents ne font aucun compromis à cet égard », répond sans hésiter Jarle Oppedal. Des exemples ? Année après année, les consommateurs réclament des études sur les barnevogner (poussettes), surtout après qu’un test de plusieurs modèles mené conjointement avec le Danemark eut révélé un risque élevé d’étouffement en 2004. « Heureusement, les défauts ont été corrigés depuis », souligne le rédacteur en chef.
Là où la roue bloque, c’est dans les garderies publiques en milieu scolaire, que les Norvégiens appellent skolefritidsordning. « Nous les avons récemment évaluées et le résultat fut déplorable. L’enfant est supervisé, mais l’aspect pédagogique se trouve complètement évacué. Or, au prix que paient les parents pour ce service (NDLR: jusqu’à 2500 couronnes par mois, soit 455 $), ils sont en droit d’exiger davantage qu’une simple surveillance», critique M. Oppedal. Heureusement, la supervision se fait mieux du côté de la publicité, celle-ci étant interdite (à la télé comme à la radio) aux petites têtes blondes de moins de 12 ans.
Les Norvégiens entretiennent d’ailleurs une relation de type amour-haine avec la pub, explique Jarle Oppedal. « Au départ, nous la voyons comme une forme de désinformation, de mensonge, mais ironiquement elle nous fait remporter beaucoup de prix internationaux. Il faut que le message soit enrobé de beaucoup d’humour et de créativité pour être accepté ici. »
Kontoen er god(le compte est bon!)
Converti en dollars, le prix de quelques biens courants en Norvège.
- Un ticket de métro à Oslo: 4,50 $
- Un trio Big Mac chez McDonald’s: 14 $
- Une entrée au cinéma: 18 $
- Une bouteille de vin Hoya de Cadenas (Espagne)* chez Vinmonopolet, la Société des alcools norvégienne: 21 $
(* vendue 12,70 $ au Québec) - Un appartement trois pièces au centre-ville d’Oslo, la capitale: 1455 $/mois
«Et la santé, ça va?»
Autre source de tracas au pays qui a vu naître le fromage Jarlsberg en 1860: la santé, et particulièrement ce qui touche à l’alimentation.
En 2007, un enfant est décédé et plusieurs personnes sont tombées malades après avoir mangé des saucisses contaminées par la bactérie E. coli. «Les autorités et les producteurs ont travaillé ensemble, mais un peu trop secrètement… et la source n’a jamais été trouvée, ce qui a créé une onde de choc», se rappelle M. Oppedal.
Par ailleurs, en Norvège comme un peu partout dans le monde, les tours de taille prennent de l’expansion, nourris de plats congelés et de virées au resto.
«Tout le monde ici regarde les émissions de Jamie Oliver et de Nigella Lawson, mais le temps manque pour cuisiner la semaine. Manger à l’extérieur reste très cher, mais s’avère tout de même beaucoup plus populaire qu’il y a 40 ans», explique Jarle Oppedal, qui n’a visité son premier restaurant qu’à l’âge de 18 ans.
Dans les cas les plus extrêmes, l’État vous prend (encore) en mains: ainsi, présentez un indice de masse corporelle (IMC) de plus de 40, et hop ! on vous enverra dans un «camp intensif» (boot camp) – entraînement poussé et diète sévère – sans qu’il ne vous en coûte la moindre couronne.
Une formule que M. Oppedal a lui-même testée: «J’ai perdu 30 kilos de cette façon», raconte-t-il.
Plus vert chez le voisin
Jouissant de paysages tout à fait spectaculaires, la patrie des deux Edvard – Munch et Grieg – serait néanmoins un peu plus indisciplinée côté environnemental que sa voisine suédoise. L’allemannsretten («droit d’accès commun»), une loi non écrite qui permet à chaque résidant de profiter à sa guise de la nature, prévaut comme ailleurs en Scandinavie, mais au dire même de Jarle Oppedal, «il n’y a rien de vert au sujet de la Norvège». «Nous sommes tout de même le troisième producteur mondial de pétrole après la Russie et l’Arabie saoudite!» relativise-t-il.
Il poursuit: «L’environnement n’est pas une religion ici. Presque tout le monde recycle déjà à la maison ou utilise des thermopompes écoénergétiques. Mais en même temps, je conduis un VUS et je m’en fiche. En Norvège, si vous disposez d’un espace de stationnement, vous allez utiliser votre voiture ; sinon, vous vous rabattrez sur les transports en commun, voilà tout.»
Ainsi, l’État a implanté des mesures pour encourager la population à dépendre un peu moins de l’automobile, par exemple le péage presque partout dans le pays – villes et autoroutes – de même que les services de vélo en libre-service, comme le bien nommé Bysykkel («bicyclette de ville») d’Oslo et sa variante à Trondheim, au centre ouest du pays.
Néanmoins, qu’ils soient cyclistes ou conducteurs (respectant à la lettre le code de la route), une chose est sûre: les Norvégiens comme les Québécois râlent à propos du réseau routier. « Plutôt que de réparer nos routes, le gouvernement norvégien consacre des milliards de couronnes à une foule de projets moins concrets dans d’autres pays », s’insurge Harieth Gjøen, une antiquaire rencontrée dans la ville de Bergen. Comment on dit « nid-de-poule » en norvégien, déjà?
Photo: Henningsvær, petite ville portuaire de 500 âmes blotties dans les îles Lofoten, aussi surnommée «la petite Venise du nord».

Voici une coquille pour bébé qui se transforme en poussette en un tourne...

Prendre l’avion et s’installer sur la plage avec son ordinateur : ce n’e...

Les nouveaux téléphones d’Apple vous intéressent? Nous avons trouvé pour...

Votre urine a pris une teinte orangée, rougeâtre ou est carrément marron...