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Le projet de loi sur l’obsolescence toujours pas programmé

Par Rémi Leroux
reparation-telephone Shutterstock.com

Alors qu’en France, l’indice de réparabilité sur les biens de consommation souffle sa première bougie, au Québec, le gouvernement tarde à déposer un projet de loi reconnaissant l’obsolescence de ces produits et instaurant des solutions pour la contrer.

En France, depuis le 1er janvier 2021, un indice de réparabilité est affiché sur cinq catégories de produits: téléphones intelligents, ordinateurs portables, téléviseurs, laveuse frontale et tondeuse à gazon. Cet indice a pour double objectif de mieux informer les consommateurs et de faire évoluer les pratiques des fabricants.

Un an après la mise en œuvre de ce nouvel outil, l’organisme français Halte à l’obsolescence programmée (HOP) a réalisé une vaste enquête pour «vérifier la qualité des indices désormais affichés sur les produits de consommation». Car l’un des enjeux majeurs de l’indice tient au fait que «ce sont les fabricants qui calculent et déclarent leurs propres notes», rappelle HOP dans son rapport. Des mécanismes de contrôle sont prévus, mais n’ont pas encore été mis en œuvre par les autorités françaises. Ils sont attendus en 2022.

Des indices un peu trop beaux

HOP a mené sa propre contre-expertise et procédé à une analyse approfondie de la grille de calcul qui permet aux fabricants de noter leurs produits. L’organisme français a évalué six produits en vente pour vérifier la qualité des notes que leurs fabricants leur ont attribuées. Trois modèles de téléphones intelligents, deux ordinateurs portables, ainsi qu’une télévision ont subi une contre-expertise. La plupart de ces appareils sont aussi commercialisés au Canada.

Bilan des courses? «Bien que l’association ne relève pas d’anomalie majeure, les résultats appellent à la vigilance puisque les scores obtenus par HOP sont inférieurs aux scores affichés par les fabricants dans cinq cas sur six», précise l’organisme. Ainsi:

  • L’iPhone 7 + d’Apple est noté 5,8/10, contre 6,4/10 selon le score d’Apple. HOP estime que l’accès à plusieurs pièces détachées est difficile et que divers éléments de documentation manquent;
  • Le Samsung A41 a reçu la note corrigée de 6,6/10, contre 8/10 par le fabricant de téléphones. Pourquoi une telle différence? Les composants de remplacement de ces appareils sont trop chers et sa batterie n’est pas amovible;
  • L’Apple MacBook A2141 a obtenu une note de 5,8/10 contre 6,2/10 par le fabricant. Cette légère différence permet à Apple d’afficher un indice de couleur verte sur son produit, alors qu’il serait de couleur jaune pour HOP. Une différence «visuelle» qui a son importance, du point de vue d’un consommateur qui magasine. L’écart porte ici avant tout sur la disponibilité des pièces de rechange, que l’organisme français a noté plus sévèrement qu’Apple;
  • L’ordinateur portable Acer 317 obtient la note de 8,3/10 de la part de HOP et… 8,2/10 de la part du fabricant. «Aucune anomalie majeure n’a été relevée, indique l’organisme, ce qui devrait rassurer les consommateurs.»
  • Le téléviseur Philips 50PUS8546 obtient le score de 5,5/10 alors que le fabricant l’avait noté 7/10. En cause? Des pièces de rechange difficilement accessibles et une documentation partielle.

Le dernier produit évalué est un téléphone intelligent de la marque chinoise Vivo, non distribué au Canada.

«Plusieurs des produits étudiés sont concernés par une surévaluation de la disponibilité des pièces détachées nécessaires à leur réparation», indique HOP, précisant qu’il s’agit d’un point pourtant «crucial et assez facile à démontrer, qui constitue l’un des principaux obstacles à la réparation».

Tout en reconnaissant la pertinence de cet indice, l’organisme français émet un certain nombre de recommandations pour étendre le dispositif et le rendre plus transparent et plus fiable. Selon HOP, qui a également réalisé une enquête auprès d’un panel de consommateurs, l’indice est connu par une majorité d’entre eux (55 %). Et trois consommateurs sur quatre «confrontés à l’indice lors de l’achat d’un nouvel appareil ont déclaré l’avoir trouvé utile pour faire leur choix». Ce qui suggère, conclut HOP, que «l’indice de réparabilité a déjà des effets sur le comportement des consommateurs».

Le «surplace» québécois

Pendant ce temps-là, au Québec, la règlementation n’a toujours pas évolué. En avril 2019, pourtant, le projet de loi 197 visant à modifier la Loi sur la protection du consommateur afin de lutter contre l’obsolescence programmée et de faire valoir le droit à la réparation des biens a été déposé à l’Assemblée nationale par Guy Ouellette, député de Chomedey.

Deux ans plus tard, soit en avril 2021, les députés québécois, à l’unanimité, ont voté une «adoption de principe» du projet de loi 197. Autrement dit, le projet pouvait aller de l’avant et être discuté de façon détaillée.

Au moment du vote, Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice responsable de l’Office de la protection du consommateur (OPC), a toutefois «exprimé différentes orientations qu’il entend prendre dans le dossier de la durabilité des biens de consommation», rappelle Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC. Le ministre souhaite en fait mettre le projet de loi aux couleurs caquistes.

«À la demande du ministre de la Justice, précise Charles Tanguay, des travaux sont en cours à l’OPC afin de proposer des modifications portant sur différents aspects du droit à la consommation, incluant la durabilité et la réparabilité des biens.» Aucune date n’a cependant été annoncée pour un retour du projet de loi 197 ou de sa nouvelle mouture devant les députés. Une situation que déplore Guy Ouellette: «Autant nous étions précurseurs en avril 2019 pour l’Amérique du Nord, autant nous allons manquer la fenêtre d’opportunité qui s’est offerte à nous [si le dossier n’avance pas]».

>> À lire aussi: Réparabilité: des indices inégaux

 

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  • Par DOMINIQUE LAPOINTE
    08 Mars 2022

    L’obsolescence programmée est en très grande partie un mythe qui vient précisément de groupes de pression européens. La vétusté prématurée de nombre de biens de consommation est avant tout une évolution plus ou moins désirable dans les modes de consommation et de production. On veut aujourd’hui des grille-pains qui coûtent 2 heures de travail alors qu’ils en coûtaient 2 jours autrefois. Certaines études ont bien fait ressortir le phénomène qui, sauf de rares exceptions, n’a rien d’un complot de l’industrie