Constat 1 : un indice sans variabilité ne vaut pas grand-chose
Pour son nouveau dossier, le média français Que Choisir a démonté et analysé huit ordinateurs portatifs offerts en France, et leur a donné une cote de réparabilité sur 20. La plus grande surprise de l’enquête n’est pas le fait que Dell domine le classement ou qu’Apple arrive bon dernier, mais plutôt la différence entre les notes de Que Choisir et l’indice officiel de réparabilité des appareils.
Depuis le 1er janvier 2021, certains produits vendus en France (lave-linge à hublot, téléphones cellulaires, ordinateurs portables, téléviseurs et tondeuses à gazon électriques, pour l’instant) sont accompagnés d’un indice de réparabilité, comptabilisé par les fabricants à partir de critères objectifs, comme la présence de documentation et le type d’outils nécessaires pour démonter le produit.
Alors que les ordinateurs démontés par Que Choisir obtiennent une note de 0,8 à 15/20, l’indice officiel de réparabilité, lui, les classe de 5,6 à 8/10 (et même pas dans le même ordre). Pour le consommateur qui magasine un nouvel appareil, un indice qui accentue les différences, comme celui de Que Choisir, est plus efficace au premier coup d’œil.
Constat 2 : les bonnes intentions peuvent nuire à l’indice
Certains critères dans l’élaboration des indices partent de bonnes intentions, mais peuvent nuire à leur efficacité.
Dell, par exemple, est la seule marque à mettre à la disposition du grand public de la documentation technique en français, ce qui lui a permis d’accumuler plus de points que les autres. Un manuel français est certainement préférable à un manuel anglais, mais est-ce un bon critère pour comparer la réparabilité de deux produits ? Pour un consommateur bilingue, la réponse est non.
Il en va de même pour les outils nécessaires pour ouvrir les ordinateurs, un autre facteur généralement pris en compte par ceux qui élaborent les indices. Des vis communes sont évidemment préférables à des vis propriétaires, comme on en retrouve dans les ordinateurs Apple.
Mais si le problème peut être contourné en achetant un tournevis spécialisé à 5 $, son impact concret sur la réparabilité est à peu près inexistant.
Constat 3 : les pièces de rechange sont le nerf de la guerre
La facilité à ouvrir un appareil électronique importe peu s’il n’est pas possible de trouver de pièces de rechange. C’est souvent la partie la plus compliquée du processus, selon Que Choisir.
Certains constructeurs ont leur propre site pour vendre les pièces, mais elles ne sont pas toutes proposées. Des vendeurs tiers proposent généralement un choix plus grand, mais leurs performances peuvent parfois être en dessous de celles des pièces originales (c’est notamment le cas des batteries et des écrans, selon Que Choisir).
L’existence de pièces de rechange devrait compter pour beaucoup dans l’élaboration de tout indice de réparabilité.
Constat 4 : il faut cerner le public cible
En analysant le dossier de Que Choisir, on réalise que les indices tentent souvent de répondre à plusieurs besoins en même temps, soit évaluer la réparabilité pour les consommateurs, évaluer la réparabilité pour les réparateurs et faire évoluer l’offre des fabricants.
Parfois, certains critères répondent aux trois (comme le prix des pièces de rechange par rapport à celui des appareils neufs). Mais ce n’est pas toujours le cas. Le fait que retirer l’écran d’un MacBook Pro nécessite une ventouse est, par exemple, un inconvénient pour les consommateurs, mais pas pour les réparateurs.
Pour reprendre l’exemple de la documentation en français, il s’agit d’un critère qui peut inciter les fabricants à s’améliorer pour gagner quelques points sur l’indice, mais qui ne change en rien la possibilité de faire réparer ou non un appareil dans un centre spécialisé.
Pour qu’il soit le plus efficace possible, l’indice doit avoir une intention claire. C’est d’ailleurs le cas d’iFixit, un site web américain qui publie des guides pour réparer soi-même ses appareils électroniques : il cible explicitement les utilisateurs réguliers qui n’ont pas d’expérience en réparation.
La question des indices de réparabilité risque de gagner en importance au cours des prochains mois et des prochaines années au Québec, avec la modernisation à venir de la Loi sur la protection du consommateur.
Un tel indice pourrait être un outil simple à instaurer, qui aurait un impact concret sur les Québécois. Mais encore faut-il qu’il soit bien conçu.
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