Appareils électroniques : que deviennent vos Serpuariens ?
Vous les mettez dans le bac et vous n’y pensez plus. Mais où atterrissent votre ordinateur archaïque, votre téléphone défectueux ou votre téléviseur vétuste ?
En 2024, les recycleurs qui collaborent avec l’Association pour le recyclage des produits électroniques du Québec (ARPE-Québec) ont traité 6,5 millions d’appareils électroniques : des téléphones, des imprimantes, des consoles de jeux vidéo, des téléviseurs, etc.
Pour amasser une telle quantité de produits, l’association a mis en place plus d’un millier de points de dépôt au Québec, notamment dans des écocentres et des détaillants (Bureau en Gros, Best Buy, Tanguay, etc.).
Il faut savoir que l’ARPE-Québec rassemble des détaillants, des distributeurs et des manufacturiers d’appareils électroniques qui sont soumis à une « responsabilité élargie des producteurs ». Autrement dit, ils ont l’obligation de participer à la collecte et la récupération des déchets électroniques.
Dans un résumé de ses activités, l’ARPE-Québec mentionne les pays où sont envoyées les différentes matières venant de ces Serpuariens. Par exemple, les métaux restent au Canada ou ils sont expédiés aux États-Unis. Il en va de même pour les plastiques, mais ils peuvent aussi se retrouver en Chine et en Malaisie.
L’ARPE-Québec assure que les recycleurs avec qui elle fait affaire procèdent à « un traitement sûr, sécuritaire et écologique de tous les produits selon un processus audité et approuvé, de la réception jusqu’au traitement définitif de la matière ».
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Des questions en suspens
Mais que devient le téléphone intelligent défectueux que vous déposez dans un Electrobac ou un chez un commerçant participant au programme de l’ARPE-Québec ?
C’est l’une des questions que se pose Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), à la lecture du bilan annuel de l’ARPE-Québec.
« Tout ce qu’on a, ce sont des taux de récupération. On n’a pas les détails sur la nature du recyclage et de la valorisation », déplore Karel Ménard.
Sophie Bernard, professeur titulaire en sciences économiques à Polytechnique Montréal, qui s’intéresse aux déplacements transfrontaliers des déchets, abonde dans le même sens. « On n’a pas de quantité ni de tonnage », mentionne l’universitaire.
Du côté de l’ARPE-Québec, la réponse est plutôt vague. L’association souligne que « plusieurs des matières » contenues dans un téléphone (aluminium, cuivre, argent, or, fer, plastique et verre, entre autres) « peuvent être utilisées encore et encore sans perdre leurs propriétés ». Elle indique notamment que le verre est ajouté à la fabrication du ciment ou de la céramique.
« L’or, excellent conducteur d’électricité qui résiste bien à la corrosion, peut se retrouver dans les circuits électroniques de certains dispositifs de sécurité, comme les coussins gonflables dans les voitures », poursuit l’ARPE-Québec.
Le commerce international des déchets
De l’avis de Sophie Bernard, même si les matières venant des produits électroniques sont envoyées dans d’autres pays, il est fort probable qu’elles atterrissent au bout du compte dans des pays en voie de développement.
« Même si les États-Unis sont présentés comme la destination, ça ne veut pas dire que c’est la destination finale », fait-elle remarquer.
Selon le Rapport mondial sur les déchets d’équipements électriques et électroniques 2024, des « pays à revenus élevés » ont envoyé à des « pays à revenus intermédiaires ou faibles » pas moins de 3,3 milliards de kilogrammes d’équipements électriques et électroniques usagés ou en fin de vie.
« Dans la littérature scientifique, il y a un consensus : les [responsabilités élargies des producteurs] sont des vecteurs pour faciliter le commerce international de nos déchets vers les pays en développement », mentionne Sophie Bernard.
La Convention de Bâle
Le Canada a tout de même ratifié la Convention de Bâle sur le transport transfrontalier des déchets dangereux. En 2022, des amendements ont été proposés afin d’exercer un contrôle sur les déplacements des déchets électroniques. À ce jour, le Canada n’a pas adopté ces amendements, ce que déplore Sophie Bernard.
Environnement et Changement climatique Canada indique, dans un échange de courriels, que le gouvernement fédéral n’a pas entériné les nouvelles clauses en raison de « préoccupations » d’ordre économique.
« Les contrôles pourraient avoir une incidence négative sur la compétitivité de l’industrie canadienne du recyclage des déchets électriques et électroniques et du secteur des minéraux critiques », précise le ministère fédéral. Celui-ci doit mener des consultations pour trouver des solutions.
Radio-Canada a rapporté au début de l’année que l’entreprise Glencore a fait pression sur le gouvernement canadien pour qu’il ne ratifie pas les nouveaux amendements de la Convention de Bâle en faisant valoir des « préoccupations économiques ». La multinationale est entre autres propriétaire de la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda, qui reçoit des déchets électroniques.
Des matières traitées enfouies ?
Karel Ménard, du FCGED, note par ailleurs que, dans le résumé des activités de l’ARPE-Québec en 2023, le taux de « recyclage » comprend entre autres des matières envoyées à l’enfouissement. Parmi les matières recyclées (94,52 %), une portion de 6,54 % est classée dans la catégorie « Autres dispositions et enfouissement ». Dans le rapport de 2024, la présentation a été modifiée.
L’ARPE-Québec réplique que les recycleurs partenaires n’expédient pas des appareils électroniques à l’enfouissement. Elle signale que ce sont plutôt des matières non électroniques qui peuvent prendre le chemin du dépotoir, puisqu’il n’existe pas de filière de recyclage pour leur donner une nouvelle vie. Elle cite en exemple le bois contenant de la colle qui forme des haut-parleurs.
« Si la population dépose davantage de produits non visés ou non recyclables ⦋dans les points de dépôt⦌, il sera plus difficile de réduire la proportion de ce qui sera envoyé à l’enfouissement », souligne l’association.
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