Construction : doit-on imposer des inspections de chantier ?
Imposer la surveillance de tous les chantiers de construction et de rénovation est-elle la réponse aux histoires d’horreur qui laissent les propriétaires devant des travaux mal exécutés, des maisons inachevées ou des entrepreneurs en faillite ? Pour plusieurs, la réponse est oui. Et il faudrait agir dès maintenant.
La surveillance des chantiers est un enjeu important pour l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC). Son directeur, Marc-André Harnois, y voit une façon de garantir la qualité des travaux et d’éviter les mauvaises surprises aux propriétaires.
La Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ) a été la première à demander au gouvernement de lui confier l’inspection de la partie «électricité» des chantiers après le dépôt, en juin, d’un rapport critique de la vérificatrice générale du Québec sur la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).
Dans un article de La Presse, la CMEQ assurait «pouvoir en faire près de 10 fois plus qu’en ce moment, pour moins cher», laissant entrevoir des économies annuelles d’environ 10 millions de dollars et une meilleure surveillance des travaux des entrepreneurs électriciens, alors que seulement 20 % d’entre eux sont visités d’une année à l’autre.
Dans son dernier rapport, la vérificatrice dénonçait notamment la gestion de l’octroi des licences d’entrepreneurs par la RBQ, la faiblesse de sa stratégie et des moyens mis en œuvre afin de s’assurer des compétences des entrepreneurs, ainsi que ses interventions tardives auprès des entreprises fautives.
Le directeur de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ), André Bergeron, rappelle que son organisme demande depuis des années aux ministres des Affaires municipales et de l’Habitation de réaliser plus d’inspections, et pas que sur les gros chantiers, assurant que cet enjeu est «une préoccupation majeure de la CMMTQ». Elle ne tient cependant pas à tout prix à ce que ces inspections soient faites par elle.
La position de sa Corporation diverge de celle des électriciens en raison, notamment, des sommes moins élevées qu’elle verse à la RBQ par rapport à la CMEQ. De plus, certains travaux de plomberie-chauffage sont réalisés par des propriétaires ou des hommes à tout faire, contrairement aux travaux électriques qui doivent obligatoirement être exécutés par des électriciens. «Cela fait en sorte que nous ne sommes pas en mesure de réclamer la responsabilité de ces inspections», poursuit André Bergeron.
Qui fera quoi ?
La surveillance des chantiers amène d’autres questions auxquelles il faudra répondre. Qui surveillera quoi ? Qui se portera garant de l’immeuble ou des travaux : les architectes, les ingénieurs ou le constructeur ? Des débats qui feront à coup sûr des mécontents. Quels constructeurs vont accepter d’attendre après un inspecteur avant de mettre le gypse et de plâtrer les murs ?
André Bergeron estime qu’il faudra créer un organisme dont ce serait la mission. «C’est sûr que cela va prendre une structure indépendante ou un changement de structures quelque part.»
Budget serré, moins de sorties
Le débat devra aussi s’étendre à la qualité en construction et aux conséquences financières pour les propriétaires dont les maisons sont affectées par de graves problèmes et qui doivent payer pour les faire corriger, souligne Marc-André Harnois.
Il y voit un enjeu économique pour le Québec puisque ceux qui doivent débourser plusieurs milliers de dollars pour refaire des travaux mal exécutés ont moins d’argent à consacrer à d’autres postes de dépenses, parfois pendant plusieurs années. C’est sans compter le stress inutile vécu par ces proprios sous pression, les chicanes de couple et les divorces que ces situations difficiles peuvent entraîner.
La volonté de Québec
La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, dit vouloir rendre obligatoire la surveillance des chantiers de construction résidentielle au Québec, comme c’est déjà le cas ailleurs au Canada, mais «pas nécessairement durant le présent mandat du gouvernement caquiste». C’est qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. La loi devra être modifiée, il faudra instaurer de nouvelles méthodes de travail et convaincre les entrepreneurs que les inspections de tous les chantiers sont essentielles. Un dernier point auquel le lobby de la construction s’oppose.
Protégez-Vous a contacté le cabinet de la ministre Laforest afin d’avoir un commentaire ou des détails sur ce dossier, mais n’avait pas obtenu de réponse au moment de mettre cet article en ligne.
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