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Comment se débarrasser de la renouée du Japon

Par Caroline Bertrand
Comment se débarrasser de la renouée du Japon simona pavan/Shutterstock.com

La renouée du Japon peut sembler belle. Mais abstenez-vous de succomber à son abondant feuillage et à ses grappes de fleurs blanc crème. Ses effets néfastes sur la biodiversité supplantent de très loin ses vertus ornementales.

Originaire d’Asie, la renouée du Japon (Reynoutria japonica var. japonica, syn. Fallopia japonica) figure parmi les 100 pires espèces envahissantes de la planète, selon l’Union mondiale pour la conservation de la nature. Et cette plante herbacée vivace continue de se répandre au Québec.

En nature, elle pousse principalement sur les berges des rivières et les talus routiers ou de voies ferrées… mais elle pourrait très bien s’être retrouvée dans votre cour. Si la renouée peut se propager naturellement lors de crues, les activités humaines (horticulture, travaux d’excavation, etc.) en sont la principale source de propagation. 

Le sol exempt de végétaux est propice à son invasion. « Elle va pousser là où on lui laisse la chance de le faire, dit Raphaël Dubé, biologiste et gestionnaire principal, aménagement et restauration, à la Fondation de la faune du Québec. Comme toute espèce pionnière, elle va s’implanter là où on laisse le sol à nu, sans végétaux. »

« Forte d’un vaste et profond réseau racinaire qui permet à la plante d’emmagasiner des réserves d’énergie importantes, la renouée prolifère rapidement, explique le biologiste. Si vous la coupez et la remettez en terre, elle poussera de nouveau. À l’instar d’un tubercule, de minuscules fragments de tige ou de rhizome suffisent à former de nouveaux plants. » 

Elle croît aussi rapidement en hauteur, pouvant atteindre de deux à trois mètres à pleine maturité au cours d’un été. 

Les grands préjudices de la renouée du Japon

Nuisance pour la biodiversité 

« Lorsqu’elle s’implante dans un milieu, la renouée du Japon dont les tiges très épaisses s’apparentent à celles du bambou forme de grands massifs homogènes, décrit Raphaël Dubé. » Ces massifs étouffent toute espèce végétale qui tenterait de subsister sous le feuillage. Conséquence : la renouée appauvrit la biodiversité, privant par le fait même la faune de sources de nourriture et d’abri. 

Les grappes de fleurs (les panicules) de la renouée du Japon fleurissent vers la fin de l’été, en août. Bien que les insectes pollinisateurs puissent s’y nourrir, Raphaël Dubé est catégorique. « Elle est magnifique, dit l’expert, elle a une capacité d’adaptation incroyable, mais je ne peux pas la défendre : elle cause tellement de problèmes. » 

Érosion des rives 

Quand des colonies s’implantent sur le bord des rivières, la renouée contribue à l’érosion des rives, car elle laisse le sol à nu sous son dense feuillage, ce qui favorise le ruissellement de l’eau. « Ça nuit gravement à la qualité des habitats aquatiques, affirme le biologiste. Des sédiments se propagent dans la rivière, colmatent des habitats de reproduction des poissons, nuisent à la respiration des poissons et des plantes aquatiques. »

Si la renouée du Japon envahit une zone riveraine, cela signifie qu’elle entrave la voie aux autres végétaux. C’est pourquoi la meilleure solution pour éviter cette invasion est de ne pas décimer la flore riveraine (comme c’est souvent le cas au Québec), mais bien de laisser une barrière végétale d’espèces indigènes. 

Nuisance pour les espèces indigènes

En monopolisant l’espace où elle s’enracine, la renouée du Japon nuit aux espèces floristiques indigènes qui sont bénéfiques notamment aux animaux. « Sur les berges, elle va tasser la verge d’or, dont se nourrissent des espèces d’abeilles qui se retrouvent donc sans nourriture. Les populations vont alors décliner », donne en exemple Raphaël Dubé, soulignant l’interdépendance de la faune et de la flore indigènes. 

Pensons à l’asclépiade et au monarque : sans la première, le second ne peut se nourrir.

À lire aussi : Le monarque a besoin de vous pour survivre

Toxine dans le sol

Les longues racines de la renouée du Japon sécrètent une toxine qui étoufferait les végétaux environnants — l’emploi du conditionnel n’est pas fortuit, car « le caractère nuisible de ces molécules allélopathiques n’a été démontré à ce jour qu’en laboratoire », écrit Claude Lavoie dans son guide 50 plantes envahissantes : protéger la nature et l’agriculture, publié en 2019. 

Prévention avant tout

« Prévenir l’implantation d’espèces exotiques envahissantes, ça coûte toujours moins cher en argent, en temps et en énergie », rappelle Raphaël Dubé.

Ne jamais en planter 

Le message des biologistes ne peut être plus limpide : n’achetez et ne plantez la renouée du Japon sous aucun prétexte ! Raphaël Dubé vous exhorte à ne pas en recueillir chez vos voisins, même si elle peut former une clôture végétale opaque d’une grande beauté entre des cours. « Les Québécois ont cette très mauvaise manie d’aller chercher des talles de renouée en nature ou encore chez le voisin pour les planter chez eux », décrie le spécialiste.

Si vous souhaitez accroître votre intimité au moyen d’une barrière végétale, optez plutôt pour des espèces indigènes à croissance rapide, comme le saule. 

Ne pas laisser de zone à nu

Ensuite, la meilleure façon d’empêcher la renouée du Japon de s’enraciner dans votre cour est de ne jamais laisser de terre dénuée de végétation. Si vous effectuez des travaux d’aménagement, ensemencez le sol dès que vous les avez terminés « pour que des espèces indigènes s’implantent rapidement et fassent compétition aux espèces exotiques envahissantes », expose Raphaël Dubé.

« La renouée a la faculté de s’implanter dans des milieux qui ont été récemment perturbés, poursuit-il. Elle profite de l’exposition à la lumière et du fait qu’elle n’a aucune compétition végétale, puisque le sol est à nu. »

Ensemencer 

Afin de créer un couvert végétal qui empêchera la renouée de s’enraciner dans votre cour, ensemencez le sol avec un mélange de graines d’espèces herbacées indigènes à croissance rapide. Raphaël Dubé souligne l’importance de planter chez soi une diversité de plantes indigènes, bien adaptées à notre territoire. 

Des mélanges de semences se vendent sur le marché. Le biologiste recommande, pour sa part, ceux d’Aiglon indigo, spécialisé en production de plantes indigènes québécoises. « Ils produisent des mélanges de semences exceptionnels, qui sont éprouvés », indique-t-il. Les fleurs colorées incluses dans ces mélanges attireront de surcroît les insectes pollinisateurs au jardin.

Si vous demeurez à proximité d’un cours d’eau, « les mélanges d’Aiglon indigo sont magiques pour restaurer des bandes riveraines », fait savoir M. Dubé.

À lire aussi : Planter des fleurs pour sauver les pollinisateurs et Du compost et des végétaux gratuits près de chez vous

Barrière végétale 

La barrière végétale constitue une technique préconisée non pas pour éradiquer une colonie de renouées, mais pour en freiner l’expansion. Si vous peinez à vous débarrasser d’une colonie sur votre terrain, aménagez autour d’elle une barrière végétale d’espèces arbustives qui poussent très rapidement, comme le saule.

« Lorsque la renouée se retrouve face au saule, qui a déjà de l’espace, des minéraux, des ressources et de la lumière, elle n’entre pas en compétition. Elle reste donc sur le territoire qu’elle a déjà acquis », explique Raphaël Dubé.

N’hésitez pas à solliciter l’avis d’experts dans les centres de jardinage pour vous aider à choisir l’espèce de saule idéale pour votre terrain. En outre, puisque certaines municipalités réglementent la plantation du saule, notamment le pleureur, informez-vous auprès de la vôtre à ce sujet.

Comment s’en débarrasser au jardin 

La renouée du Japon n’a aucun ennemi naturel au Québec pour lui mener la vie dure. Il vous revient de prendre la situation en main si vous souhaitez vous en débarrasser au jardin. Cependant, armez-vous de patience, car il s’agit d’une entreprise de longue haleine.

Dix ans de fauchage… au sécateur

Cette technique s’avère efficace en tout début d’invasion, lorsque la colonie n’a pas encore tissé son vaste réseau racinaire.

Dès l’apparition des tiges aériennes de la renouée, début juin, coupez-les au ras du sol et recommencez « deux ou trois fois durant la saison estivale » afin d’épuiser ses ressources nutritives, indique Raphaël Dubé. Installez une bâche sur le sol pour recueillir les résidus.

Cette opération de fauchage, vous devrez l’exécuter « durant environ une dizaine d’années », affirme l’expert.

Utilisez un sécateur manuel, de sorte à effectuer une coupe franche des tiges. Évitez tout équipement qui risquerait de les disséminer, comme une débroussailleuse. « La roue qui tourne peut répandre des fragments de renouée dans votre milieu. Vous ne serez alors vraiment, mais vraiment pas sorti du bois », prévient le biologiste — rappelons qu’un petit morceau de renouée suffit à la faire repousser.

Ne rien jeter au compost 

Ne jetez surtout pas les résidus de renouée au compost, qu’il soit domestique ou municipal : considérez-les comme des déchets. 

D’ailleurs, Raphaël Dubé déplore une autre fâcheuse habitude qu’il observe au Québec : la propension des citoyens à se débarrasser de résidus d’espèces envahissantes, notamment la renouée, en les abandonnant au bout de leur terrain, de leur rue ou dans un milieu naturel, tel un boisé. « Vous allez partir une nouvelle colonie de renouée », met en garde M. Dubé.

Ce dernier vous incite à aller les porter à l’écocentre de votre région, mais vous pouvez aussi les jeter aux rebuts collectés par votre municipalité. Assurez-vous toutefois de les mettre dans des sacs robustes et étanches — il ne faudrait pas que des animaux les éventrent et disséminent ainsi des fragments de renouée. 

Le Jardin botanique de Montréal va jusqu’à recommander d’exposer les sacs au soleil pendant quelques semaines avant de les envoyer aux ordures.

À lire aussi : Rebuts encombrants : sur le trottoir ou à l’écocentre?

Arrachage : une fois par semaine pendant cinq à sept ans

Une autre façon de vous attaquer à la renouée du Japon consiste à arracher à la main les tiges souterraines et les rhizomes près de la surface. Tentez d’extraire le plus possible de racines en tirant sur les plants ou en creusant avec une pelle. À l’instar du fauchage, attelez-vous à cette opération fastidieuse dès que la renouée fait son apparition au jardin. 

Vous devez, une fois de plus, faire montre de patience et d’assiduité : Raphaël Dubé vous recommande d’arracher les tiges une fois par semaine, et ce, sur une période de cinq à sept ans. 

Et ne sautez pas une année, sinon « tout est à refaire, avise-t-il. Il faut être conscient qu’on se lance dans une démarche à long terme ». 

Si vous persévérez, vous affaiblirez la renouée au fil des années. « Les tiges seront plus molles et moins abondantes », assure le biologiste. 

Cependant, si une grosse colonie est établie dans votre cour depuis longtemps, vous ne parviendrez probablement pas à l’éradiquer en la fauchant ou en l’arrachant manuellement. Vous pourriez alors essayer d’entraver son expansion à l’aide d’une barrière arbustive indigène. 

Bâchage pendant quatre ou cinq ans

Afin de lutter contre la renouée, vous pouvez aussi opter pour le bâchage. Après avoir fauché ou arraché les tiges, étendez une bâche très résistante (géotextile épais, géomembrane ou toile en polyéthylène foncée) sur la zone envahie. Tel un bouclier, elle bloquera la plante et la privera de lumière. Maintenez-la en place à l’aide de lourdes roches. 

Attention, la renouée est tenace : si elle ne peut se déployer à la verticale, elle tentera de le faire à l’horizontale. La bâche doit donc excéder de quelques mètres le pourtour de la colonie afin que ne jaillissent pas de nouvelles tiges en périphérie. 

Laissez-la en place de « quatre à cinq ans environ », estime Raphaël Dubé, qui convient que cette option n’est guère esthétique au jardin. 

L’excavation : la seule méthode éprouvée 

Il vous reste une autre option : l’excavation. Toutefois, il s’agit là d’une opération d’envergure, onéreuse, technique… mais « la seule méthode éprouvée pour une éradication complète », indique le guide 50 plantes envahissantes : protéger la nature et l’agriculture. « La terre excavée doit absolument aller dans un centre d’enfouissement technique, ce qui augmente énormément les coûts », précise Raphaël Dubé. 

À ce sujet, le biologiste sonne l’alarme quant à une autre pratique répréhensible au Québec : celle d’accepter chez soi de la terre de remplissage (afin de niveler son terrain ou de réaliser des travaux de terrassement ou d’aménagement paysager, par exemple) sans savoir avec certitude qu’elle est exempte de matières toxiques ou… de plantes exotiques envahissantes. 

« C’est quelque chose que j’ai beaucoup observé dans les nouveaux quartiers », signale Raphaël Dubé. À cause de ce genre de pratique, « on repart des colonies envahissantes, déplore-t-il, et souvent sur de grandes superficies ». 

Interdite en Ontario, tolérée au Québec

Vous pouvez contribuer à recenser des plantes exotiques envahissantes sur le territoire québécois grâce à la plateforme gouvernementale Sentinelle. La collecte de données « permet aux organisations environnementales et au gouvernement de prendre de bonnes décisions de gestion et de prioriser les colonies à retirer et les milieux à restaurer, indique Raphaël Dubé. Ça permet aussi aux citoyens de se mobiliser et de se sentir concernés par les enjeux, car ils peuvent transmettre des connaissances ». La plateforme recèle en outre une foule d’informations sur les plantes envahissantes. 

Renouée prohibée en Ontario 

En Ontario, il est illégal d’importer, de cultiver, d’acheter, de vendre ou d’échanger la renouée du Japon, tandis qu’au Québec, l’importation et la vente d’espèces exotiques envahissantes ne font l’objet d’aucune réglementation. Or, lors d’un récent forum organisé par la Fondation de la faune du Québec, auquel assistaient des représentants du gouvernement provincial, diverses organisations environnementales ont plaidé pour l’interdiction des espèces envahissantes. « Je pense que le gouvernement est bien au fait du désir des organisations de les voir être retirées du marché, estime Raphaël Dubé. Mais ce n’est pas toujours facile dans un monde aussi libéral que le nôtre. »

Et dire qu’elle est comestible… 

La renouée du Japon est comestible. « Quand les jeunes pousses mesurent de 10 à 15 cm de hauteur environ, elles sont assez tendres pour être intéressantes sous la dent », fait savoir Raphaël Dubé, qui suggère de les poêler ou de les griller sur le barbecue comme des asperges. « Avec une bonne huile, ajoute-t-il, c’est délicieux ! » La renouée peut même servir à concocter de la bière ou de la marinade. Mais, même sous la dent, elle ne vous fera pas oublier les tourments qu’elle aura provoqués ! 

À lire aussi : Abattage d’arbres : vérifiez bien les règlements

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  • Par Francois Boucher
    03 septembre 2024

    J'ai vaincu un très gros et ancien arbuste de renouée japonaise en injectant chacun des troncs avec du glyphosate à 14%, en août 2016, puis en coupant les repousses après avoir arrosé les feuilles de glyphosate une semaine ou deux auparavant, pendant 4-5 ans. Technique britannique. Il était impossible de poser une bâche ou d'excaver, car un très beau Philadelphus devait être préservée. https://www.facebook.com/photo/?fbid=3953320111372291&set=a.1087380137966317

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  • Par Renaud Bergeron
    05 septembre 2024

    J'en suis venu à bout même si c'était de vieilles colonnies quand j'ai acheté la maison. J'ai arraché les repousses au raz de la terre. J'ai aspergé de Roundup avec un vaporisateur à main chaque tige que j'arrachais. Une par une. Il n'y en a plus sur mon terrain. Il y a eu deux repousses sur le terrain du voisin. On collabore pour en venir à bout chez lui aussi.