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Frais cachés facturés par les concessionnaires: le juge s’interroge, l’entente attendra

Par Nadine Filion
Frais cachés facturés par les concessionnaires: le juge s’interroge, l’entente attendra Mr. Ashi. Sae Yang/Shutterstock.com

Avant d’approuver ou de refuser l’entente à l’amiable dans les dossiers d’actions collectives contre les concessionnaires d’automobiles pour frais cachés, le juge de la Cour supérieure veut vérifier s’il peut imposer une date butoir ou une reddition de comptes.

Début juin, au palais de justice de Montréal, le juge Sylvain Lussier a présidé en Cour supérieure l’audience d’approbation pour une entente de règlement dans les quatre dossiers d’actions collectives visant près de 200 concessionnaires d’automobiles et marchands de véhicules d’occasion du Québec. 

Rappelons qu’il est reproché à ces commerçants d’avoir facturé un prix supérieur à celui annoncé, en infraction à l’article 224c de la Loi sur la protection du consommateur, et/ou d’avoir obligé des clients à payer pour des options ou des services qu’ils n’avaient pas demandés, en contravention avec l’article 230a. 

À lire aussi : Actions collectives pour frais cachés : 75 $ d’indemnisation… Vraiment ?

Si le juge Lussier, après délibéré, approuve la proposition de règlement à l’amiable, pas moins de 35 millions de dollars seront versés à près d’un demi-million de Québécois, sous forme d’un coupon-rabais de 75 $ à dépenser chez leur concessionnaire.

Principaux obstacles pour l’OPC

Au cours de cette audience, l’Office de la protection du consommateur (OPC) a tenu à faire une intervention, ce qui semble une première dans l’histoire de l’organisme. Au nom de son président, Denis Marsolais, Me Marc Migneault est venu exprimer les « préoccupations » de l’agence gouvernementale concernant le règlement proposé par la partie demanderesse, représentée par le cabinet Lambert Avocats.

Les principaux points soulevés par l’OPC sont :

  • L’entente ne propose aucune compensation directe aux membres des actions collectives, « bien que les parties défenderesses disposent de leurs coordonnées et qu’elles sont en mesure de leur transmettre une somme directement » ;
     
  • Le coupon-rabais de 75 $ fait craindre « que le taux d’utilisation réel par les membres soit limité » et que, finalement, bien moins que 35 millions de dollars soient remis dans les poches des membres ;
     
  • Pour être indemnisés, les membres devront conclure une nouvelle transaction chez leur concessionnaire, avec lequel « le lien de confiance (…) peut avoir été affecté par ces pratiques commerciales » ;
     
  • Et qu’adviendra-t-il si, entre-temps, des membres ont troqué leur véhicule contre un autre? « Si j’ai acheté une Honda, mais que je l’ai remplacée par une BMW… le concessionnaire Honda n’entretiendra pas ma BMW ! » a donné en exemple Me Migneault.

83 bureaux d’avocats, 150 concessionnaires… et un consensus

Les quatre actions judiciaires mettant en cause 189 concessionnaires d’automobiles et marchands de véhicules usagés du Québec ont réuni autour d’une même table les représentants de 83 bureaux d’avocats. 

Hier leur adversaire, aujourd’hui leur allié, Me Jimmy Lambert, qui pilote les demandes d’autorisations depuis plus de trois ans déjà, a salué « ce produit d’une négociation et d’efforts des parties pour trouver un compromis raisonnable », de même que « ces concessions mutuelles qui prévoient un processus de réclamation simple, rapide et efficace », le tout étant « juste, équitable et répondant aux intérêts des membres. »

Plus d’une fois, Me Lambert a rappelé que le coupon-rabais de 75 $ proposé s’adresse à « toutes les personnes ayant acheté ou loué un véhicule neuf ou usagé » pendant la période visée (du 21 novembre 2017 ou 17 janvier 2022) chez les concessionnaires signataires de l’entente. Ces membres n’auront pas « à s’inscrire, fournir de documents ou de preuve de manquement », a-t-il dit, puisque le crédit sera « sans discrimination » et appliqué « sur simple demande du membre admissible à la suite d’une vérification de son identité ». 

Une trentaine de concessionnaires visés par les actions collectives n’ont pas signé l’entente de règlement. Certains auraient fait savoir qu’ils voulaient se désister, d’autres n’ont toujours pas d’avocats. À cet égard, le juge Lussier a soulevé des questions et envisagé un délai de sept jours pour que leur situation se régularise.

Qui vérifiera que les 35 millions de dollars en coupons-rabais ont bien été versés ?

Quelque 474 130 Québécois devraient, en principe, recevoir ce coupon-rabais selon des documents présentés en cour par les concessionnaires (et mis sous scellés par le juge, à leur demande). Une cinquantaine de consommateurs seulement se sont retirés de la démarche collective et une dizaine s’y sont opposés. 

Mais comment vérifier la manière dont ces coupons seront administrés ? Il en a beaucoup été question lors de cette audience. Pour l’heure, et parce qu’aucune date butoir ne serait associée à ces coupons-rabais, l’entente de règlement n’implique aucun jugement de clôture. De même, aucune tierce partie n’est prévue à titre d’administratrice. 

« On ne saura pas combien de coupons-rabais seront distribués (…) puisqu’il n’y a pas de reddition de comptes, a regretté Me Hubert Lamontagne, conseiller juridique à l’Association pour la protection des automobilistes (APA), venu s’opposer à l’entente de règlement en son nom personnel. Voilà qui laisse le tribunal, les consommateurs et le grand public dans le néant. Si ce sont 35 millions de dollars qui doivent être distribués, mais qu’ils ne le sont pas, ça déconsidérera l’administration de la justice. »

Le juge Lussier a admis s’être posé les mêmes questions, avant de s’interroger à voix haute sur le pouvoir qu’il a — ou non — d’ordonner une date butoir ou encore la remise d’un rapport au terme de la distribution. Il a également soulevé la possibilité, dans l’éventualité d’un trop bas pourcentage de coupons-rabais échangés, d’exiger « une deuxième série de délibérations et d’augmenter les paiements aux membres », comme cela s’est vu dans des ententes d’actions collectives touchant le secteur bancaire. 

« Mais, a-t-il demandé, est-ce que c’est le genre de pouvoirs que j’ai ? », ou, en tant que juge, devra-t-il renvoyer les avocats à la table de négociation en vue d’une entente en ce sens ? « Je ne sais pas, a-t-il dit, il va falloir vérifier. »

MLambert, qui représente les consommateurs dans ces actions collectives, a affirmé ne pas voir « de problème à ce que le juge rajoute des exigences plutôt que de rejeter l’entente dans son ensemble. » Mais il en va tout autrement pour les avocats représentant les concessionnaires : « Je veux faire une mise en garde, a souligné Me François-David Paré, du cabinet juridique Norton Rose Fulbright : le tribunal est là pour décider, il a une entente devant lui que les parties ont signée. Si on veut modifier une transaction intervenue entre les parties, le terrain devient glissant. » 

Le juge doit prendre sa décision en délibéré. À suivre. 

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