Revente de laissez-passer du FEQ: attention, fraudeurs!

En mars dernier, les 125 000 bracelets du Festival d’été de Québec (FEQ) ont rapidement trouvé preneurs, tant ceux à 138 $ (en prévente) que ceux vendus au prix courant de 150 $ pour accéder aux différents sites des spectacles. Tous les autres laissez-passer pour les zones avant-scène (Or et Argent) ainsi que la zone Signature Bell (les gradins) se sont également envolés comme des petits pains chauds. 

Des milliers d'amateurs de musique ont été très déçus d’avoir raté la vente des bracelets lors de l’opération controversée de vente en ligne, devancée à la dernière minute par l’organisation. Ceux qui veulent assister au FEQ devront se rabattre sur le prêt entre amis ou le marché de la revente pour obtenir leur précieux sésame.

Billetaria.ca ou trouvetonbillet.com : drapeaux rouges 

Les chercheurs d’aubaines doivent toutefois se méfier des fraudeurs actifs sur la Toile et sur les réseaux sociaux. De nouveaux sites web transactionnels — propulsés par Shopify — ont fait leur apparition dans les dernières semaines. 

Le faux site web de revente billetaria.ca est l’un de ceux-là. Il est apparu sur le mur Facebook d’internautes à Québec via un lien « sponsorisé », en offrant des billets pour le FEQ à un tarif compétitif entre 169 $ et 175 $. À la suite de nos interrogations, acheminées par courriel, le site web a subitement été désactivé.

Son sosie — trouvetonbillet.com — reprenait à peu près la même interface graphique et il est également devenu inaccessible jeudi soir. Dans les deux cas, ces sites web se targuaient d’offrir un environnement « sécuritaire » et « pratique » pour l’achat de billets de spectacles (pas seulement ceux du FEQ), « sans tracas ». 

Or, les drapeaux rouges s’accumulaient en parcourant ces sites web, où l’on invitait l’internaute à payer son achat de diverses façons : avec une carte de crédit, PayPal, Shop Pay, Google Pay ou Interac.

• Aucun numéro de téléphone n’était disponible pour parler à un représentant.
   
• L’adresse de référence était fausse, calquée sur l’adresse de plateformes de revente qui ont véritablement pignon sur rue à Montréal, mais avec un numéro de bureau qui n’existe pas.
   
• Billetaria.ca et trouvetonbillet.com prétendaient exister depuis 2021, alors que personne dans l’industrie ne les connaît, qu’il n’y a pratiquement aucune trace d’eux sur les moteurs de recherche et qu’ils n’apparaissent pas au Registre des entreprises du Québec (REQ).
   
• Leurs sites web ont été créés il y a quelques jours ou quelques semaines à peine.
   
• Les renseignements sur leurs noms de domaine et les gestionnaires de sites étaient confidentiels.
   
• Les sites promettaient le transfert de billets « instantanément », alors que les laissez-passer officiels du FEQ, par exemple, ne seront envoyés par la poste aux acheteurs qu’en juin.
   
• Leurs différentes pages Facebook n’ont pratiquement pas de contenu. On y trouve des avis positifs bidon, tous rédigés le même jour, à la même heure ou presque.
   
• Billetaria.ca proposait le retour « d’articles », alors qu’il s’agit de billets de spectacles, et évoquait un partenariat avec Ticketmaster, une information mensongère.
   
• Plusieurs extraits de textes ont été copiés sur les autres sites de revente plus connus et ont été légèrement modifiés.
   
• Enfin, ces deux plateformes obtiennent un score de confiance de 1 % sur le site web scamdoc.com qui analyse gratuitement et rapidement la fiabilité d’un site internet.

Shopify alerté

La vice-présidente stratégies des marques et affaires publiques du FEQ, Samantha McKinley maintient que « la seule manière d'être sûr de la validité de son achat est d'acquérir les billets directement à la source, via le site FEQ.ca. Ces sites, tout comme les autres sites de revente, n’ont aucune affiliation avec le FEQ. De façon générale, nous déconseillons fortement aux festivaliers de se procurer des billets via les sites de revente. Nous encourageons plutôt le prêt entre famille ou amis. »

Jointe par Protégez-Vous, la directrice du service à la clientèle d’autres plateformes de revente controversées comme Billets.ca, Tickets.ca, Billets.com et 514-billets.com, Chantale Mallette, s’est totalement dissociée de ces deux sites web frauduleux qui « utilisent illégalement nos textes, nos images et qui affichent une adresse fictive à Montréal pour tromper les consommateurs ». 

« Nous avons déjà entrepris des démarches auprès de Shopify pour signaler ces activités frauduleuses, et nous explorons toutes les options pour défendre nos droits et protéger nos clients. Pour éviter toute confusion, nous conseillons à nos clients de toujours vérifier l’authenticité des sites sur lesquels ils envisagent de faire des achats », ajoute Chantale Mallette.

Un site sécurisé, vraiment ?

Fyscillia Ream, coordonnatrice scientifique de la Chaire de recherche dans la prévention de la cybercriminalité à l’Université de Montréal, invite aussi les internautes à la prudence. 

Même si des sites web comme billetaria.ca peuvent sembler « sécurisés » à première vue, le fameux cadenas apparaissant près de l’URL n’est malheureusement plus synonyme d’une protection absolue puisque les fraudeurs utilisent de plus en plus des plateformes légitimes comme Shopify. « Ils paient pour ouvrir le site pendant un mois, ils ramassent l’argent et ils ont un bon retour sur l’investissement », expose la coordonnatrice. 

Dans la dernière année, elle dit avoir observé une recrudescence de faux vendeurs sur Shopify, lesquels offrent divers produits abordables comme des vêtements ou des chaussures. « Je ne suis pas étonnée qu’ils se soient lancés aussi dans la vente de billets de spectacles, mentionne-t-elle. L’été s’en vient. » 

Malheureusement, plusieurs victimes risquent de découvrir dans quelques semaines, voire quelques mois, qu’elles ont été piégées, puisqu’elles ne recevront jamais le laissez-passer pour le FEQ.

Fyscillia Ream suggère aux gens de demeurer vigilants et de se méfier des publicités frauduleuses sur Facebook. D’autres sites transactionnels éphémères frauduleux pourraient également voir le jour dans les prochaines semaines. 

Si vous découvrez que vous avez bel et bien été victime d’une fraude, vous devriez contacter votre institution financière dans les meilleurs délais. Celle-ci pourrait vous rembourser, après enquête. Pour annuler votre achat en ligne, si vous avez un doute, vous avez aussi la possibilité d’effectuer une demande de rétrofacturation, si vous répondez aux critères de la Loi sur la protection du consommateur. 

Il est recommandé de signaler la fraude aux autorités policières ainsi qu’au Centre antifraude du Canada. Vous pouvez également faire un signalement sur le site web fraude-alerte.ca, afin de prévenir les autres internautes. 

Encadrement de la revente

Rappelons que la Loi sur la protection du consommateur n’encadre pas la revente de billets de spectacles entre particuliers. Elle interdit cependant à un commerçant de « revendre un billet à un prix supérieur à celui annoncé par le producteur du spectacle ou de l’évènement », à moins de remplir une foule de conditions. 

Les plateformes controversées comme Billets.ca et 514-billets.com, qui ont souvent fait les manchettes dans les dernières années, revendent présentement des laissez-passer du FEQ, en admission générale, à des prix variant entre 334 $ et 690 $, deux à quatre fois et demi plus cher que le prix d'origine. Option consommateurs juge qu’elles ne respectent pas la Loi. L’organisme a d’ailleurs déposé une demande d’action collective contre elles en octobre dernier. 

Les gestionnaires de ces sites de revente montréalais se sont toujours défendus de contrevenir à la loi et disent agir comme intermédiaire entre le vendeur et l’acheteur. Le gouvernement du Québec, qui peine à encadrer le phénomène de revente de billets, a dit vouloir s’y attaquer à nouveau dans la foulée de la vente en ligne des laissez-passer du FEQ qui a suscité la grogne. 

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Image principale: capture d'écran du site temporaire de Billeteria