Ce que le budget 2022 changera (ou pas) dans vos vies
À sept mois des élections, dans un contexte inflationniste, le gouvernement Legault a déposé cette semaine un budget généreux, dont la mesure la plus spectaculaire est le chèque de 500 $ offert aux contribuables gagnant 100 000 $ et moins pour faire face à l’augmentation du coût de la vie. Mais, au-delà de cette mesure, que vous réserve ce budget? Protégez-Vous s’est entretenu avec un fiscaliste.
Comme quoi, malgré deux ans de pandémie, il y a de l’argent dans les coffres de l’État! «L’augmentation du coût de la vie est en effet favorable au gouvernement, qui bénéficie de plus d’entrées de fonds, explique Sylvain Gilbert, fiscaliste associé au cabinet Raymond Chabot Grant Thornton, bureau de Sherbrooke. D’une part, les travailleurs dont le salaire augmente paient plus d’impôt. D’autre part, une inflation aux alentours de 5 % signifie une augmentation des prix de 5 %, et donc une augmentation subséquente des taxes à la consommation [NDLR: la taxe de vente du Québec (TVQ) et la taxe sur les produits et services (TPS)]», dit-il.
Les 3,2 milliards de dollars que le gouvernement mettra dans nos poches sous la forme de chèques de 500 $ sont «l’argent qu’on lui a déjà donné et qu’il nous remet, en partie», commente Sylvain Gilbert.
Selon lui, cette mesure pourrait d’ailleurs favoriser l’inflation plutôt que la combattre. «Dans un contexte où il y a déjà trop d’argent dans l’économie à cause des subventions versées durant la pandémie, 94 % des Québécois auront tout à coup 500 $ de liquidités pour consommer davantage, ce qui contribuera à l’inflation.»
Il est d’avis qu’il aurait été plus judicieux de favoriser l’épargne plutôt que la dépense ou d’en donner davantage aux personnes gagnant moins de 50 000 $, chez qui l’inflation fait plus mal. Mais, encore là, «500 $ sur une année, c’est moins de 10 $ par semaine pour aider à payer l’épicerie et les factures…», rappelle Sylvain Gilbert.
Logement: une intervention trop timide
Ce montant de 500 $ échoue aussi à pallier l’envolée fulgurante du coût des loyers et du prix des maisons, d’après le fiscaliste.
Contrairement au gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui vient d’annoncer le plafonnement de l’augmentation des loyers et une réduction d’impôt pour les propriétaires d’immeubles à logements, le gouvernement québécois n’attaque pas de front la crise du logement. «Le ministre des Finances, qui compare la situation de Montréal à Toronto et à Vancouver, a dit en entrevue qu’il considère que le prix des logements n’est pas problématique à un point tel qu’il doive intervenir présentement», rapporte Sylvain Gilbert.
Le budget québécois ne prévoit que 633,6 millions de dollars pour favoriser l’accès à un logement de qualité et abordable, notamment en augmentant le nombre de logements sociaux et abordables, en préservant les logements existants et en aidant les ménages à faible revenu à payer leur loyer au moyen de la bonification du programme Supplément au loyer. Les locataires qui bénéficient de ce programme paient un loyer correspondant à 25 % de leur revenu.
Sylvain Gilbert juge ces mesures insuffisantes, notamment pour les premiers acheteurs qui devraient selon lui pouvoir bénéficier de subventions ou de prêts garantis par le gouvernement pour rassurer les banques. «Car, actuellement, les salaires ne suivent pas la progression des prix. Et la mise de fonds nécessaire, les premiers acheteurs ne l’ont pas.»
Aide aux étudiants
Québec revoit le calcul de l’aide financière, ce qui pourrait permettre à plus d’étudiants d’y avoir accès. Actuellement, les étudiants dont les parents gagnent plus de 55 000 $ sont pénalisés en raison du niveau de vie «élevé» de leur famille et leurs prêts et bourses sont réduits. Ce seuil passe à 75 000 $.
Pour un parent vivant seul et pour le conjoint d’un étudiant, le salaire au-delà duquel l’étudiant est pénalisé passe respectivement de 50 000 à 65 000 $ et de 48 000 à 63 000 $.
Québec hausse également la pension alimentaire étudiante pour les parents aux études de 4 200 à 6 000 $.
Transport: baisse des subventions vertes
En pleine crise climatique, alors qu’il ne s’est jamais vendu autant de VUS polluants au Québec, le gouvernement Legault diminue les subventions accordées dans le cadre du programme Roulez Vert dont profitent les propriétaires de véhicules électriques et hybrides.
À partir du 1er avril 2022, les rabais octroyés seront les suivants:
- 7 000 $ pour les véhicules électriques neufs (au lieu de 8 000 $)
- 5 000 $ pour les véhicules hybrides rechargeables neufs (au lieu de 8 000 $)
- 3 500 $ pour les véhicules électriques d’occasion (au lieu de 4 000 $)
Cet ajustement permet de refléter la réduction des coûts additionnels des véhicules électriques présents sur le marché, se justifie le gouvernement dans son document de présentation du budget.
Cette mesure n’étonne guère Sylvain Gilbert étant donné que les stocks de véhicules électriques sont pour le moment insuffisants en Amérique du Nord. En effet, les constructeurs favorisent les pays européens qui taxent fortement les consommateurs qui achètent des véhicules à essence, ce qui n’est pas le cas de ce côté-ci de l’Atlantique.
«Alors, même si on voulait encourager les gens à se tourner vers les véhicules électriques, on n’est pas capable de s’en procurer, explique-t-il. Continuer à financer ces achats ne donne donc pas grand-chose pour le gouvernement. Quand tu es prêt à attendre deux ans pour obtenir un véhicule, c’est que tu es vendu à la cause, rabais ou pas.»
À son avis, pour avoir accès à plus de véhicules verts, le Québec devrait emboîter le pas aux pays qui taxent l’achat de véhicules à essence, comme la Norvège et la France.
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