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Ados et discours radicaux : comment entretenir le dialogue

Par Justine Montminy
Ados et discours radicaux : comment entretenir le dialogue PHOTOCREO Michal Bednarek/Shutterstock.com

Conflit au Proche-Orient, influenceurs misogynes, propos tirés de groupes extrémistes : nos ados et nos jeunes ne sont pas à l’abri d’idées radicales ou haineuses envers certains groupes. Comment entretenir le dialogue avec eux et les amener à développer leur sens critique.

« Être radical ou avoir des idées ‟ radicales ” n’est pas nécessairement négatif : c’est l’attitude qui a provoqué nombre de changements positifs dans la société, comme le droit de vote des femmes ou la fin de l’esclavage  », rappelle Louis Audet Gosselin, directeur scientifique et stratégique du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV).

C’est toutefois différent lorsque cette radicalisation des propos ou des idées ouvre le champ à la radicalisation violente. « La personne développe un sentiment d’appartenance envers un groupe et, avec lui, elle se met à percevoir un autre groupe comme un ‟ennemi”, explique l’expert. Progressivement, elle se met à déshumaniser l’autre et à légitimer de manière implicite ou explicite la violence à son égard, que ce soit par des propos haineux ou même des gestes violents. »

« Partout dans le monde, on voit monter en popularité ces mouvements aux idéologies radicales violentes, indique la pédopsychiatre Cécile Rousseau, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en prévention de la radicalisation violente de l’Université McGill. Que ce soient les discours masculinistes d’influenceurs misogynes qui ‟objectifient” les femmes, ou encore les idéologies racistes de certains groupes suprémacistes blancs. »

On assiste aussi à la montée du scepticisme envers la capacité des gouvernements et des institutions à protéger la population face au danger. « Les groupes radicaux promettent des solutions aux problèmes de la société », ajoute la Dre Rousseau qui est également directrice scientifique de l’équipe Recherche et action sur les polarisations sociales de l’Institut universitaire SHERPA au Québec.

Ces mouvements radicaux utilisent le plus souvent Internet et les réseaux sociaux pour véhiculer leurs messages. Les jeunes y ont facilement accès. « C’est souvent à l’adolescence que l’on souhaite changer le monde, dit l’experte. Nos jeunes peuvent être réceptifs à ces discours de propagande et, sans trop le voir venir, se laisser endoctriner.»

À lire aussi : Comment aider votre ado à décoller de l’écran ?

Discours radicaux : quand s’inquiéter, en tant que parent ?

Selon les deux experts, il est normal qu’un ado remette en cause la manière dont le monde fonctionne et qu’il soit curieux face aux différentes opinions qui circulent en ligne. « Si votre jeune regarde une vidéo d’un influenceur misogyne comme Andrew Tate, cela ne veut pas dire qu’il est en train de se radicaliser ou de promouvoir la violence », rassure Louis Audet Gosselin.

Si votre enfant a un bon cercle d’amis, qu’il semble aller bien et s’implique dans plusieurs activités, le risque de radicalisation ou de violence est plutôt faible. « S’il tient certains propos dérangeants, il est probablement seulement influencé par la culture actuelle », mentionne Cécile Rousseau. Vous pouvez alors prendre ses petits mots bien sentis avec un grain de sel.

Si, toutefois, vous remarquez que votre ado tient des propos inquiétants, qu’il s’isole et qu’il ne semble pas bien, c’est à ce moment-là qu’il est important d’agir. « Si le jeune se sent exclu ou marginalisé dans la société ou qu’il est en détresse, il y a un plus grand risque qu’il adhère sérieusement aux mouvements radicaux haineux et qu’il propage la violence », affirme Louis Audet Gosselin.

Le spécialiste ajoute que les parents devraient alors se focaliser directement sur les besoins non comblés de l’enfant qui causent une détresse et le poussent à adhérer à ce genre d’idéologie. « Lorsque l’adolescent va mieux, il y a un processus naturel de désengagement envers les mouvements radicaux haineux qui survient », constate M. Gosselin.

Radicalisation : des réactions à éviter

Si votre jeune tient des propos que vous jugez déplacés et que vous souhaitez lui en parler, autant le faire de la bonne manière en évitant certaines actions qui pourraient faire en sorte qu’il ne se ferme encore davantage.

  • Évitez d’être moralisateur, surtout si votre ado semble avoir des idées très arrêtées ! « Raisonner l’enfant ne sert strictement à rien. Imaginez dire à un fan des Canadiens de Montréal qu’il doit plutôt soutenir les Bruins de Boston, ça ne marchera pas », illustre la Dre Rousseau. Elle ajoute que de mettre le blâme ou de juger les croyances de l’enfant risque de faire en sorte qu’il coupe la communication avec vous dans le futur.
     
  • Évitez de débattre - Même si votre enfant tient des propos qui vont à l’encontre de vos valeurs, tenter de débattre est inutile. « Avoir un débat avec votre ado va faire en sorte qu’il va se sentir davantage marginalisé et se sentir attaqué, explique Louis Audet Gosselin. Cela aura pour effet de renforcer ses idées. »
     
  • Évitez de devenir trop contrôlant - Il est tout à fait légitime que vous souhaitiez savoir ce que votre enfant fait sur Internet. Mais il ne faut pas qu’il se sente espionné. « Il ne faut pas que les parents deviennent hypervigilants et anxieux. Les adolescents ont besoin de leur bulle et, si leurs parents tentent de trop la percer, ils risquent de se fâcher et de se renfermer », dit Cécile Rousseau.

Cinq attitudes pour garder le dialogue ouvert

  • Conservez le lien avec votre enfant – Gardez les canaux de communication ouverts et maintenez le lien de confiance qui vous unit. « Le plus important est de tendre la main plutôt que de fermer la porte, même si les propos vous dérangent et que c’est difficile pour vous », affirme la Dre Rousseau.
     
  • Posez des questions - « Si vous avez une bonne relation avec votre ado, n’hésitez pas à lui poser des questions sur ses croyances, sans les valider ou dire que vous êtes nécessairement d’accord avec lui. Poussez le dialogue et demandez-lui de vous en parler davantage », indique la pédopsychiatre. Le jeune se sentira écouté — ce qui est si important —, et cela vous permettra encore une fois de créer un lien et de mesurer l’ampleur de ses croyances.
     
  • Proposez des opinions divergentes ou des faits - Si le lien de confiance est bien établi et que votre ado est à l’aise de discuter avec vous sans se sentir jugé, vous pourriez lui présenter des faits ou des opinions divergentes. S’il tient des propos masculinistes, par exemple, vous pourriez lui demander s’il croit que ces croyances s’appliquent aussi aux femmes qu’il aime, sa sœur, sa grand-mère ou sa tante. L’objectif est de l’amener à nuancer lui-même ses propos.
     
  • Demandez de l’aide à un proche - « Si votre relation avec votre ado est plus difficile ou qu’il refuse de vous parler de ces sujets, vous pourriez encourager un proche avec qui l’enfant a une bonne relation à le faire. Ça peut être un membre de la famille, un adulte signifiant ou un enseignant pour lequel le jeune a de l’estime », dit la spécialiste.
     
  • Éloignez l’enfant du monde virtuel - Faites en sorte qu’il passe moins de temps sur Internet et les réseaux sociaux en le ramenant le plus possible à la vie réelle. « Organisez des activités agréables et valorisantes en famille ou avec des amis, suggère Cécile Rousseau. Ou mettez-le en contact avec des modèles inspirants autour de vous. »

Quand faut-il chercher de l’aide pour votre ado ?

Si rien ne semble fonctionner et que la situation vous inquiète, n’hésitez pas à aller chercher de l’aide, surtout si votre enfant continue de s’isoler ou qu’il paraît en détresse.

En plus des professionnels de la santé, il existe plusieurs ressources en ligne pouvant venir en aide aux parents et les conseiller.

C’est le cas notamment de Ligne Parent qui offre du soutien aux parents d’ados par clavardage ou par téléphone. Vous pouvez également rejoindre le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence sur son site web ou au 1 877 687-7141.

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