Trottoir glissant: pouvez-vous poursuivre?
Avec les cocktails météorologiques qui caractérisent désormais les hivers québécois, une chute est vite arrivée. Si vous glissez sur un trottoir glacé ou dans le stationnement d’un commerce et que vous vous fracturez la cheville, pouvez-vous poursuivre la Ville ou le propriétaire? Oui, mais il faudra prouver qu’il y a eu négligence.
«Chaque cas est unique, insiste Me Cybèle Prince, de l’entreprise NeoLegal, qui offre des services juridiques en ligne. Mais le principe général, c’est que ni les Villes, ni les commerçants, ni les particuliers ne sont les assureurs des piétons.»
L’entretien hivernal des trottoirs, des escaliers et des espaces de stationnement ne découle pas d’une obligation de résultat, mais bien d’une obligation de moyen, selon l’avocate. Autrement dit, les municipalités et les propriétaires privés ne sont pas tenus d’assurer que les leurs ne seront jamais glissants l’hiver.
Ainsi, ils ne peuvent être tenus responsables des blessures que subissent les gens qui tombent sur un trottoir glacé lorsqu’ils ont réagi aux intempéries dans un délai raisonnable. «Ce n’est pas parce qu’une personne chute dans le stationnement d’un commerce qu’il y a eu négligence, avise Me Prince. [Cette personne] doit démontrer qu’il y a eu une faute résultant d’une négligence.»
Quoi faire en cas de chute?
Si vous perdez pied sur une plaque de glace et que vous soupçonnez qu’il y a eu négligence, photographiez l’endroit en question sous plusieurs angles. Prenez aussi un cliché de ce que vous chaussiez au moment de la chute.
«Notez les conditions météorologiques de la veille et de la journée de l’accident», recommande Me Cybèle Prince. Elle vous suggère également de dresser la liste de vos biens qui ont été endommagés, comme vos vêtements, votre téléphone ou vos lunettes.
Et surtout, consultez un médecin pour qu’il puisse faire un compte rendu de vos blessures. «Il faut obtenir un rapport d’expertise qui détaille le préjudice corporel», dit l’avocate.
Vous êtes tombé dans les escaliers glacés de l’immeuble où vous habitez? Examinez votre bail pour savoir qui est responsable de l’entretien. Mentionne-t-il que le locateur doit déneiger et déglacer les marches de l’entrée? Si oui, s’est-il acquitté de sa tâche après un épisode de pluie verglaçante?
Avant d’entamer des démarches judiciaires, communiquez avec un avocat. Il pourra évaluer si, selon les circonstances de votre chute, vous pouvez espérer recevoir un dédommagement. Le cas échéant, il estimera le montant que vous pouvez demander, en fonction des préjudices que vous avez subis.
La première étape est d’envoyer une mise en demeure. Si vous décidez de saisir les tribunaux, les indemnités que vous demanderez détermineront à quelle cour vous devez vous adresser.
- Cour des petites créances: moins de 15 000 $
- Cour du Québec: 15 000 à 84 999 $
- Cour supérieure: 85 000 $ et plus
Le Tribunal administratif du logement pourrait aussi être saisi si le propriétaire de l’immeuble locatif où vous logez n’a pas entretenu les accès au bâtiment.
Des délais à respecter
De façon générale, vous disposez de trois ans, à partir du jour de votre chute, pour réclamer des indemnités, selon le Code civil du Québec. Toutefois, si vous voulez engager la responsabilité d’une municipalité pour un préjudice matériel, vous devez donner un avis au greffier de la Ville dans les 15 jours suivant l’accident et vous avez six mois pour présenter votre demande de dédommagement, en vertu de la Loi sur les cités et villes.
Cette législation précise qu’«aucune municipalité ne peut être tenue responsable du préjudice résultant d’un accident dont une personne est victime, sur les trottoirs, rues, chemins ou voies piétonnières ou cyclables, en raison de la neige ou de la glace (…)». Sauf si vous êtes en mesure de démontrer qu’une faute a été commise par la Ville ou qu’elle a fait preuve de négligence.
Le taux de réussite?
Ces démarches valent-elles la peine d’être engagées? Sans avancer un taux de réussite, Me Cybèle Prince mentionne que des citoyens réussissent à obtenir un dédommagement.
«Une grande majorité de ces dossiers sont négociés hors cour, mais je ne peux pas garantir qu’il y aura une entente à l’amiable», souligne-t-elle prudemment.
Du côté de la jurisprudence, les pronostics sont plutôt défavorables. La plupart des personnes ayant engagé une poursuite parce qu’elles avaient glissé sur une surface glacée… ont perdu leur cause. Voici des jugements pour nourrir votre réflexion.
Exemples de jugements dont l’action a été rejetée
450-32-015815-129 — Sherbrooke
410-32-003254-053 — Shawinigan
300-32-000139-094 — L’Islet
750-05-001606-994 — Saint-Hyacinthe
540-05-006212-017 — Laval
500-17-065449-111 — Montréal
155-322-700157-188 — Entreprise Ludger Guay et Carrefour Saint-Félicien
700-32-701942-185 — 8490201 Canada inc.
400-22-009757-176 — H. Auger Automomobiles et Ferme Gapadi
150-32-700618-180 — Gestion Gaubourg Sagamie
700-17-011788-154 — Benoît Vallée et Desjardins Assurances générales
Exemples de jugements où la Ville a été condamnée, en partie ou en totalité
505-32-024349-087 — Saint-Lambert
652-32-000326-026 — Port-Cartier
505-32-018577-040 — Longueuil
500-22-120912-061 — Montréal
200-17-004352-043 — Québec
450-05-004196-008 — Sherbrooke
150-32-700522-184 — Saguenay
480-22-000112-167 — 9285-0353 Québec inc.
415-32-700344-180 — Marché IGA Toupin
Pour consulter d’autres exemples de jugements, rendez-vous sur le site Citoyens.soquij.qc.ca et inscrivez des mots comme «glace», «trottoir», «tomber», «commerce» et «Ville» dans la section «Mots clés». À noter que si vous voulez lire uniquement des décisions de la division des petites créances, vous devez sélectionner le tribunal «Cour du Québec — Division des petites créances».
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