Le modèle d’affaires à l’origine de Shein et Temu

Shein et Temu sont avant tout des places de marché, c’est-à-dire que des vendeurs tiers vendent de la marchandise sur leur plateforme.

« Ce sont des modèles très simples qui mettent en lien le producteur et le consommateur. [Temu et Shein], ce sont des intermédiaires », explique Riadh Ladhari, professeur titulaire en marketing et directeur du Centre de recherche en commerce de détail et marketing numérique de l’Université Laval, à Québec.

À noter que Shein offre également ses propres articles sur son site web. L’entreprise a par ailleurs ouvert un premier magasin physique permanent à Paris (France) en novembre 2025.

Leur force d’attraction 

Ces deux géants du commerce en ligne proposent un éventail de produits – fabriqués en grande partie en Chine – vendus à des prix dérisoires. Pour attirer votre attention, Shein et Temu usent de différentes tactiques, à commencer par une application mobile conviviale. Ces plateformes ont également recours à l’intelligence artificielle pour vous soumettre des promotions personnalisées. 

C’est sans compter les jeux addictifs et les comptes à rebours que Temu utilise pour mousser ses ventes.

- L’application Temu vous propose de jouer à un jeu pour obtenir des coupons d’une valeur de 200 $. « La roue est à titre illustratif uniquement. Tout le monde obtiendra la meilleure récompense », est-il indiqué. 

« Tout ce qu’ils font, c’est pour le maximum : le maximum de producteurs et le maximum de ventes », résume Riadh Ladhari. 

Selon lui, la vérification de la conformité des produits aux normes et lois en vigueur est secondaire. « Ils savent que les consommateurs vont acheter dès qu’ils trouvent le plus bas prix, affirme le professeur. Les plateformes ne se préoccupent pas trop [de la conformité], mais si les pays imposent des lois ou interdisent leurs produits, elles vont se conformer. Elles n’auront pas le choix. »

Les objectifs de Shein et Temu sont d’avoir accès aux marchés pour connaître les besoins de la clientèle, puis d’écouler leur marchandise.

Leur part d’ombre 

Si l’offre de Shein et Temu paraît alléchante, elle comporte aussi sa part d’ombre. Ces deux plateformes laissent une empreinte environnementale importante : Shein a produit 26 millions de tonnes d’équivalent en dioxyde de carbone en 2024, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 68 centrales au gaz naturel. Temu reste quant à elle muette sur le sujet.

À cela s’ajoute l’immense quantité de biens que ces plateformes distribuent dans les divers marchés qu’elles desservent : chacune expédiait jusqu’à un million de colis chaque jour vers les États-Unis en 2023, selon The Wall Street Journal. Les commerces de proximité peinent à rivaliser avec ces géants et les magasins d’articles d’occasion se retrouvent avec une abondance d’objets invendables en raison de leur piètre qualité.

Des soupçons de travail forcé pèsent par ailleurs sur ces deux entreprises; des élus ont entre autres soulevé la question aux États-Unis et au Royaume-Uni. Shein a admis en 2024 avoir suspendu deux fournisseurs qui employaient des enfants. 

Qui plus est, les deux plateformes amassent un nombre considérable de données sur leur clientèle. Temu pourrait être un logiciel espion, selon le rapport d’une société d’analyse financière paru en 2023. Cette collecte inquiète Jean-Luc Geha, directeur associé de l’Institut de vente HEC Montréal et membre de la Chaire de commerce Omer DeSerres. « Est-ce que Temu et Shein s’en servent pour vous proposer des produits complémentaires ? Est-ce qu’ils bâtissent des bases de données avec des informations sur vous ? » se questionne-t-il. Le professeur vous conseille de recourir à des solutions paiement sécurisées, par exemple Apple Pay, Google Pay et PayPal, quand vous faites des achats sur ces sites.

Des sanctions et des recours contre Shein et Temu

Au Québec

• En 2024 et 2025, Shein (30 plaintes) et Temu (34) ont chacune fait l’objet d’une trentaine de plaintes à l’Office de la protection du consommateur (OPC). La majorité concernait la « livraison, non-conformité d’un bien ou d’un service ou qualité du service à la clientèle ». En janvier 2025, l’OPC a envoyé un avis à Shein pour lui rappeler certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.
   
• Une demande d’action collective contre Temu a été déposée en 2024 à la Cour supérieure du Québec. Le motif de cette poursuite : l’ampleur des données que la plateforme collecte et compile (les empreintes digitales, la reconnaissance faciale, la voix et la géolocalisation).

Ailleurs dans le monde

En France

• La Commission nationale de l’informatique et des libertés a infligé une amende de 150 millions d’euros (environ 244 millions de dollars canadiens) à Shein en 2025, rapporte Libération. Elle a conclu que le géant du commerce en ligne avait utilisé des témoins (cookies) pour suivre les activités en ligne des consommateurs, sans que ces derniers y consentent. Et même s’ils avaient donné leur consentement, ils pouvaient difficilement le retirer, puisque le mécanisme de retrait était défaillant. Là encore, Shein a indiqué avoir rectifié le tir. 
   
• Shein a aussi écopé d’une amende de 40 millions d’euros (environ 65 millions de dollars canadiens) en 2025 pour avoir induit en erreur les consommateurs français. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a découvert que l’entreprise avait majoré ses prix avant d’offrir des réductions entre octobre 2022 et août 2023, précise Le Parisien. Des corrections ont été mises en place en mars 2024, selon ce qu’a énoncé Shein par la suite.

Aux États-Unis

• Temu a reçu une amende de 2 millions de dollars américains (environ 2,8 millions de dollars canadiens) pour avoir enfreint l’Inform Consumers Act aux États-Unis en 2023. La Federal Trade Commission a conclu que l’entreprise n’a pas fourni les informations et les outils aux consommateurs pour qu’ils évitent d’acheter des produits volés, contrefaits ou dangereux.

Shein et Temu en bref

À lire aussi : Enquête sur Shein et Temu : beaucoup de produits non sécuritaires, Enquête de satisfaction : Amazon à la fois adulé et critiqué et Wayfair : de vraies bonnes affaires ?