Chaque année, le retour de l’international des Feux Loto-Québec, qui est l’évènement pyrotechnique le plus important au Québec, rime avec été, bonne humeur, vacances, barbecue… Les feux d’artifice sont aussi utilisés pour célébrer des festivités comme le Nouvel An en Chine ou les fêtes nationales aux États-Unis, en France et au Québec. Mais, derrière la magie des feux d’artifice, se cache une ombre qui mérite d’être mise en lumière.
Des étoiles plein les yeux… et des particules plein les poumons!
La fusée s’élance dans le ciel et, boom!, c’est une explosion de bruits et de couleurs! C’est beau, mais, malheureusement, ce n’est pas bon pour notre santé ni celle de la planète… En effet, lors de la déflagration des feux d’artifice, de nombreux polluants plus ou moins toxiques sont émis dans l’environnement.
Les explosions de feux d’artifice génèrent d’importantes quantités de particules fines en suspension dans l’air et d’oxydes de soufre ou d’azote. Selon les conditions météorologiques, et en particulier le vent, ces particules fines peuvent pénétrer dans les poumons des spectateurs ou des habitants vivant à proximité du lieu du spectacle. Ces particules, notamment celles inférieures à 2,5 microns (PM2,5), augmentent le risque de maladies respiratoires, en particulier pour les personnes vulnérables (asthmatiques, enfants, femmes enceintes, etc.).
Plusieurs études soulignent que la qualité de l’air se dégrade fortement dans les heures suivant un évènement pyrotechnique. De plus, ces particules peuvent rester plusieurs jours en suspension et parcourir plusieurs kilomètres, affectant donc potentiellement davantage de monde sur une plus longue durée.
Ces particules fines transportent également d’autres substances polluantes, notamment de nombreux métaux utilisés dans la composition des feux d’artifice pour créer de belles couleurs et autres effets wow. Ces substances peuvent ainsi entrer dans nos poumons ou s’accumuler et contaminer le lieu d’explosion, engendrant des effets toxiques potentiellement cancérigènes à court et à long terme sur les humains et les écosystèmes.
L’explosion de feux d’artifice génère aussi des gaz à effet de serre comme le CO2. Ils participent donc à l’augmentation du changement climatique. Les émissions de CO2 générées lors des explosions des feux d’artifice au Canada seraient de l’ordre de 170 tonnes par an; en comparaison des 160 mégatonnes de CO2 émises en 2020 par le secteur des transports au pays, c’est quand même largement négligeable!
Enfin, n’oublions pas que les feux d’artifice représentent une pollution sonore et visuelle ponctuelle, mais sévère, qui peut avoir des conséquences sur la faune locale. Par exemple, les sons produits peuvent désorienter les oiseaux et les amener à abandonner leur progéniture.
L’impact environnemental, au-delà des explosions
Malheureusement, l’explosion de feux d’artifice n’est responsable que d’une partie de leur impact environnemental. Pour avoir un portrait complet, il faut prendre en compte la pollution générée sur l’ensemble du cycle de vie des spectacles pyrotechniques, depuis la fabrication des fusées jusqu’au transport des spectateurs.
Les pièces pyrotechniques de haute portée sont constituées d’une partie propulsive faite de poudre noire qui permet d’envoyer la partie explosive en l’air. Celle-ci est une coquille contenant la poudre noire et les «étoiles», un mot poétique pour désigner les éléments qui se dispersent dans le ciel au moment de l’explosion et créent les gerbes lumineuses.
À l’origine de cette invention, la Chine fabrique 75 % des pièces pyrotechniques dans le monde. C’est aussi le plus gros consommateur et le plus gros exportateur mondial. L’empreinte environnementale devrait donc prendre en compte les étapes d’extraction des matières premières entrant dans la composition des pièces pyrotechniques, la production de l’énergie nécessaire pour les assembler et le transport des pièces jusqu’au lieu de l’explosion.
L’impact du transport des artificiers et des spectateurs assistant aux feux d’artifice ne doit pas être oublié. Par exemple, l’international des Feux Loto-Québec rassemble chaque année 3 millions de spectateurs. S’ils se déplacent en transport en commun ou en auto pour venir assister au spectacle, les émissions de gaz à effet de serre et de particules fines qu’ils suscitent pourraient devenir importantes. En général, l’empreinte carbone d’un évènement est dominée par les impacts dus au transport des participants.
Qu’en est-il des impacts sur le cycle de vie des spectacles de feux d’artifice? Quelles étapes génèrent le plus d’impacts environnementaux? Quelles mesures devraient être mises en place de façon prioritaire pour réduire efficacement leur empreinte environnementale? Impossible pour le moment de répondre à ces questions, car, à ma connaissance, aucune étude avec une perspective de cycle de vie n’a été réalisée sur le sujet.
Devrait-on arrêter de faire des feux d’artifice?
Là encore, il est très difficile de répondre à cette question sans étude robuste mettant en perspective l’importance des impacts environnementaux des feux d’artifice en comparaison avec les autres sources de pollution actuelles ou avec des solutions de rechange. Sans étude, impossible de savoir si les feux d’artifice représentent un enjeu majeur ou anecdotique.
Les feux d’artifice créent un impact ponctuel potentiellement important, mais de très courte durée. Comparées aux niveaux annuels d’émissions au Canada, les émissions de certains polluants générés par le secteur pyrotechnique semblent vraiment négligeables: 1/10 000 des émissions de PM2,5, 1/100 000 des émissions de CO2. Cependant, des enjeux environnementaux locaux peuvent survenir lorsque des feux d’artifice sont régulièrement lancés au même endroit.
En remplacement des feux d’artifice classiques, plusieurs options sont évoquées, comme les feux d’artifice «écolos», qui réduisent les niveaux d’émissions de particules, des spectacles utilisant des drones ou encore des jeux de lumière. Pour vraiment juger de la pertinence environnementale de ces options, il faudrait réaliser une analyse comparative avec une perspective de cycle de vie.
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