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Protégez-Vous en Chine, à la Foire de Canton

Par Stéphan Dussault
Protégez-Vous en Chine, à la Foire de Canton

Notre journaliste s'est rendu dans le sud de la Chine pour couvrir l'une des plus importantes foires de vente au détail: la Foire de Canton, où sont présentés des produits de consommation aux entreprises du monde entier.

Il a eu l'occasion de suivre le directeur principal du groupe Jean Coutu pendant une journée de magasinage et de se faire expliquer la position de Rona vis-à-vis de ses usines en Chine. Il a visité l'usine chinoise de 1 300 employés de Zhang Mingcai, fabricant de chaussures.

Le made in China, une relation amour-haine

«Dieu créa l’Homme. Le reste, c’est made in China.» Cette boutade lue sur Twitter traduit le gigantisme de l'«usine du monde» qu’est la Chine, mais aussi le dédain généralisé des Occidentaux pour ses produits. Vous avez d’ailleurs été nombreux, récemment, à exprimer sur VoxConso votre mépris pour eux.

Pourtant, année après année, les Québécois achètent toujours plus de produits fabriqués en Chine. Comment expliquer cette contradiction?

Vous le savez, si vous vous rendez chez Wallmart ou au Dollarama, il y a de forts risques que vous achetiez chinois. «Vous n’avez pas le choix. Ils vous le mettent dans la bouche, le produit chinois. Les réseaux de distribution sont de plus en plus gros. Ils ont la mainmise sur ce qu'ils vous offrent», dit Claude Tardif, importateur et dirigeant de l’Association des maisons de commerce extérieur du Québec (AMCEQ).

En 2010, les importations de produits chinois ont totalisé près de 44,5 milliards de dollars au Canada. C’est quatre fois plus que 10 ans plus tôt. La Chine a beau être située à l’autre bout de la planète, elle est désormais le deuxième importateur canadien en importance, après l’indétrônable voisin américain. En effet, la moitié des produits importés proviennent des États-Unis, et 11 % de la Chine.

Les 5 principaux produits importés de Chine:
1. Appareils électroniques
2. Outils
3. Jouets
4. Meubles
5. Vêtements
Source: Statistique Canada, 2010

Comment ces produits arrivent-il jusqu'à nous

Vous savez pourquoi vous achetez des produits faits à l’autre bout du monde. Pour les bas prix, bien entendu. Qui s’expliquent entre autres par le salaire de la main-d’œuvre – il débute à 150 $ par mois– et par le réseau élaboré d'acquisition de matières premières pour fabriquer ces produits.

Or, savez-vous comment les lecteurs mp3 et les climatiseurs bon marché se rendent au Québec? Pour les dénicher et en négocier l’achat, les importateurs et certains détaillants, comme Rona, Jean Coutu ou Dollarama, visitent de gigantesques foires pour acheter des lots de 1 000 tondeuses, de 5 000 lampes Tiffany ou de 100 000 bougies.

À partir de demain, nous découvrirons ensemble la foire de Guangzhou, capitale du sud de la Chine et plaque tournante manufacturière du pays. Quelque 60 000 kiosques y proposent pendant deux semaines chaque année des millions de produits à 200 000 représentants d’entreprises de partout dans le monde. Il s’agirait, selon nos sources, de la plus grande foire destinée au commerce de détail du monde.

Gros, vous dites? À l’image de la Chine manufacturière! Je m’y rends demain et vous en reparle. Petit choc culturel assuré!

Guangzhou, berceau du made in China

À peu près tout le monde connaît les villes de Beijing (Pékin) et de Shanghai. On ne peut en dire autant de Guangzhou, ou Canton, le nom que lui ont donné les navigateurs Portugais en 1514.

L'agglomération de cette ville du sud de la Chine compte 11 millions d’habitants. Cela en fait la quatrième ville en importance dans un pays qui compte près de 100 villes de plus d’un million de citadins.

Guangzhou, c’est surtout le berceau du made in China, le cœur et les poumons de l’usine du monde depuis les années 1980. Une grande partie de ce que vous trouvez au Dollarama est fabriquée dans un rayon de 150 km autour de Guangzhou. C’est pour cette raison que la plus importante foire de produits de vente au détail est présentée au cœur de la ville. Et à Protégez-Vous, nous nous intéressons beaucoup à la vente au détail! C’est donc de Guangzhou que nous bloguerons durant toute la semaine.

Cinq questions à un spécialiste chinoise de l’économie internationale

Après des études en France et à Guangzhou, Jie He (prononcer Tsié Re), spécialiste chinoise de l’économie internationale, s’est installée à Sherbrooke en 2006, pour enseigner à l’université. «Parmi mes petits boulots, j’ai été traductrice pour des fabricants à la Foire de Canton», se souvient-elle. C’est avec une grande joie, et peut-être aussi une pointe de nostalgie, qu’elle s’est entretenue avec nous quelques jours avant notre départ pour Guangzhou. Dans un français impeccable, faut-il le préciser.

Protégez-Vous: Est-ce que la Chine peut encore être considérée comme l’usine du monde?
Jie He: Oui, mais les Chinois ne vont pas garder éternellement cette image. Avec les salaires qui augmentent depuis quelques années, ils sont en difficulté. Et le gouvernement chinois donne davantage d’incitatifs financiers à des entreprises plus techno, comme les biotechnologies. Entretemps, des pays comme l’Inde, le Cambodge, et le Vietnam grugent tranquillement des parts de marché aux Chinois.

PV: Si on se fie au gigantisme de la Foire de Guangzhou, la Chine manufacturière semble avoir encore de belles années devant elle, non?
JH: Oui et non. Dans 10 ans, la production manufacturière dans la région pourrait avoir chuté de quelque chose comme 20 %.

PV: Ce n’est pas un hasard si cette foire se déroule à Guangzhou et pas ailleurs.
JH: Effectivement, c’est ici, dans le sud de la Chine, que le gouvernement chinois a tenté sa première politique d’ouverture des marchés en 1978. S’ouvrir au capital étranger, qui provenait surtout de Taïwan et de Hong Kong au début, et permettre aux Chinois de construire leurs propres usines a été un projet expérimental risqué, mais qui a réussi. C’est pourquoi cette région est aujourd’hui le centre nerveux de la fabrication chinoise. À l’époque, une ville voisine comme Shenzhen était un village de pêcheurs (ndlr: une trentaine d’années plus tard, elle compte plus de 10 millions d’habitants!).
 
PV: Selon vous, est-ce que la qualité des produits faits en Chine s’est améliorée depuis 10 ans?
JH: Difficile à dire. On le sait, la qualité n’est pas toujours bonne. Et c’est souvent la faute de ceux qui importent les produits. Les acheteurs négocient serré et une solution des usines est de faire des compromis sur la qualité pour ne pas perdre de contrats.

PV: Vous disiez plus tôt que les conditions de travail s’améliorent en Chine.
JH: Oui, les salaires augmentent, et c’est tant mieux. Mais la Chine fait aussi face à un problème d’inflation [ndlr: une hausse de plus de 6 % depuis un an] qui annule une part de ces hausses. Pour plusieurs biens essentiels, comme les légumes, la farine de blé et le porc, la hausse est encore plus élevée.

L’aile B, un des trois immeubles de quatre étages qui accueillent la Foire de Canton. - L’aile B, un des trois immeubles de quatre étages qui accueillent la Foire de Canton.

La Foire de Canton

«Évitez absolument la période de la Foire de Canton. Transports et hôtels sont alors surchargés et doublent, voire triplent leurs tarifs!» conseille le Guide du Routard. Certes, cette ville de 11 millions d’habitants peut «absorber» bien des touristes. Mais pendant la Foire, 200 000 acheteurs du monde entier viennent y rencontrer 35 000 fabricants chinois.

Les gros acteurs comme Walmart y sont, les débutants qui s’initient à la distribution aussi. Et les prix se négocient pour au moins un conteneur plein, que vous achetiez des brosses à dents ou des motocyclettes!

«À la Foire, choisis les endroits que tu veux visiter. Sinon, tu risques de t’y perdre», m’a conseillé avant le départ Éric Guilbert, directeur général chez Jean Coutu, qui s’y rend chaque année. Effectivement, après quatre heures, je n’avais réussi à parcourir que cinq des 44 sections!

Que proposent les vendeurs, à la Foire? Tout ce qui se vend au détail. Vraiment tout. En fait, on se croirait dans une publicité d’Au Bon Marché. «Des stores, des autos, des tuyaux de plomberie, des toutous en peluche, des iPod, on en a. Oui papa!»

Voici quelques exemples tirés la banque de données des exposants. Il se vend ici:

  • 1 576 modèles de chaises;
  • 1 058 serviettes de toutes sortes;
  • 469 poêles (antiadhésives ou non);
  • 488 modèles de bicyclettes;
  • 437 haut-parleurs;
  • 343 prises de courant différentes;
  • 204 modèles de mélangeurs;
  • 159 montres;
  • 116 modèles de tondeuses;
  • et une somme inimaginable de «gogosses»!
«Quel prix pour 25 000 pinceaux?», semble demander cet acheteur qui tente de ne pas se faire peinturer dans le coin. - «Quel prix pour 25 000 pinceaux?», semble demander cet acheteur qui tente de ne pas se faire peinturer dans le coin.

Le paradis du cheap

La Foire de Canton est le pain et le beurre des chaînes de «magasins à un dollar», qui y envoient plusieurs acheteurs chaque année. Dans ce genre de cas, la qualité des produits importe moins que la quantité.

«Qui retournerait au magasin un produit défectueux qu’il a payé 1 $?, demande Claude Tardif, importateur et dirigeant de l’Association des maisons de commerce extérieur du Québec. Il y a peu de pression sur l’entreprise pour qu’elle offre de la qualité. Le produit vendu 1 $ lui coûte environ 55 ¢ à importer et 10 ¢ à livrer au magasin. Avec 35 ¢ de profits bruts et peu de retours, elle ne voit pas de raisons de changer les choses.»

Pour en savoir plus, nous avons sollicité une entrevue avec Dollarama. En vain.

Quel est l’instrument qu’on trouve sans exception dans les 60 000 kiosques de la Foire de Canton? Une calculette. - Quel est l’instrument qu’on trouve sans exception dans les 60 000 kiosques de la Foire de Canton? Une calculette.

Camelote: à qui la faute?

«La Chine est capable du meilleur comme du pire, tout le monde le sait. Il revient aux entreprises qui s’y approvisionnent de bien vérifier ce qu’elles achètent», nous dit Ari Van Assche, spécialiste des questions économiques chinoises et professeur à HEC Montréal (École des hautes études commerciales).

Contrôler la qualité est loin d’être simple, mais il y a des règles de base à respecter. Pour Ari Van Assche, la visite en usine est un passage obligé, afin de vérifier l’application des normes canadiennes. Si on constate que les méthodes de travail sont inefficaces, il vaudrait mieux passer son tour.

«Depuis quelques années, une entreprise comme Walmart a investi énormément d’argent pour s’assurer d’une uniformité de la qualité des produits qu’elle importe de Chine. On peut s’attendre à ce que ça paraisse dans les rayons», dit M. Van Assche.

Mais la Foire de Canton regorge de clients moins regardants, comme Pourian, un Iranien de 17 ans rencontré par hasard dans la section des produits électroniques. Il ne savait pas ce qu’il cherchait: des vélos? Des grille-pain? Selon nos sources, les acheteurs inexpérimentés de ce type peuvent croire que livrer un conteneur est une chose aisée. Et c’est souvent eux qui se font prendre avec 10 000 luminaires qui risquent de prendre feu ou 500 barbecues impossibles à monter. Qui récolte les problèmes dans une telle situation? Les consommateurs, bien entendu!

La Foire de Canton en 5 chiffres

  • 60 000 kiosques
  • 35 000 manufacturiers
  • 200 000 acheteurs venus de l’étranger
  • 1,1 million de m2 pour les kiosques, soit environ 45 fois le Palais de congrès de Montréal et 60 fois le Centre des foires de Québec
  • 2 Foires de Canton par an (avril et octobre) – la Foire a beau être gigantesque, de toute évidence un seul événement annuel ne suffisait pas

Fait (à moitié) en Chine

Dans bien des cas, la mention made in China signifie que l’assemblage final a été effectué en Chine pour économiser sur le coût de la main-d’œuvre. Une bonne partie du travail peut avoir été faite ailleurs.

Le professeur Ari Van Assche, de HEC Montréal, a étudié la question. Il remarque que en moyenne, la moitié du produit est faite en Chine. Le reste? Au Vietnam, en Inde, en Afrique, au Cambodge, par exemple. Bien des entreprises contournent d’ailleurs l’esprit de la règle en faisant faire une partie de la fabrication au Canada pour obtenir le droit d’utiliser la mention made in Canada.

Avez-vous l’impression que la majeure partie de vos dépenses enrichi les entrepreneurs chinois? Détrompez-vous: même si on tenait pour acquis que les produits made in China y sont fabriqués et assemblés au complet, ils ne représenteraient même pas  3 % de vos achats, soutiennent deux économistes de la Réserve fédérale américaine dans une étude publiée en août 2011.

Principale raison: environ les deux tiers de vos achats sont des services, et non des produits. Or, le restaurant, le médecin, le plombier, la massothérapeute, la garderie, tout cela est made in Canada.

Mieux encore, plus de la moitié du coût d’un produit fabriqué en Chine demeure au pays. La création du produit, la publicité, la distribution sont des dépenses faites au pays et incluses dans le prix que vous payez.

Bref, si les étiquettes made in China semblent omniprésentes, dans l’ensemble de vos achat la Chine demeure un petit client. Toutes choses étant relatives!

Le marché Qingping, dans le vieux Guangzhou, où on trouve à peu près tout ce qui peut se sécher. - Le marché Qingping, dans le vieux Guangzhou, où on trouve à peu près tout ce qui peut se sécher.

On trouve de tout en Chine, même un ami

Si vous êtes entré dans une pharmacie Jean Coutu récemment, vous avez peut-être remarqué les traditionnels vêtements d’Halloween. C’est à la Foire de Canton que le directeur principal de l’entreprise, Éric Guilbert, les a dénichés l’an dernier. Il a acheté un plein conteneur de 15 000 costumes.
 
Encore cette année, Éric Guilbert sera là pendant les 15 jours que dure la Foire. Il a accepté que Protégez-Vous l’accompagne pendant une journée. Quatre autres personnes étaient de l’expédition: des employés d’une entreprise chinoise engagée pour s’assurer de la qualité des produits.

Que cherchait Éric Guilbert aujourd’hui? «Par exemple des fers plats, des humidificateurs, des lumières de Noël et des gants en latex, mais je me laisse de la place pour les coups de cœur.»
 
Voici, en photos, les quatre heures de magasinage de Jean Coutu. [NDLR: les photos ne sont plus disponibles]

Dès les premiers kiosques, l’œil d’Éric Guilbert est attiré par ces lampes de nuit animées. John et Wendy, de l’entreprise d’assurance-qualité, s’approchent, le premier pour inspecter l’aspect général de la marchandise, la seconde pour vérifier si les bonnes normes électriques sont respectées.

L’offre préliminaire du fabricant: 65 ¢ la veilleuse, sans compter la livraison, dont le coût n’est jamais inclus. «Je pourrais les vendre 3 $», estime Éric Guilbert avant de se raviser. Peut-être émettent-elles trop de lumière pour une chambre d’enfant. Il ne prend pas le risque. «Dans ce genre de Foire, où tu vois des dizaines de milliers de produits, il faut très bien connaître ton magasin parce que tu n’as que quelques secondes pour prendre une décision.»

Les premières lumières de Noël. Analyse rapide, demande de prix: trop cher. Nous repartons.

Éric Guilbert prévoit déjà l’Halloween de 2012. Ce squelette gonflé l’intéresse. John se joint à lui pour tâter la marchandise. Le moteur permettant de garder le squelette gonflé semble de bonne qualité. On vérifiera tout ça à l’usine. Et le produit est également certifié par la norme de sécurité obligatoire ULC (Underwriters Laboratories Canada). Encore là, on ne prend pas ça pour parole d’Évangile. L’usine demande 10,25 $ par squelette. «Faudrait que je le vende 30 $. C’est beaucoup trop cher.» Et nous repartons.

Nous nous dirigeons vers un autre kiosque de lumières de Noël. Éric Guilbert apprécie particulièrement que le culot de l’ampoule à diodes électroluminescentes (DEL) soit similaire à celui des ampoules à incandescence. Ça évite de devoir remplacer le fil pour profiter des avantages des DEL (durée de vie 25 fois supérieure à celles des incandescentes). Encore le même problème: le prix de vente, de 50 ¢ l’ampoule. Qui a dit que la Chine vendait toujours bon marché? Jean Coutu vient ici pour économiser, sinon l’entreprise achèterait au Canada pour améliorer son image. «Dommage, c’est un beau concept», dit Éric Guilbert.

Des lumières de Noël pas très originales. Pourtant, Éric Guilbert écarquille tout de suite les yeux. Les boîtes sont en français et en anglais, et affichent le sceau ULC. Même le prix de détail y est. «Ce sont des ampoules qui ont été fabriquées pour Walmart», assure-t-il.

Les employés en assurance-qualité engagés par Jean Coutu mitraillent de questions un représentant de l’usine pendant 20 minutes. Cela ne semble pas l’importuner le moins du monde, car il comprend qu’il a affaire à des clients sérieux. Il propose de vendre ses lumières de Noël à Jean Coutu pour 2,80 $ la boîte. «Walmart doit les avoir pour environ 2,40 $. D’après moi, je pourrais les offrir en magasin à 8 $ si Walmart ne casse pas trop les prix». Ce qui est loin d’être une certitude. «Quand on achète, on ne sait jamais si ça va nous permettre d’augmenter nos profits, de diminuer les prix pour nos clients ou un peu des deux. C’est plus tard, sur le terrain québécois, que cette partie se joue.» Une seule quasi-certitude: Éric Guilbert va acheter ces lumières, une fois les vérifications d’usage faites. Combien? Au moins 100 000 unités, pour 280 000 $. «Juste l’économie générée en achetant moi-même ces lumières au lieu de passer par un distributeur, ça paie tout mon voyage.»

Petite pause au rayon des ventilateurs de poche. Éric Guilbert en profite pour apprendre le mot «gogosse» à son accompagnatrice chinoise Shirley!

Un article pratique et qui se vend très bien: les gants tout usage. Le directeur principal de Jean Coutu s’intéresse surtout aux modèles jetables. Le représentant les lui propose à 2 $ la boîte de 100. «Dans ce marché, nous ne sommes pas compétitifs. Le distributeur se prend un trop gros profit», explique Éric Guilbert.

Éric Guilbert est très content de sa journée, qui se termine dans un chic restaurant, dans la tradition chinoise des affaires.

Visite usine

Visite d'usine

Les 1 300 employés de Guangzhou Hongcheng Shoes, produisent des chaussures pour enfants. Beaucoup de chaussures. Plus de deux millions de paires en 2010.

Lorsque son propriétaire, Zhang Mingcai, a accepté de nous recevoir, je ne m’attendais pas à y trouver d’employés épuisés par des semaines de 75 heures, ni de jeunes enfants. Mais je ne me doutais pas qu’on me ferait visiter une usine vide, à l’heure du lunch! Il ne restait qu’une employée, peut-être plantée là pour se faire prendre en photo.

Zhang Mingcai assure qu’il traite bien ses employés. Il les paie 2 000 yuans (330 $) par mois pour des semaines de 55 heures, ce qui inclut des heures supplémentaires très populaires parmi le personnel, parce que payées à temps et demi. Il faut savoir que le salaire minimum de la région est établi à 1152 yuans (183$).

Comme dans la plupart des usines chinoises, les employés sont nourris et logés gratuitement dans des dortoirs situés à quelques mètres de l’usine. La fin de semaine, quelques-uns font des heures en plus, cette fois-ci à temps double, alors que d’autres retournent dans leurs familles.

Mais certains ne reviennent pas en ville. Des usines, il y en a partout en Chine, et quand une occasion se présente dans leur village natal moins peuplé, les travailleurs choisissent de rester auprès des leurs. C’est pourquoi l’usine du monde fait actuellement face à un exode urbain.

Zhang Mingcai semble inquiet. Il nous montre un schéma sur sa tablette numérique représentant un nouveau complexe en construction. Les immeubles du bas sont les usines, et les deux du haut des dortoirs à 2 000 places. Il faudra donc embaucher 2000 nouveaux employés. Peut-être Zhang Mingcai devra-t-il se résoudre à augmenter leurs salaires pour garder sa main-d’œuvre.

Il y a encore des enfants qui travaillent dans des usines, bien que nous n’en ayons pas vu. La preuve: une usine fabriquant des jouets pour Disney, Mattel et Walmart, dans la ville de Shenzhen, à 150 Km de Guangzhou a été dénoncée en août 2011 par le site européen 20 Minutes Online sous le titre «Flash McQueen malmène les employés chinois».
 
Pour l’instant, les affaires sont bonnes. Zhang Mingcai a payé au moins 12 000 $ pour occuper pendant quatre jours un kiosque à la Foire de Canton. Il ne manquerait cet événement pour rien au monde. La plupart de ses contrats avec des clients russes, américains ou mexicains se signent à ce salon. Mais à ce prix, il faut que l’investissement rapporte!
 
Des conditions qui s’améliorent un peu

Dans la région du sud de la Chine, plusieurs employés d’usine ont obtenu des augmentations de salaire allant jusqu’à 30 % ces six derniers mois, selon le quotidien China Daily.

De manière générale, le prix moyen des produits importés de Chine vers les États-Unis a augmenté de 7 % (en anglais) cette dernière année. Cependant, les prix restent compétitifs et une plus grande partie des revenus de l’usine est redistribuée aux travailleurs. L’avenir du cheap labor passe désormais par le Vietnam, l’Inde et le continent africain.

La Chine foisonne de ces minuscules centres commerciaux, le plus souvent composés de deux étages et de commerces jamais plus grands que 10 m2. - La Chine foisonne de ces minuscules centres commerciaux, le plus souvent composés de deux étages et de commerces jamais plus grands que 10 m2.

1001 façons de se faire avoir

Quand Éric Guilbert, le directeur principal de Jean Coutu, a commandé à une usine chinoise les 15 000 costumes d’Halloween que vous trouvez actuellement en magasin, il n’a pas lésiné sur les vérifications. «On s’est assuré qu’ils étaient sécuritaires et de qualité.» En plus des contrôles habituels, il a fait faire plusieurs tests d’inflammabilité et a vérifié que les costumes ne contenaient pas de plomb.
 
En effet, si l’importateur ne prend pas ses précautions, ce n’est pas l’usine chinoise qui le fera. Au fil de leurs visites en Chine, les importateurs ont rapporté divers problèmes. Par exemple: des tasses de café qui auraient dû peser 100 g selon l’accord signé à la Foire de Canton, mais qui ne pesaient que 70 g à la sortie de l’usine; des fils électriques de luminaires qui ne contiennent pas suffisamment de brins pour être sécuritaires.

«Les Chinois ne font pas toujours cela pour mal faire. Le plus souvent, ils le font pour économiser», dit l’ingénieur en génie industriel Maxime Bérubé, président québécois de Komaspec, installé à Guangzhou depuis sept ans. Reste qu’une fois que la marchandise est payée, le détaillant aura beaucoup de difficulté à se faire rembourser. En règle générale, les fabricants chinois sont plus portés à accorder un rabais sur la prochaine commande.
 
«Les gens pensent souvent qu’on voit un truc, qu’on l’achète et qu’on se le fait livrer. Mais chaque achat de produit est une aventure. Avant de passer ma commande finale, je reçois bien souvent autour de 200 courriels d’Atico [ndlr. l’entreprise chinoise que Jean Coutu a engagé pour s’occuper de l’assurance-qualité]», dit Éric Guilbert.

«Selon l’opinion qu’on a de la Chine, on peut toujours trouver des exemples pour affirmer que la qualité s’améliore ou qu’elle diminue, dit Ari Van Assche, spécialiste des questions économiques chinoises et professeur à HEC Montréal (École des hautes études commerciales). Les ordinateurs Lenovo sont fabriqués en Chine et sont de très bonne qualité et les panneaux solaires fabriqués aux États-Unis sont reconnus comme étant moins bons et plus chers que ceux produits en Chine.»

L'expérience Rona

Chez Rona, on a choisi son camp. La Chine leur fabrique des produits parmi les meilleurs en vente dans leurs magasins. Nous avons rencontré à la Foire de Canton Manon Bouchard dirigeante de l’antenne chinoise de Rona, qui dirige une équipe de 20 employés à Shanghai. Une habituée des visites d’usine: «Bien entendu, la visite n’est qu’une photo d’un jour. Cela dit, nous nous rendons à l’usine plusieurs fois. On visite même les dortoirs pour s’assurer que les employés dorment dans de bonnes conditions».

Luc Nantel, vice-président commercialisation chez Rona, est venu de Montréal pour visiter la Foire de Canton. «Nous avons cinq modèles chinois de toilettes certifiées WaterSense [ndlr. qui consomment 20 % moins d’eau que la moyenne]. Tous les robinets de notre marque maison Uberhaus sont sans plomb et fabriqués en Chine.»

Pour y arriver, il faut suivre les usines à la trace. En s’établissant en Chine, Rona cherche ainsi à mieux contrôler son approvisionnement. «Cela dit, on préfèrerait acheter au Canada, assure-t-il. Mais parfois c’est impossible. Plus personne ne fabrique de lumières de Noël au pays. Mais la plupart de nos barbecues sont canadiens. Ils sont plus chers, mais ils sont aussi de meilleure qualité.»

De temps à autre, on remarque une famille perdue ou un groupe de jeunes amusés par l’étrangeté de la chose. - De temps à autre, on remarque une famille perdue ou un groupe de jeunes amusés par l’étrangeté de la chose.

Méga-centre commercial de Dongguan

Plus la Chine s’enrichit, plus elle consomme. Les Chinois ont plus d’argent dans leurs poches – toutes choses étant relatives –, et ils font comme tout le monde: ils achètent.

Prenez les centres commerciaux. Avant 2005, rien en Chine ne ressemblait aux grands centres commerciaux du monde occidental. Aujourd’hui, ce pays en compte six parmi les 30 plus imposants de la planète.

Le New South China Mall, plus gros centre commercial du monde selon ses promoteurs, se situe à Dongguan, dans le sud de la Chine. Construit en 2006, il n’est plus vraiment nouveau, mais il est toujours aussi gigantesque. Le lieu fait penser à un croisement conceptuel entre Disneyland et le centre commercial Place Versailles, à Montréal.

À l’extérieur se trouve un parc d’amusement avec des sections thématiques, comme Venise, Paris et l’Amérique du Sud. À l’intérieur, il y a de l’espace pour accueillir près de 3 500 boutiques. En superficie, c’est huit fois Laurier Québec (anciennement Place Laurier à Québec).
Des commerces comme ceux-là, on en voit sur des kilomètres au New South China Mall.

Centre commercial fantôme

L’endroit est monstrueux et démesuré, oui, mais surtout sinistre. Le New South China Mall est également le plus gros flop de l’histoire des centres commerciaux. En 2010, moins de 50 des 3 350 boutiques à louer étaient occupées. Si l’on se fie aux façades lugubres, témoins de la courte présence de certains commerces, il doit en rester encore moins en 2011.
 
Les mêmes devantures se succèdent sur des kilomètres, avec pour seuls équipements deux portes vitrées et un système de ventilation pendouillant. Si les odeurs pouvaient se rendre jusqu’à vous, il serait plus facile de prendre la mesure du désastre. L’humidité y est élevée et les quelques touristes qui s’aventurent dans le centre commercial y laissent leurs restes de repas, puis vont se soulager dans des toilettes qui ne fonctionnent plus. Aujourd’hui, c’est la vermine qui fait le ménage du New South China Mall.nt

Jusqu’à 2010, soit quatre ans après l'ouverture du New South China Mall, les balayeurs faisaient leur travail comme dans n’importe quel centre commercial. Business as usual. «Patience, ça va débloquer», disaient les dirigeants. Aujourd’hui, on ne se donne plus cette peine.
 
Pourquoi les affaires ne débloquent-elles pas? Le déni des propriétaires, qui refusent d’admettre leur erreur, y est peut-être pour quelque chose, car en Chine, perdre la face est une des pires choses qui puissent arriver à quelqu’un.

L’absence d’un aéroport et d’un réseau routier suffisant aurait eu raison du projet. Mais comme le gouvernement chinois et le petit roi de l'immobilier de Dongguan sont impliqués dans l’aventure, ils cherchent une sortie honorable. De toute évidence, elle n’a pas encore été trouvée.

Pour en savoir plus: un excellent documentaire de 13 minutes (en anglais) relate cette triste histoire.

On s’attendrait à davantage d’affluence dans l’allée d’un centre commercial un dimanche midi. - On s’attendrait à davantage d’affluence dans l’allée d’un centre commercial un dimanche midi.
Il est assez rare de se sentir seul dans un centre commercial, puisque c'est généralement très animés. Pas ici! - Il est assez rare de se sentir seul dans un centre commercial, puisque c'est généralement très animés. Pas ici!
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  • Par Bruce Yan Lemieux
    31 août 2013

    Effectivement, le monde chiale toujours sur les chinois qu'ils volent des jobs, que le stock est de mauvaise qualités. Mais c'est les même qui font la queue chez dollorama et wall-mart. Les gens n'aime pas les produit "Made in China", mais les gens détestent encore plus dépenser quelques dollars de plus pour un produit Canadien.

     14
    Par Denis Duchesne
    05 janvier 2012

    Entièrement d'accord!

    Malheureusement, je suis persuadé qu'il commence à être trop tard pour inverser la vapeur. Les gens sont prêts à faire perdre l'emploi de leur voisin pour économiser 2 dollars!

     6
  • Par Jean Rouleau
    04 septembre 2013

    Je ne suis pas heureux comme consommateur, et travailleur, d'acheter des produits faits en Chine, je fais mon possible d'acheter du Québec et du Canada, mais maintenant c'est impossible d'acheter un produit fait maintenant au Canada. Je ne sais pas si vraiment ont fait vraiment des économies comment peut t'on faire un libre échange équitable avec des pays ou le salaire d'un travailleur de l'Asie ne correspond pas aux salaire nord américain ou de ceux de l'Europe?
    à qui cela profite, je ne pense pas que cela profite aux Canadiens et Canadienne.
    Mais plutôt aux multinationale qui eux font des profits énormes aux détriments des travailleurs qui ont donné leur force et connaissance à leur richesse et qui sont remercié de leur service par des mises à pieds massive et de plus reçue de généreuse subvention des deux paliers gouvernementaux. Quand je regarde ma facture d'achats semaine après semaine, je trouves pas de grande économies. Personnellement je ne comprends pas pourquoi on enrichie un pays comme la Chine
    Qui sont d’un régime communiste totalitaire et qui ne respecte pas les droits de l’homme et qui ne dit pas un jour que la Chine grâce aux technologies apprise ne mettra pas un jours ces compagnies à la porte après avoirs appris leur savoirs.
    Ironiquement grâce à l’argent des biens qui sont manufacturé sont doté d’une armé et d’un marine qui de mois en mois va devenir extrement puissante et qui un jour peut être va prendre de l’expansion et dominé et mettre en péril le fragile équilibre des pays en Asie.

     6
  • Par GERARD LESSARD
    29 août 2013

    Comme beaucoup de gens, je déteste la piètre qualité du ''Made in china ''
    Que ce soit pour la nourriture qu'il faudrait faire analyser par un biochimiste pour être certains qu'on mange bien du poulet en boite et non du poulet avec....rat/chat/chien/insectes/reptiles /poils/mélamine/plomb/arsenic/vers ou verre etc....!!!
    On sait aussi que les chinois sont loin d'être des exemples en hygiène !!!
    Que ce soit pour les produits électronique dont on ne sait combien de temps ils vont fonctionner.
    Que ce soit pour les vêtement qui ne durent qu'une saison ou parfois moins !
    Que ce soit pour les appareils ménager qui tombent en panne à la première occasion
    Que ce soit pour quoi que ce soit, rares sont les produits chinois de qualité.
    Même des compagnies réputées, se sont fait passer des produits médiocre ou défectueux car faits en Chine .

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  • Par JACQUES-DENIS MORIN
    10 août 2012
    Je ne suis pas un économiste mais je me dois d'observer objectivement le transfert graduel du commerce vers la Chine et autres pays émergeants comme un phénomène économique naturel. Ce phénomène est commun dans les grands cycles de développement de l'humanité. Pour les plus vieux d'entre nous, on [...]

    Cette situation engendre la SURCONSOMMATION, je crois qu'il faut respecter l'environnement et ACHETER des biens qui sont OBLIGATOIRES et acheter USAGÉ si possible. recycler, réutiliser, réinventer, repenser, réagir ET vivre la SIMPLICITÉ VOLONTAIRE nous n'en serons que plus heureux ET PARTAGER avec les démunis. (Au Québec 85 millions de dollars sont dépensés pour l'Halowein) si nous donnions cet argent aux enfants qui manquent de PAIN, D'EAU ET DE MÉDICAMENTS nous n'en serions que plus heureux, je crois...

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  • Par stephane beatty
    28 juin 2012

    Quand j'étais plus jeune j'entendais à outrance dire les plus vieux et les journalistes dire que l'A.L.E.N.A. allait nous détruire, nous mettre en faillite etc etc...mais ce qui est arrivé comme partout dans le monde c'est que les Mexicains ont commencé à gouter aux luxes et aux profits et ont augmenter leur prix (pour avoir plus d'argent dans leur poche) ce qui à normalement fait dérivé le travail railleur. Donc les Chinois sont comme tous les êtres humains. Dès que tu commences à faire du profit, tu en veux toujours plus. Donc les produits vont aller se faire faire ailleurs dans quelques années quand les couts de production auront augmenté. Il reste encore des pays plus pauvres qui seront la nouvelle chine de demain ou les couts de main-d'œuvre seront moins chers. On ne fait que déplacer le "cheap labor" ailleurs.

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