Fourrières privées: le Québec, arriéré
Par Lise Bergeron Mise en ligne : 12 mai 2011

Plusieurs observateurs estiment que le Québec est arriéré en matière de protection des animaux. La province ferait figure de parent pauvre non seulement par rapport au Canada, mais aussi de l’Amérique du Nord.
«Le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord à faire affaire avec des fourrières à but lucratif. Or, leur intérêt est d'éliminer un maximum d'animaux le plus rapidement possible. Ça leur coûte moins cher que de s'en occuper», explique Gabriel Villeneuve, directeur de campagnes de la SPA Canada. Laissées à elles-mêmes, ces fourrières rognent sur les soins vétérinaires comme les sédatifs avant l’euthanasie, bref, elles coupent sur les soins et les services de base et enchainent les injections létales les unes après les autres.
La SPCA de Montréal va dans le même sens: «Il est possible de faire beaucoup plus au Québec. Tout d’abord, améliorer la loi québécoise pour que les fourrières ne profitent plus des trous qui s’y trouvent. Prenez l'exemple du Delaware et du Rhodes Island aux États-Unis. Ils encadrent les fourrières à l'échelle nationale», observe Alanna Devine, directrice de la défense des animaux à la SPCA de Montréal.
La Dr Caroline De Jaham, présidente d’Anima Québec, ne croit pas que les fourrières à but lucratif sont au cœur du problème et estime que la question animale fait son chemin au Québec: «Preuve que les élus écoutent de plus en plus, Anima Québec est passé de 3 à 40 inspecteurs depuis l’année dernière. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) a aussi signé des ententes avec 13 refuges pour effectuer des stérilisations à moindre coût. Le ministère dévoilera d’ailleurs sa Stratégie sur le bien-être animal le 1er juin prochain», dit-elle. Mais comment se fait-il que l’organisme n’ait pas découvert avant les actes de cruauté qui sont reprochés au Berger Blanc? «Nous travaillons dans l’ombre, c’est vrai. Nous montons des dossiers au pénal et nous sommes tenus à la confidentialité», note la Dr De Jaham.
Refaire nos devoirs
Alanna Devine va plus loin: «Le modèle actuel est à repenser
complètement. L'idée même de fourrières à but lucratif n'a aucun sens.
Ces entreprises profitent de la surpopulation animale. L’argent qu’on
leur donne doit servir à éduquer et sensibiliser la population, à
stériliser les animaux errants, à mettre sur pied des refuges bien
encadrés. Pas à subventionner de l'euthanasie de masse!», dit-elle.
Car plus il y de chiens et de chats à «contrôler», plus c'est
payant pour les fourrières, puisque les contrats sont basés sur le
nombre d'animaux à «traiter». C’est ainsi que, de fois en fois, le
montant des contrats augmente notablement: «Dans Hochelaga-Maisonneuve,
qui se classe au premier rang des abandons d’animaux, le plus récent
contrat donné au Berger Blanc a augmenté de 69 % par rapport au
précédent. Le nombre d’animaux abandonnés est en progression constante,
et comme le Berger Blanc est seul dans la course, il a beau jeu
d’augmenter ses prix», dit Isabelle Poitras, la citoyenne à l’origine du
reportage d’Enquête.
S'inspirer de Calgary... et de Verdun!
La ville de Calgary, en Alberta, a réussi à réduire considérablement les
euthanasies sur son territoire. La ville est passée de milliers
d’animaux tués par année à… 200. Une véritable réussite, comme à Toronto
et à Vancouver d’ailleurs. Comment y est-elle arrivée? En faisant du
contrôle animal un service public, comme le sont les bibliothèques ou
les piscines. Même système à Toronto, où le prix des médailles varie
selon que l’animal est stérilisé ou non et où quatre centres animaliers
gérés par la Ville s’occupent des animaux perdus et abandonnés.
À Montréal, la situation semble évoluer lentement. La SPCA de
Montréal vient tout juste de conclure une entente de partenariat avec
l'arrondissement de Verdun, qui s'engage dans une gestion plus humaine
des animaux. Il y a deux ans, Verdun octroyait encore des contrats à des
fourrières qui vendent des animaux non stérilisés et utilisent la
chambre à gaz pour les euthanasies.
De concert avec la SPCA, l'arrondissement entend
responsabiliser et éduquer les citoyens. Parmi les mesures adoptées, on
compte: la stérilisation des animaux errants, l'interdiction de vendre,
d'annoncer ou de donner des animaux non stérilisés, l'imposition d'une
llimite du nombre d'animaux non stérilisés qu'une personne peut avoir.
SPCA vs Berger Blanc: les différences
Les refuges et fourrières pour animaux diffèrent selon qu’ils sont à but
lucratif ou non. Comment se distinguent les deux services? D’abord,
dans leur mission: la SPCA et ses bénévoles ont pour but premier de
venir en aide aux animaux, d’en réduire la surpopulation, de
sensibiliser le public et les gouvernements à la question, de recueillir
et de faire adopter les animaux abandonnés. Les animaux qui y sont
adoptés sont stérilisés et munis d’une micropuce afin de retracer leur
maître en cas de perte. Ainsi, tout animal errant qui arrive à la SPCA
de Montréal est «scanné» avant d’être pris en charge par le refuge; des
bénévoles travaillent aussi à retrouver les propriétaires du chien ou du
chat perdu. L’animal est ensuite évalué et mis en adoption si personne
ne le réclame. Une seconde équipe de bénévoles s’occupent quant à elle
de prendre les animaux en photo et de publier leur fiche d’identité sur
le site Petfinder pour qu’ils soient adoptés.
Le Berger Blanc, quant à lui, ne dispose d’aucun lecteur à
infrarouge pour identifier les animaux, n’offre pas de service de
stérilisation ni de recherche des propriétaires d’animaux; il n’a pas de
programme d’éducation ni de sensibilisation et ne participe pas au
renforcement des lois et règlements entourant le bien-être animal. Il
n’est pas possible non plus de consulter sur son site un répertoire
électronique d’animaux à adopter. Pour en savoir plus, consultez la section «FAQ» de la SPCA de Montréal ainsi que la section «Nouvelles» de la SPA de Québec.
Plus de 100 000 animaux abandonnés chaque année
«Le cas du Berger Blanc est emblématique du rapport tordu que le Québec
entretient avec les animaux.», Pr Carl Saucier-Bouffard, professeur
d’éthique animale au collège Dawson, à Montréal,et chercheur associé à
l’Université d’Oxford en Angleterre. La surpopulation animale n’est pas nouvelle, mais la situation
empire d’année en année. Les refuges pour chiens et chats – soutenus à
bout de bras par d’héroïques citoyens – débordent d’animaux jeunes et en
pleine santé en attente d’un nouveau foyer. «Nous sommes au cœur d’un
véritable cercle vicieux: on craque pour un chiot à l’animalerie – qui
provient souvent d’une usine à chiots – en sous-estimant le temps,
l’argent et l’engagement que ça implique», dit le Pr Carl
Saucier-Bouffard.
Résultat: derrière les portes closes des fourrières de la
région métropolitaine, pas moins de 50 000 chats et chiens sont
abandonnés chaque année, et le total grimpe à 100 000 sur le territoire
du Québec. Maîtres irresponsables, accès facile aux animaux et laxisme
des pouvoirs publics sont pointés du doigt. «Le Québec remporte la palme
des usines à chiots en Amérique du Nord. Non seulement de ça, mais de
l’exploitation commerciale des animaux pour la fourrure et la
vivisection notamment», dit Gabriel Villeneuve, de la SPA Canada.
Pour endiguer le problème, plusieurs observateurs estiment
qu’il faut encadrer plus sévèrement la vente d’animaux de compagnie. «On
considère les animaux comme des objets de consommation jetables après
usage. Or, ce sont des êtres vivants qui ont des besoins fondamentaux,
qui éprouvent la faim, la peur ou la douleur. Quand on les observe,
qu’on apprend à les connaitre et qu’on réalise qu’ils nous surpassent à
plusieurs égards, on ne peut que les trouver magnifiques. Nous leur
devons le plus grand respect», conclut le Pr Carl Saucier-Bouffard.

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