Votre jeu vidéo préféré pourrait-il disparaître du jour au lendemain ?
Lorsque vous achetez un jeu vidéo, vous n’obtenez qu’une licence d’utilisation révocable à tout moment par l’éditeur. « Stop Killing Games », une initiative citoyenne européenne, veut inciter l’Union européenne (UE) à clarifier les droits des consommateurs. Les mêmes enjeux touchent les gamers du Québec.
Aujourd’hui, que vous achetiez un jeu vidéo en ligne sur l’App Store, Google Play Store ou PlayStation Store, ou que vous l’achetiez sous forme physique, vous obtenez ce qu’on appelle une licence d’utilisation. Une licence, en droit, est une autorisation accordée par l’éditeur pour utiliser son jeu. Cela ne signifie pas que vous possédez l’œuvre en soi, car le jeu demeure protégé par la Loi sur le droit d’auteur du Canada (LDA). Vous obtenez seulement une clé d’accès au jeu, et comme tout contrat, cette clé est soumise à certaines conditions. Celles-ci peuvent permettre aux éditeurs de révoquer votre accès, voire exiger la destruction de votre exemplaire.
The Crew, de Ubisoft : un cas qui soulève des inquiétudes
Quel est le problème ? Certains jeux vidéo exigent une connexion permanente à Internet et aux serveurs de l’éditeur, même pour des jeux majoritairement joués seuls. Donc, si l’éditeur décide de fermer ses serveurs, il devient impossible pour les joueurs de continuer d’accéder au jeu acheté.
En 2024, Ubisoft a fermé les serveurs de son jeu de course The Crew, sorti en 2014, révoquant ainsi les licences des joueurs. Cette décision a empêché les joueurs d’accéder au jeu et à toute leur progression. Bien qu’Ubisoft ait averti ceux-ci de la fermeture des serveurs et offert des remboursements aux récents acheteurs, la communauté des joueurs a exprimé son mécontentement, jugeant cette pratique abusive et préoccupante. Les éditeurs, quant à eux, estiment que maintenir l’accès indéfiniment viendrait leur imposer des obligations qui leur seraient coûteuses et qui pourraient porter atteinte à leurs droits d’auteurs.
Les joueurs se mobilisent sur plusieurs continents
En réaction à ces fermetures de serveurs, une initiative citoyenne européenne nommée « Stop Killing Games » a rassemblé à ce jour environ 1,4 million de signatures, ce qui remplit potentiellement les critères nécessaires pour forcer l’Union européenne à se pencher sur le sujet. Cette initiative veut obliger les éditeurs à faciliter l’accès continu aux jeux après l’arrêt des serveurs, sans nécessiter leur participation active. Par exemple, les joueurs pourraient créer leurs propres serveurs, ou l’UE pourrait interdire la nécessité d’une connexion continue pour pouvoir accéder au jeu.
En Californie, une action collective contre Ubisoft pour l’arrêt du jeu The Crew a attiré l’attention des médias et soutenu le mouvement « Stop Killing Games ». Cependant, cette action a été abandonnée le 13 juin 2025, sans autre initiative citoyenne notable aux États-Unis.
Au Canada, une pétition semblable à celle présentée en Europe a été déposée en 2024 auprès du Parlement canadien, avec 8816 signatures. Cette pétition visait à imposer aux éditeurs l’obligation de garder leurs jeux accessibles, même sans connexion à leurs serveurs. François-Philippe Champagne, ancien ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, a reconnu le bien-fondé des préoccupations, mais a précisé que les provinces seraient mieux placées pour légiférer concernant la protection du consommateur, notamment sur la vente de biens et les contrats en lien avec ce type de commerce.
Peu de changements en vue au Canada
La principale difficulté provient de la LDA qui protège fortement les droits des auteurs en leur permettant de contrôler l’octroi de licences. À cela s’ajoute le partage complexe des compétences entre le fédéral et les provinces, ce qui rend toute intervention législative plus ardue. Bien que le Code civil du Québec et la Loi sur la protection du consommateur (LPC) offrent certaines protections contre les publicités trompeuses ou les clauses abusives, l’application concrète de ces dispositions dans le contexte des licences de jeux vidéo reste incertaine. Ainsi, sans action législative ou réinterprétation majeure de la jurisprudence, les joueurs canadiens ne doivent pas s’attendre à un changement concret à court terme.
Un débat à venir ?
L’initiative européenne « Stop Killing Games », si elle aboutit, pourrait enclencher un débat similaire au Canada en attirant l’attention sur la pratique de plus en plus courante d’octroyer des licences révocables pour les produits numériques. Cette prise de conscience collective inciterait la réflexion de l’équilibre entre la protection des droits d’auteur et l’intérêt des consommateurs à posséder réellement les exemplaires des jeux pour lesquels ils paient.
Dans un contexte numérique où la notion même de propriété évolue rapidement, cette réflexion pourrait devenir essentielle, puisqu’après tout, si vous avez payé 80 $ pour utiliser un jeu vidéo, devrait-il vraiment pouvoir disparaître ainsi du jour au lendemain ?
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