Faut-il dire adieu aux cuisinières au gaz ?
Une cuisinière au gaz produit des émissions polluantes dans une maison, ce qui augmente les risques pour les enfants qui y habitent de souffrir d’asthme. Si vous possédez un tel appareil, auriez-vous avantage à vous en débarrasser ?
Aux États-Unis, le débat sur les cuisinières au gaz s’est enflammé quand le commissaire de la Consumer Product Safety Commission (CPSC), Richard Trumka Jr., a indiqué dans une entrevue à Bloomberg que les cuisinières au gaz représentaient « un danger caché ». « Tous les produits qui ne peuvent pas être fabriqués de façon sécuritaire devraient être bannis », a-t-il déclaré. Des élus du Congrès ont réagi fortement à ces propos et se sont portés à la défense des cuisinières au gaz, accusant du même coup l’administration de Joe Biden de vouloir s’emparer de leur appareil de cuisson.
Le commissaire réagissait en fait à la publication d’une étude, dont les résultats ont été publiés à la mi-décembre dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health. Des chercheurs américains et australiens concluaient que les cuisinières au gaz, qui émettent du dioxyde d’azote pendant la cuisson, représentaient un facteur de risque pour 12,7 % des cas d’asthme infantile. Les auteurs soulignaient toutefois que d’autres facteurs pouvaient entrer en ligne de compte, comme l’exposition à la fumée du tabac.
Le débat a cheminé jusqu’au Québec. Des organismes environnementaux, par exemple l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, Greenpeace Canada, la Fondation David Suzuki et Vivre en ville, réclament à Québec l’interdiction d’installer de nouvelles cuisinières au gaz. Ils souhaitent également qu’une commission parlementaire fasse le point sur les impacts de ces appareils avec les distributeurs de gaz naturel, Énergir et Gazifère. Pour le moment, leurs demandes sont demeurées sans réponse.
La réflexion progresse dans les municipalités
Si le gouvernement du Québec n’est pas intervenu, des municipalités s’activent. La Ville de Montréal souhaite que les bâtiments construits sur son territoire deviennent carboneutres : les nouveaux dès 2025 et l’ensemble d’ici 2040. À la suite d’une consultation publique tenue à l’automne 2022, la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs a recommandé d’interdire « dans les plus brefs délais » l’installation de nouvelles cuisinières à gaz. Elle suggère aussi de prévoir celles qui sont déjà en place par « des appareils zéro émission à haute performance énergétique ». Il reste à voir comment l’administration de Valérie Plante répondra à ces propositions.
La Ville de Québec indique n’avoir pas pris position sur cet enjeu, tout comme la Ville de Longueuil, qui affirme toutefois suivre le débat public. La Ville de Laval se penchera pour sa part sur le cas des cuisinières au gaz cette année à l’occasion de la mise à jour de son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Après le retrait des systèmes au mazout sur le territoire, la réduction de l’usage du gaz naturel constitue le prochain volet sur lequel la Ville souhaite agir », mentionne-t-elle dans un échange de courriels.
Au mois de décembre, cinq municipalités – Mont-Saint-Hilaire, Otterburn Park, Prévost, Petit Saguenay et Saint-Cuthbert – ont demandé au gouvernement du Québec « de réglementer la sortie du gaz naturel des bâtiments ». « Pour atteindre nos objectifs climatiques, il faut abandonner rapidement les énergies fossiles dans le cadre bâti québécois », plaidaient-elles dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir.
D’autres études concluantes
L’étude parue tout juste avant Noël n’était pas la première à conclure que les cuisinières au gaz peuvent entraîner des effets nocifs sur la santé humaine. Une méta-analyse, publiée en 2013 dans l’International Journal of Epidemiology, montrait que les enfants qui vivaient dans une maison possédant un tel appareil de cuisson présentaient 42 % plus de risques de souffrir d’asthme, et même 15 % de plus de risque d’en être atteints pendant toute leur vie.
L’automne dernier, l’association américaine Consumer Reports a mesuré les émissions des cuisinières au gaz. Les résultats des tests montrent que les émissions de monoxyde de carbone et de particules fines ne présentaient pas de danger, selon les normes établies par Santé Canada ou l’Organisation mondiale de la Santé (l’autorité américaine, l’Environmental Protection Agency, n’a pas fixé de normes pour les émissions intérieures).
Il en était tout autrement pour les émissions de dioxyde de carbone et de dioxyde d’azote. Même si la maisonnée est exposée pendant de courtes périodes à ces gaz, ceux-ci sont « susceptibles de causer des problèmes de santé », mentionne Consumer Reports.
Mais il y a plus. Même quand elles ne fonctionnent pas, les cuisinières au gaz émettent du méthane, a révélé une étude de l’Université de Stanford, publiée dans la revue Environmental Science & Technology en janvier 2022. « Plus des trois quarts des émissions de méthane que nous avons mesurées ont pour origine la période d’arrêt », rapportent les auteurs de cette étude. Ceux-ci avancent que, sur une période de 20 ans, les émissions annuelles de méthane des cuisinières américaines sont comparables aux émissions de dioxyde de carbone produites par 500 000 voitures.
Santé Canada se montre rassurant
Malgré tout, Santé Canada demeure confiant que la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation protège adéquatement les consommateurs qui achètent des cuisinières au gaz.
« Les fabricants ont la responsabilité de s’assurer que leurs produits sont sécuritaires et conformes à toutes les exigences obligatoires de la loi », mentionne le ministère fédéral dans un échange de courriels. Celui-ci ajoute qu’il assure une certaine surveillance, notamment en réalisant des enquêtes de conformité et des études sur les produits mis en marché.
L’Association canadienne du gaz a d’ailleurs insisté pour dire que les cuisinières au gaz sont « sans danger. Tous les équipements et appareils de chauffage au gaz, y compris les cuisinières, respectent des règles d’installation strictes et des règlements établis par l’Association canadienne de normalisation », a-t-elle indiqué par communiqué.
Des conseils
Santé Canada note quand même sur son site internet que les cuisinières au gaz produisent du monoxyde de carbone et du dioxyde d’azote. En contact avec celui-ci, des personnes vont tousser ou avoir une respiration sifflante. Les asthmatiques et les aînés qui souffrent d’une maladie pulmonaire obstructive chronique sont plus à risque de ressentir ces complications.
Pour réduire ces désagréments, Santé Canada recommande :
- De faire fonctionner pendant la cuisson une hotte de cuisine qui achemine l’air vers l’extérieur
- D’utiliser les ronds arrière de la cuisinière
- D’ouvrir la fenêtre
- De mettre en marche le système de ventilation de la maison
Alors, devez-vous vous remplacer votre cuisinière au gaz par une électrique ? La décision vous appartient.
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