Agrile du frêne: vos arbres sont-ils infestés?
L’insecte envahissant fait des ravages dans le sud-ouest du Québec, et les autorités surveillent de près les arbres publics. Voici quoi faire avec ceux qui poussent dans votre cour.
MISE À JOUR 08/2015: un règlement relatif à la lutte contre la propagation de l'agrile du frêne est en vigueur depuis le 1er juin 2015 sur le territoire de la Ville de Montréal.
Depuis près de deux ans, plusieurs municipalités québécoises veillent sur leurs frênes, car l’espèce est menacée par un minuscule insecte vert émeraude nommé agrile. Le problème est si alarmant que la Ville de Montréal – qui recense à elle seule plus de 200 000 frênes publics – et ses villes liées ont même tenu un sommet sur la question cette semaine.
L’invasion de ce coléoptère ravageur originaire d’Asie du Sud-Est a débuté en 2008 et s’étend aujourd’hui, outre sur l’Île de Montréal, dans les régions de Gatineau, de Laval, de la Montérégie, de Lanaudière et des Laurentides. Plusieurs centaines de frênes ont dû être abattus dans la province, et plus de 100 millions en Amérique du Nord. Aucun prédateur naturel ne peut freiner la progression de l’insecte.
«L’agrile n’a pas encore atteint l’est du Québec, mais, comme il y a des milliers de frênes dans les forêts feuillues nobles et près des cours d’eau jusqu’à la Baie James, ça pourrait arriver», explique Daniel Kneeshaw, professeur en écologie forestière et membre du Centre d’étude de la forêt de l’UQAM. Seules la Côte-Nord et les forêts boréales ne comptent pas de spécimen de cet arbre à feuilles simples et à l’écorce rugueuse ornée de motifs semblables à des diamants.
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Inspectez vos frênes
Le sort des frênes qui poussent sur les terrains privés n’a pas encore été abordé sur la place publique. Il existe trois façons de détecter la présence de l’agrile chez soi, «mais elles ne sont pas évidentes pour des non-spécialistes», prévient M. Kneeshaw. Voici ses recommandations:
• Observez la cime de l’arbre pour voir s’il y a des branches mortes ou dégarnies. «Quand les branches du haut commencent à dépérir, ça peut être un signe de la présence de l’agrile, explique-t-il. Cela dit, plein d’autres maladies présentent ce même symptôme.»
• Cherchez des trous de sortie en forme de D sur l’écorce. «Ils sont excessivement difficiles à trouver, parce que l’insecte a la grandeur d’un ongle et que l’écorce est déjà pleine de bosses et de trous», dit le spécialiste.
• Élaguez une branche, écorcez-la et vérifiez s’il y a des galeries en forme de S creusées dans le bois, juste sous l’écorce.
• Faites inspecter votre arbre par un spécialiste. Contactez un arboriculteur, ou encore votre municipalité. «Si vous avez des doutes, ça vaut la peine d’appeler votre mairie pour demander qu’elle fasse le dépistage chez vous», suggère le professeur Kneeshaw. À son avis, elle y trouverait aussi son compte, car une détection rapide éviterait la dispersion aux arbres voisins.
Qui paie pour l’abattage?
Quand l'agrile est détecté facilement, il est déjà trop tard pour sauver l’arbre. Celui-ci doit être abattu rapidement pour éviter la propagation des insectes, idéalement entre le 1er octobre et le 15 mars. Cette opération doit être réalisée par un élagueur professionnel (aussi appelé émondeur); le coût varie de 500 $ à 3 000 $, selon la grosseur du frêne et son emplacement.
«Encore une fois, le citoyen devrait téléphoner à sa municipalité pour voir si cette dernière peut prendre l’abattage en charge, fait remarquer Daniel Kneeshaw. C’est dans son intérêt de venir l’abattre avant qu’il infecte les arbres de la rue.» Un contact avec la mairie s’impose de toute façon pour connaître les règles de destruction du bois infesté.
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Le TreeAzin, un «vaccin» naturel
Si plusieurs moyens naturels pour lutter contre l’agrile du frêne sont à l’étude (champignons entomopathogènes, guêpes asiatiques sans dard, etc.), un seul est aujourd’hui accessible au pays: le biopesticide TreeAzin. Cet insecticide naturel agit dans les 48 heures. «Il réduit la fertilité et la fécondité des femelles agriles adultes, elles vont donc pondre moins d’œufs, et ceux qu’elles pondront ne seront pas viables, explique Étienne Papineau, spécialiste technique chez BioForest Technologies, qui commercialise le TreeAzin. L’insecticide contrôle également les larves: quand elles vont muer, elles vont mourir.»
Ce biopesticide doit être injecté tous les deux ans à la base du frêne, entre la mi-juin et la fin d’août. Il peut l’être de manière préventive ou pour combattre les débuts d’une infestation. Le traitement doit obligatoirement être administré par un spécialiste accrédité. Le prix du traitement varie selon le diamètre de l’arbre et les frais de service du professionnel choisi. «Pour un arbre moyen de 30 cm (1 pi)de diamètre, le coût est d’environ 200 $», estime Étienne Papineau, qui encourage à bien magasiner son fournisseur.
«Avec l’agrile, la pire chose, c’est de ne rien faire, conclut-il. Que ça soit un traitement, l’abattage ou la plantation d’arbres de remplacement, on doit agir, au risque de se retrouver avec une facture beaucoup plus salée, parce que l’infestation est toujours pire que ce que l’on pense.»
Attention au bois de chauffage!
L’agrile gagne rapidement du terrain, car sa dispersion est liée au transport de bois de frêne infesté de larves microscopiques. Pour tenter de limiter les dégâts, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) interdit donc «le déplacement de tous les produits du frêne, comme les billes, les branches et les copeaux, ainsi que toutes les essences de bois de chauffage provenant du lieu touché» dans les régions où la présence de l’agrile a été confirmée.
L’ACIA prévoit regrouper tous les secteurs réglementés de l’Ontario et du Québec (de la Montérégie jusqu’à Windsor) en une seule grande zone d’interdiction le 1er avril prochain.
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