Des méduses d’eau douce dans les lacs du Québec
Vous pourriez encore apercevoir dans un lac ou une rivière de votre région de toutes petites méduses d’eau douce. Rassurez-vous : elles n’infligent pas de douloureuses piqûres comme le font leurs congénères marines. Mais elles constituent une espèce exotique envahissante : afin d’éviter de les disséminer à votre insu, il est primordial de bien nettoyer votre embarcation avant et après la mise à l’eau, et de signaler leur présence.
Originaire de la Chine, la méduse d’eau douce (Craspedacusta sowerbyi, de son nom scientifique) n’est ni dangereuse ni urticante pour l’être humain. Elle possède bel et bien des nématocystes, soit des cellules urticantes, dans ses tentacules, mais ces dernières sont bien trop petites pour transpercer la peau humaine. Par conséquent, elle ne peut vous infliger de douloureuse piqûre si vous l’effleurez.
« Depuis le début des efforts de recensement de cette espèce, le MELCCFP estime que la méduse d’eau douce est présente dans au moins 160 plans d’eau québécois, majoritairement des lacs », indique le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec (MELCCFP). C’est en Outaouais et dans les Laurentides, régions où abondent les lacs, qu’ont été recueillies le plus de mentions de l’espèce.
Outre ces deux régions, des méduses d’eau douce — seule espèce de méduse présente au Québec — ont aussi été détectées jusqu’à présent en Estrie, à Montréal, à Laval et dans la Capitale-Nationale.
Une méduse difficile à repérer
Des spécimens pourraient néanmoins se retrouver dans les lacs ou rivières d’autres régions. « Il faut juste que des personnes en aperçoivent », fait remarquer Beatrix Beisner, professeure au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal et codirectrice du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie.
Il n’est toutefois pas si simple de les repérer, car, même à l’état adulte, une méduse d’eau douce est toute petite — son ombrelle, transparente et gélatineuse, mesure de 2 à 2,5 cm de diamètre (la taille d’une pièce de 25 sous environ). La méduse évolue surtout en surface lorsqu’y abondent lumière et nourriture, sinon elle préfère les profondeurs.
Incidence minime sur l’écosystème
À l’instar des jeunes poissons, la méduse d’eau douce se nourrit de zooplancton, crustacés microscopiques à la base de la chaîne alimentaire. Les espèces indigènes concurrencent-elles l’animal de la famille des cnidaires pour s’alimenter ? Beatrix Beisner relativise la situation.
D’abord, la biologiste souligne que les éclosions de méduses — qui, à cet état, ne vivent que « de quelques jours à une semaine », précise-t-elle — ont généralement lieu en août, alors que les plans d’eau se sont réchauffés l’été durant.
« Les méduses apparaissent sous cette forme quand l’eau dépasse les 25 °C, relève la professeure. Ça fait 10, 15 ans qu’on voit les eaux dépasser cette température. Et on voit plus de méduses — quelle surprise ! », dit Mme Beisner avec ironie.
Les poissons, quant à eux, naissent plus tôt dans la saison estivale. « C’est surtout à l’état de nouveau-né que les jeunes poissons mangent le zooplancton, explique-t-elle. Au cours de l’été, ils grandissent et, en août, ils commencent à manger de plus gros organismes, comme de petits insectes. »
La chercheuse constate donc que la période où les jeunes poissons se nourrissent de zooplancton et celle où apparaissent les méduses « se chevauchent très peu ».
Sans compter que le zooplancton se reproduit très vite. « Alors, il peut revenir rapidement après une grosse période de prédation, souligne Beatrix Beisner. Selon moi, les méduses n’ont donc pas un énorme effet sur le zooplancton. »
La biologiste abonde ainsi dans le sens du MELCCFP. « […] comme les éclosions [de méduses] sont éphémères et le stade méduse, de courte durée de vie, il est estimé que les impacts sont minimes », analyse le Ministère.
L’influence des changements climatiques
Actuellement, la chercheuse se questionne à propos des effets qu’auront, au fil des années, les changements climatiques sur les écosystèmes des lacs et des rivières — et donc sur le cycle de vie des méduses et des jeunes poissons. « La question pour le futur est plutôt là : comment vont-ils changer les écosystèmes? », énonce la professeure.
Si les eaux se réchauffaient dès juin ou au début de juillet, Beatrix Beisner évoque « un risque que coïncident éclosions de méduses et de jeunes poissons, qui rivaliseraient alors davantage pour s’alimenter ».
« C’est une question de timing : qui apparaît quand, expose-t-elle. Si les eaux sont plus chaudes plus tôt, est-ce que les poissons vont naître plus tôt, en avril peut-être? Tout est en train de se décaler. On ne sait pas si tout le système va se décaler en même temps ou si certaines espèces se décaleront plus vite que d’autres. »
La méduse d’eau douce n’a en outre pas de prédateur connu au Québec — « c’est typique des méduses ; très peu d’organismes mangent des méduses de mer », fait remarquer la biologiste.
Si les écrevisses peuvent manger des méduses d’eau douce mortes ou mourantes échouées dans le fond des lacs, Beatrix Beisner n’a pas connaissance d’autres organismes qui chasseraient la méduse dans la colonne d’eau, soit l’espace entre la surface et le fond d’un plan d’eau.
Nettoyage des embarcations
Bien que la présence de la méduse d’eau douce dans les lacs et rivières ne s’avère pas des plus préjudiciables, selon l’analyse actuelle du MELCCFP, il importe de restreindre sa propagation.
La méduse se propage généralement d’un plan d’eau à l’autre en se collant aux embarcations et équipements nautiques ; les plaisanciers peuvent ainsi les répandre accidentellement s’ils ne nettoient pas adéquatement leur matériel.
Durant son cycle de vie, la méduse existe aussi sous forme microscopique. À ce stade, elle peut alors coloniser toutes sortes de surfaces solides : roches, végétaux, morceaux de bois, mais également coques des embarcations nautiques, ce qui en facilite la dissémination.
C’est pourquoi les bonnes pratiques en matière de nettoyage demeurent la meilleure façon de contrer leur propagation, selon la conservatrice Catherine Rousseau, de l’Aquarium du Québec, qui fait partie du réseau de la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ).
À l’entrée ou au sortir d’un lac ou d’une rivière, nettoyez à l’aide d’un désinfectant naturel la coque de votre embarcation et tout matériel ayant touché à l’eau, afin de déloger les organismes qui pourraient s’y être accrochés. Rincez aussi le moteur le cas échéant et videz l’eau qui se serait retrouvée dans l’embarcation.
La conservatrice rappelle de ne pas utiliser d’eau de Javel ou autre désinfectant de ce type. Optez plutôt pour un désinfectant naturel et biodégradable. Elle privilégie pour sa part le Thymox, composé d’ingrédients botaniques, dont l’huile de thym. « Il fait un excellent travail : il est virucide, bactéricide et fongicide », énumère Catherine Rousseau.
La spécialiste fait observer que de plus en plus de stations de nettoyage d’embarcations — que finance le MELCCFP depuis 2017 — voient le jour autour des plans d’eau, ce qui aide à prévenir la dissémination d’espèces envahissantes, telles que la méduse d’eau douce et la moule zébrée.
En matière de prévention, « [il] importe aussi de respecter les règlements en lien avec la pêche sportive, notamment l’interdiction d’utilisation des poissons appâts vivants », précise le Ministère.
Que faire si vous apercevez une méduse d’eau douce ?
En fin de compte, puisque les biologistes ne peuvent surveiller l’intégralité des lacs et rivières du Québec, la participation des citoyens est la bienvenue.
Si vous apercevez une méduse d’eau douce, signalez votre observation à un organisme de bassins versants de votre région ou au Ministère, soit par téléphone (1 877 346-6763), par courriel ([email protected]) ou par l’entremise de sa plateforme Sentinelle. « Cela permettra d’avoir un portrait véritable de sa répartition », souligne Catherine Rousseau.
À l’heure actuelle, le MELCCFP collige et répertorie des données provenant d’observations citoyennes et de la littérature scientifique sur la présence de la méduse d’eau douce au Québec, afin d’en évaluer les répercussions écologiques et socioéconomiques.
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