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La fermeture de services et de guichets bancaires pénalise les clientèles vulnérables

Par Emmanuelle Gril
La fermeture de services et de guichets bancaires pénalise les clientèles vulnérables dennizn/Shutterstock.com

Plusieurs institutions financières ferment des centres de services et des guichets automatiques. Cette tendance n’est pas sans conséquence pour plusieurs clientèles plus vulnérables, privées ainsi de services directs et peu habituées aux services en ligne.

À la fin du mois de janvier, le couperet est tombé : Desjardins fermera d’ici décembre 2026 près de 30 % de ses points de services et guichets automatiques. Au total, cela représenterait environ 200 centres de services et 460 guichets.

Un coup dur pour bien des communautés, pour qui la « caisse » demeure un point d’ancrage important.

Il reste que le Mouvement Desjardins n’est pas la seule institution financière à avoir entamé ce processus de rationalisation. Les raisons de ce virage sont simples : les clients se tournent massivement vers les services et transactions électroniques et ils retirent moins d’argent au guichet. Chez Desjardins par exemple, à la fin de 2023, les services au comptoir ne représentaient plus que 1 % du volume des transactions et 3 % pour les guichets.

Des clientèles captives ou vulnérables

Sylvie De Bellefeuille, avocate, conseillère budgétaire et juridique auprès d’Option consommateurs, confirme que, depuis plusieurs années déjà, les institutions financières se désintéressent progressivement de certains marchés ou quartiers.

« On peut comprendre que certaines zones sont moins rentables et qu’il s’agit de décisions d’affaires, mais pour les gens qui vivent en région éloignée par exemple, cela peut devenir un problème s’ils doivent désormais se rendre à plusieurs kilomètres de leur lieu de résidence pour faire des transactions ou retirer de l’argent », explique la spécialiste.

D’autres types de clientèle sont également affectés, celles qui sont moins à l’aise avec les technologies, comme les aînés qui préfèrent en général avoir un contact en personne ou payer avec de l’argent comptant.

L’avocate s’inquiète aussi du fait que, pour effectuer des transactions électroniques, encore faut-il avoir une connexion Internet. Or, celle-ci demeure coûteuse dans plusieurs zones éloignées du Québec et tous les foyers n’en sont pas nécessairement équipés. « Bien sûr, il serait toujours possible de se rendre à la bibliothèque et d’utiliser l’un des ordinateurs mis à la disposition des utilisateurs, mais on sait qu’il n’est pas recommandé de se servir d’un ordinateur public ou d’un réseau Internet public pour effectuer des transactions bancaires », soulève l’avocate.

Outre les aînés, les nouveaux arrivants qui ne sont pas familiers avec nos modes de fonctionnement pourraient également trouver difficile de n’avoir comme seule option que les services bancaires électroniques.

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Vers la disparition de l’argent comptant ?

Par ailleurs, bien des Québécois en situation de faible revenu préfèrent avoir des pièces et des billets dans leur portefeuille plutôt que des cartes de plastique. Et ceci, sans compter toutes les personnes qui ont encore recours au bon vieux système des enveloppes contenant de l’argent comptant, afin de mieux contrôler leur budget.

Serait-on en train d’assister à une disparition progressive de l’argent comptant ? Option consommateurs a produit un rapport sur la question en 2019, dans lequel on mentionnait déjà que l’éliminer exposerait les consommateurs à des risques tant financiers que logistiques, en plus d’enjeux en matière de protection de la vie privée et de gestion budgétaire.

« Une société sans numéraire entraînerait également un risque d’exclusion à l’égard des personnes défavorisées sur le plan économique : les plus grands utilisateurs du numéraire sont les consommateurs à faible revenu, les aînés et les personnes les moins scolarisées. De même, les Canadiens non bancarisés et sous-bancarisés sont particulièrement dépendants du numéraire », lit-on également dans cette publication.

Comment accéder à son argent sans services en ligne ?

À l’heure actuelle, peu de solutions s’offrent à ceux qui ne sont pas en mesure d’effectuer des transactions électroniques. « On peut toujours retirer de l’argent comptant lorsqu’on effectue un paiement par carte à l’épicerie. Mais ce ne sont pas tous les commerces qui le proposent, et il y a des limites au montant qu’il est possible d’obtenir », souligne l’avocate.

Sylvie de Bellefeuille juge aussi qu’ironiquement, ces fermetures ouvrent la porte aux guichets automatiques de compagnies privées qui, elles, y voient de réels profits. Or, ces dernières facturent plusieurs dollars par transaction en plus des frais intercaisses. Avec des coûts de 6 $ ou 7 $ par transaction, il s’agit donc d’une option peu avantageuse pour les consommateurs.

« On parlait déjà de déserts alimentaires dans certaines zones, va-t-on également assister au développement de déserts financiers ?», s’interroge Sylvie De Bellefeuille. Elle ajoute qu’à l’heure actuelle, la loi n’oblige pas les institutions financières à conserver des points de service ouverts dans une région donnée, laissant en plan de nombreuses personnes parmi les plus vulnérables. « Les gouvernements devraient se pencher sur la question et trouver des solutions afin que la population, peu importe où elle réside, puisse avoir accès à des services bancaires à des coûts raisonnables », mentionne-t-elle.

Elle déplore également le fait que, malgré la réduction des services, les frais de gestion du compte bancaire, eux, ne soient pas revus à la baisse…

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Des droits pour les usagers

Sachez que les consommateurs ont des droits et les banques sous réglementation fédérale, des obligations, lorsqu’il est question de fermer une succursale ou de réduire l’accès à certains services. Vous trouverez des détails à ce sujet sur ce site du gouvernement fédéral.

C’est l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui encadre les activités du Mouvement Desjardins. Lors de la fermeture de guichets ou de points de service, l’AMF s’attend à ce que le client en soit informé, à ce qu’on lui indique les impacts et les options qui s’offrent à lui afin de pouvoir effectuer ses opérations par la suite. « Le consommateur peut s’adresser à son institution financière pour obtenir des informations ou pour le traitement de toutes insatisfactions. Il peut également contacter un agent du centre d’information de l’Autorité par téléphone ou en utilisant le formulaire en ligne pour toute question, afin de dénoncer une pratique inadéquate ou pour porter plainte », précise le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge.

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  • Par Alain Bertrand
    01 mars 2024

    Dans la Loi des banques, le fait de gérer un bien public aussi important que la monnaie, support de tous les échanges économiques du pays, devrait être assorti d'une responsabilité de rendre ce bien disponible à tous (quitte à répartir le fardeau de la tâche entre tous les acteurs de ce service). C'est en Suède, je crois, que, même si les transactions en argent comptant comptent pour moins de 1%, toute personne a droit d'avoir accès à un distributeur de monnaie dans un rayon de cinq kilomètres de son domicile... La monnaie est un bien public !!!!!!!