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Nouveau régime d’union parentale : ce qui change

Par Maxime Bilodeau
Nouveau régime d’union parentale : ce qui change Prostock-studio/Shutterstock.com

Résidence familiale, voiture, héritage : depuis le 30 juin 2025, la donne a changé pour les parents en union libre qui auront un enfant ensemble. Voyez de quelle façon le nouveau régime d’union parentale vous touchera.

C’était le branle-bas de combat dans les cabinets d’avocats et d’études notariales ainsi que dans les firmes de planification financière du Québec ces derniers mois. Et pour cause : le nouveau régime d’union parentale, qui vient modifier les pratiques dans tous ces milieux professionnels, est entré en vigueur.

« Tous nos membres étaient en mode anticipation », confirme Me Bruno Larivière, notaire et président de la Chambre des notaires du Québec (CNQ). De fait, une formation en ligne offerte par la CNQ devait obligatoirement être suivie par les 3 900 notaires que compte la province. Au début avril, environ 1 400 l’avaient achevée.

Adoptée dans le cadre de la récente réforme du droit de la famille de l’État québécois, l’union parentale s’applique automatiquement aux conjoints de fait qui ont un enfant (ou qui en ont adopté un) depuis le 30 juin 2025. Ça fait beaucoup de monde : au Québec, plus de 4 couples sur 10 sont en union libre, et 2 enfants sur 3 naissent hors mariage, selon Statistique Canada.

Que l’on soit d’accord ou non avec la création d’un patrimoine commun et l’ajout de protections au moment d’une séparation ou d’un décès, force est de constater que ce régime aura des répercussions légales, financières et successorales considérables pour les parents en union libre. Voilà pourquoi il est préférable d’en comprendre les tenants et aboutissants.

La fin d’un statu quo

Ce nouveau cadre légal découle de la victoire en Cour suprême d’Éric contre Lola, survenue en 2013. Le plus haut tribunal du pays a alors confirmé la constitutionnalité des articles du Code civil du Québec qui prévoient que l’obligation alimentaire et le partage des intérêts financiers s’appliquent exclusivement aux conjoints mariés (ou unis civilement) et non aux conjoints de fait; une situation unique au Canada, soit dit en passant.

Plus d’une décennie plus tard, le gouvernement du Québec vient redresser la situation en créant un régime – distinct lui aussi de ce qui se fait dans le reste du Canada – pour les couples non mariés et parents d’un même enfant. L’adoption du projet de loi no 56 (PL 56) par l’Assemblée nationale en mai 2024 constitue de l’avis de plusieurs une avancée notable, bien que trop timide, en droit de la famille.

« On attendait cette réforme depuis des années. Il faut saluer le courage politique du ministre de la Justice [Simon Jolin-Barrette], qui l’a menée à bien », affirme Me Sylvie Schirm, avocate en droit de la famille et associée du cabinet Schirm & Tremblay. « C’est mieux que la situation qui prévalait jusque-là », ajoute celle qui a pris part aux consultations sur le PL 56.

Trois catégories d’enfants

Carmen Lavallée, qui est professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, a aussi participé à ces consultations. Elle juge pour sa part « contestable » la volonté du législateur de poser une condition – la naissance d’un enfant hors mariage, censée refléter la diversité familiale qui caractérise notre époque – pour garantir des protections légales aux conjoints vivant en union libre.

À ses yeux, cette préoccupation et son corollaire, soit l’idée de garantir la sécurité aux enfants en cas de séparation des parents qui vivent en union de fait, ne tiennent pas la route. « Si le législateur avait vraiment voulu assurer une plus grande stabilité aux enfants naissant hors mariage en cas de séparation, il aurait accordé les mêmes droits à tous les enfants, peu importe les circonstances entourant leur naissance, fait valoir la chercheuse. Dans les faits, avec ce nouveau régime, on se retrouve à créer plusieurs catégories d’enfants. »

En effet, il y aura dès lors :

  • les enfants issus de mariages, les mieux protégés;
  • ceux qui sont couverts par cette réforme du droit familial, protégés partiellement;
  • et ceux qui sont nés avant celle-ci, non protégés. Toutefois, les conjoints de fait qui ont eu un enfant ensemble avant le 30 juin 2025 peuvent décider de souscrire le nouveau régime d’union parentale, par acte notarié.

Dans tous les cas, les conjoints de fait demeurent les grands oubliés dans cette histoire; surtout les conjointes, à vrai dire.

Les femmes, toujours perdantes

« Cette réforme fait suite à un rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille, piloté par Me Alain Roy, qui soutient que la situation des conjointes de fait s’est beaucoup améliorée au Québec, et donc qu’il n’est pas nécessaire de leur accorder une protection particulière », précise Carmen Lavallée.

« Hélas, nos données de recherche indiquent que ce n’est pas vrai, qu’il existe encore de grandes différences entre les hommes et les femmes en union libre », déplore la professeure Lavallée, qui collabore avec Hélène Belleau, sociologue et professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Une étude récente réalisée par Léger et l’INRS pour la Chambre de la sécurité financière et ÉducÉpargne met ainsi en lumière la capacité d’épargne moindre des femmes par rapport à celle des hommes, ce qui se traduit par des revenus de retraite plus faibles. Selon les auteurs, il s’agit d’un reflet des inégalités salariales persistantes engendrées par la vie conjugale et, surtout, familiale.

En quoi consiste le patrimoine parental ?

Un patrimoine commun se crée dès la formation de l’union parentale, c’est-à-dire à la naissance ou l’adoption d’un enfant. Ce patrimoine d’union parentale comprend les résidences de la famille, y compris les résidences secondaires, les meubles qui garnissent ces résidences familiales et les voitures utilisées par la famille.

Sachez qu’il est possible de se soustraire de ce patrimoine (mais pas du régime en tant que tel), en tout ou en partie, dans les 90 jours suivant la date de naissance (ou d’adoption) de l’enfant. Pour procéder à ce retrait, il faut consulter un notaire, à qui ces actes sont réservés. « C’est alors comme si le patrimoine d’union parentale n’avait jamais existé », souligne Me Bruno Larivière.

Au-delà de ce délai, le patrimoine est réputé avoir existé. Il doit donc être divisé de manière égale en cas de séparation, selon une logique comparable à celle du partage du patrimoine familial lors d’un divorce. Ainsi, si une maison a été acquise par l’un des deux conjoints durant l’union parentale, sa valeur totale devra être partagée entre eux.

À supposer que la propriété ait été achetée avant l’union parentale, seule la valeur acquise depuis la formation de cette union sera partagée. Par exemple, pour une maison de 600 000 $ achetée avec un prêt hypothécaire et dont la mise de fonds et le capital remboursé au moment de l’entrée en vigueur de l’union parentale totalisent 300 000 $, 150 000 $ iront à chaque conjoint en cas de séparation.

Des subtilités à connaître

Cette mécanique est en vérité assez subtile à opérationnaliser, car des réalités antérieures au patrimoine peuvent en affecter la liquidation. Pensons, par exemple, à un couple qui possède une maison ensemble, mais dans laquelle l’un des membres décide d’investir 100 000 $ – obtenus avant l’union parentale par l’entremise d’une succession – pour des rénovations.

« Dans ce cas spécifique, cette personne peut légalement reprendre son apport en argent de 100 000 $. Cela influencera le partage en parts égales, après paiement de l’hypothèque, s’il y a séparation », illustre Serge Lessard, avocat fiscaliste, planificateur financier et formateur.

Celui qui est vice-président adjoint régional pour le Québec, Service de fiscalité, retraite et planification successorale au sein de la Gestion de patrimoine Manuvie conseille en ce sens de réaliser un bilan préunion parentale, afin de garder la trace des avoirs de chacun. Notez-y les sommes des dons, des héritages et des objets personnels de grande valeur antérieurs à l’union parentale.

REER, CELI et autres placements : exclus

Attention : contrairement à ce qui survient lors d’un mariage, les régimes d’épargne (régime enregistré d’épargne-retraite [REER], compte d’épargne libre d’impôt [CELI], etc.), les régimes de retraite et les placements non enregistrés sont exclus du patrimoine d’union parentale. À moins, bien sûr, de les avoir ajoutés volontairement à son contenu, encore une fois par acte notarié.

Les autres implications du nouveau régime

Si les conjoints de faits peuvent renoncer au patrimoine d’union parentale dans les 90 jours suivant la date de naissance (ou d’adoption) de l’enfant, il en va autrement du régime d’union parentale, duquel il est impossible de se soustraire par acte notarié. Il s’agit donc, sauf sur le plan successoral, de protections permanentes qui prennent effet dès la naissance d’un enfant après le 29 juin 2025.

Protection de la résidence familiale. Cette mesure empêche un conjoint de vendre, hypothéquer ou louer la maison sans le consentement de l’autre conjoint. Cela comprend de plus l’attribution, en cas de séparation, d’un droit d’usage temporaire – jusqu’à 120 jours – de la résidence au conjoint qui a la garde de l’enfant, qu’il en soit propriétaire ou non.

Prestation compensatoire. Il s’agit d’une somme versée à un ex-conjoint qui s’est appauvri au profit de l’autre durant l’union parentale. À ne pas confondre avec une pension alimentaire pour ex-conjoint, qui n’existe pas dans l’union parentale, la prestation compensatoire est ordonnée par un tribunal après que le premier a eu fait la preuve de son implication continue dans l’enrichissement du second.

« C’est le cas typique de madame qui diminue son temps de travail pour s’occuper de la maisonnée, pendant que monsieur poursuit sa carrière », expose Me Sylvie Schirm. Or comment faire la démonstration de cette réalité? « Les mécanismes seront précisés à la lumière des premiers dossiers qui aboutiront devant les tribunaux », spécifie-t-elle.

Héritage. En matière successorale, la réforme du droit de la famille permet désormais à un conjoint en union parentale d’hériter de l’autre si ce dernier décède, ce qui n’était pas le cas en union libre. Le conjoint survivant touchera alors un tiers de la succession et les enfants, les deux autres tiers.

Bon à savoir : cette mesure ne s’applique qu’en l’absence de testament, et elle est donc minimale. Faire un testament s’impose si l’on souhaite, par exemple, léguer 100 % de l’héritage au conjoint survivant ou nommer un tuteur en cas de décès des deux parents. « On a tout de même une certaine responsabilité », insiste Me Sylvie Schirm.

Le diable est dans les détails

Comme c’est souvent le cas en matière légale, le diable se cachera dans les détails en ce qui concerne ce nouveau régime. C’est inévitable : des cas d’exception émergeront et, en cas de doute, « il vaut mieux solliciter des conseils juridiques pour éviter d’éventuels litiges », recommande Me Bruno Larivière, de la CNQ.

Prenons l’exemple de parents d’un même enfant né (ou adopté) avant le 30 juin 2025 qui agrandissent leur famille après cette date. Ils pourraient s’interroger sur l’étendue de la couverture du régime d’union parentale auquel ils sont maintenant assujettis. Le premier enfant en profitera-t-il?

« Même si les obligations débutent formellement dès la naissance du second enfant, le premier va profiter des protections de manière indirecte, par la bande, si l’on veut », analyse Serge Lessard. À moins, bien entendu, que les parents décident d’un commun accord d’adhérer au régime d’union parentale avant la seconde naissance, ce qu’ils peuvent seulement faire à partir du 29 juin 2025.

Chose certaine, l’entrée en vigueur du régime d’union parentale constitue une occasion en or de discuter ouvertement des scénarios du pire avec son ou sa partenaire, ce dont se réjouit Me Sylvie Schirm, qui, pourtant, a toujours milité en faveur du contrat de vie commune entre conjoints de fait.

« La vérité, c’est que moins de 1 couple en union libre sur 10 en fait un, estime l’autrice du livre Être conjoints de fait : pour une vie à deux sans soucis, paru en 2009. Les couples québécois craignent de parler de leur séparation. »

Les trois régimes de base en vigueur

Le nouveau régime d’union parentale comprend plusieurs mesures distinctives par rapport à celles qui régissent l’union libre et le mariage. Voici, en résumé, les principales mesures des trois régimes primaires, c’est-à-dire sans convention en parallèle, maintenant en vigueur au Québec et ce qu’elles prennent ou non en compte.  

EN CAS DE SÉPARATION

 

Union libre

Union parentale

Mariage

Résidences familiales

Non

Oui

Oui

Voitures et meubles

Non

Oui

Oui

Épargnes, fonds de retraite et placements

Non

Non

Oui

Pension alimentaire pour ex-conjoint

Non

Non

Possible

Prestation compensatoire

Non

Possible

Possible

Protection de la résidence familiale

Non

Oui

Oui

EN CAS DE DÉCÈS

 

Union libre

Union parentale

Mariage

Héritage

Exclus

Inclus

Inclus

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