Maison passive: l’avenir de la construction au Québec?
Selon les experts, l’efficacité énergétique est la clé pour faire face à la demande croissante en électricité. Et si la maison passive faisait partie de la solution ?
Certifications PHI et PHIUS
Principes fondamentaux
Pas n’importe quel constructeur
Combien coûte une maison passive?
Économies d’énergie
Et en ville?
Rénos passives
« Plus durable, plus confortable et moins énergivore » : voilà comment l’architecte Francis Martel Labrecque résume les avantages d’un bâtiment passif. « C’est la meilleure maison que l’on peut construire aujourd’hui », affirme celui qui travaille à L’Abri, un atelier montréalais spécialisé en conception écologique, saine et durable.
Le qualificatif « passif » découle de la certification de construction du Passivhaus Institut, née en Allemagne dans les années 1990. Cette norme internationale encadre l’enveloppe du bâtiment de même que ses systèmes mécaniques internes en misant sur l’isolation thermique, l’étanchéité à l’air, la gestion des ponts thermiques ainsi qu’une fenestration et un système de ventilation mécanique de haute performance.
Résultat? Vous recourez alors le moins possible aux systèmes de chauffage et de climatisation, tout en jouissant d’une qualité de l’air et d’un confort hors du commun l’année durant.
Vous pouvez aussi bâtir ou rénover une habitation selon les principes passifs, sans forcément la faire certifier. « L’important, c’est l’approche », croit Francis Martel Labrecque. Celle-ci est résolument pertinente au Québec, où le chauffage constitue la principale dépense énergétique des ménages en raison des hivers froids, comme l’indique Hydro-Québec.
Enfin, il faut savoir que ces concepts ne sont pas l’apanage de la maison unifamiliale; ils s’appliquent bel et bien au multilogement. D’après l’architecte, pour vraiment changer la donne grâce à ces concepts, il faut généraliser leur application, notamment dans les grands bâtiments.
L’approche passive vous attire? Voici ce que vous devez savoir à son sujet.
Certifications PHI et PHIUS
Deux entités peuvent certifier un bâtiment passif : le Passivhaus Institut (PHI) et le Passive House Institute US (PHIUS), qui a adapté les normes d’origine aux variations climatiques nord-américaines. Les critères de PHIUS varient ainsi d’une région à l’autre dans une même province, mais les deux certifications visent la réduction au maximum de la consommation énergétique des habitations.
L’organisme Bâtiment Passif Québec promeut ces concepts auprès du grand public et des acteurs de l’industrie, notamment en transmettant l’information en français.
Principes fondamentaux
Isolation thermique
Selon Hydro-Québec, l’enveloppe (toit, murs extérieurs, planchers sur sol, fenêtres, etc.) est responsable d’environ 75 % des pertes de chaleur d’une habitation traditionnelle.
L’isolation thermique d’une habitation passive est donc épaisse dans toutes les parties de l’enveloppe afin de minimiser autant les pertes de chaleur l’hiver que les gains l’été. La matière isolante est de plus appliquée en continu, plutôt que sectionnée par des éléments structuraux, ce qui permet d’éliminer les ponts thermiques (zones par lesquelles peut s’échapper la chaleur).
Les valeurs de résistance thermique minimales sont élevées. Pour qu’une maison soit certifiée PHIUS à Montréal, par exemple, ces valeurs avoisinent R40 pour les murs hors sol et R90 pour le toit. Par comparaison, la partie 11 du Code de construction de la Régie du bâtiment du Québec, qui encadre l’efficacité énergétique des petits bâtiments d’habitation, exige une valeur minimale de R24,5 pour les murs hors sol et de R41 pour le toit.
Étanchéité à l’air
Les fuites d’air et la ventilation peuvent représenter jusqu’à 25 % des pertes de chaleur d’une habitation, d’après Hydro-Québec. L’enveloppe d’un bâtiment passif est donc extrêmement étanche.
Afin de minimiser les fuites, les membranes pare-air et pare-vapeur sont appliquées en continu. « Le secret, c’est une attention accrue aux détails d’étanchéité », mentionne le concepteur et simulateur en mécanique du bâtiment Raphaël Boisjoly, d’IME Experts-Conseils.
Si vous visez une certification, un évaluateur certifié PHIUS doit effectuer un test d’infiltrométrie alors que les membranes sont encore apparentes, afin de confirmer que vous répondez au taux de fuites d’air exigé. Ce dernier est inférieur ou égal à 0,05 pied cube par minute à une pression de 50 pascals divisé par la surface habitable totale. Le Code de construction, quant à lui, n’impose pas de norme minimale d’étanchéité à l’air.
Fenestration
Autre cause majeure de fuites d’air dans une habitation? Les fenêtres. « Elles sont parmi les meilleures dépenses à faire en matière d’efficacité énergétique quand on rénove ou on construit », affirme Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation.
Afin qu’elles soient le plus performantes possible, les fenêtres d’un bâtiment passif sont préférablement dotées d’un triple vitrage étanche à l’air et d’un cadrage hyperisolant. Leur valeur de résistance thermique est idéalement de R7.
Il existe des fenêtres certifiées PHI, mais elles ne sont pas obligatoires, même si vous visez la certification. Dans ce cas, il est par contre primordial que vous optiez pour des fenêtres de haute performance.
- Triple vitrage
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Les fenêtres tirent en outre parti de l’ensoleillement pour chauffer l’intérieur. Elles sont ainsi orientées pour la plupart vers le sud, de sorte à maximiser l’apport de chaleur l’hiver et à le minimiser l’été. À l’opposé, il doit y en avoir moins au nord, pour limiter les pertes de chaleur.
L’aménagement intérieur n’est pas laissé au hasard non plus. Les pièces communes (cuisine, salle de séjour) sont idéalement orientées au sud, tandis que les espaces qui nécessitent moins de luminosité (rangements, chambre à coucher) sont plutôt aménagés du côté nord.
Afin de prévenir la surchauffe (surtout l’été), il est recommandé d’installer sur la façade sud des auvents de fenêtre, des surplombs de toit ou des pergolas. L’hiver, ces pare-soleil n’entravent pas les rayons puisque l’astre est plus bas à l’horizon.
Planter des arbres feuillus au sud, à l’est et à l’ouest du bâtiment contribue également à prévenir la surchauffe, puisque leur feuillage tamise les rayons l’été et que ces derniers traversent les branches défoliées l’hiver. Des plantes grimpantes préservent aussi la fraîcheur du revêtement.
Le bâtiment passif demeure équipé d’un système électrique de chauffage et de climatisation, mais l’objectif est que vous y recouriez au minimum. À ce chapitre, la thermopompe se veut l’appareil le plus efficace sur le marché, selon les experts rencontrés.
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Récupération de chaleur
Une habitation passive vise une qualité de l’air optimale; c’est pourquoi vous devez l’équiper d’un système de ventilation et de récupération de chaleur de haute performance. Tous les modèles offerts sur le marché ne sont évidemment pas d’efficacité égale, mais certains sont certifiés PHI.
Notez qu’il est obligatoire, en vertu du Code de construction, d’installer un échangeur d’air avec ventilateur récupérateur de chaleur dans toute résidence neuve d’au plus trois étages et d’au plus 600 m2 (6458 pi2), ainsi que dans les habitations agrandies de 50 % et plus.
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- La maison Saltbox, certifiée PHIUS, en Estrie. Photo : Raphaël Thibodeau
Pas n’importe quel constructeur
Gardez en tête qu’un bâtiment passif certifié exige une conception et une construction des plus rigoureuses. C’est pourquoi Francis Martel Labrecque recommande aux gens de réunir dès le départ à la même table architecte, entrepreneur et ingénieurs mécaniques et en structure.
« Il faut s’entourer de professionnels qui connaissent la norme, ont un intérêt pour ce type de construction et ont envie de construire un peu différemment. Ça prend un constructeur qui a le souci du détail », insiste l’architecte.
Combien coûte une maison passive?
D’emblée, sachez qu’une habitation passive certifiée coûtera plus cher qu’une habitation répondant strictement au Code de construction. D’après l’entrepreneur certifié PHIUS William Murray, de Construction Rocket, ce surcoût s’explique principalement par les fenêtres et l’échangeur d’air de haute performance, ainsi que par le soin investi dans la conception et la construction.
En 2021, la firme de consultation en construction PSB a comparé les coûts de construction d’une maison unifamiliale d’environ 186 m2 (2000 pi2) répondant aux critères du Code de construction, du programme gouvernemental Novoclimat et de PHIUS.
Ces données montrent que la construction d’une maison passive qui respecte tous les critères de certification coûte environ 26 % de plus qu’une construction répondant au Code seulement.
PSB conclut que vous amortirez votre investissement dans une maison passive certifiée à partir de la quinzième année. En revanche, la firme souligne que son efficacité énergétique optimale garantit une valeur de revente « nettement supérieure » à celle d’une habitation traditionnelle.
Attendez-vous également à un processus de certification onéreux. PSB suggérait, toujours en 2021, de prévoir environ 7 000 $ pour le processus seul, qui requiert de faire affaire avec des consultants, des planificateurs et des évaluateurs certifiés PHIUS.
Thierry Levasseur, propriétaire d’une maison certifiée PHIUS en Estrie, met l’accent sur la qualité de construction qu’assure une telle certification. « Je pense que c’est le point le plus important, dit-il. Dans ma vie, des exécutions laissant à désirer, j’en ai vu. Sans certification, il n’y a aucun moyen de savoir avec certitude qu’un entrepreneur a construit une maison comme il faut. »
Économies d’énergie
Aux dires de Raphaël Boisjoly, un bâtiment certifié Passivhaus réduit ses besoins de chauffage annuels de 80 % en comparaison d’un bâtiment de même taille qui s’en tient au Code de construction.
Considérant que le chauffage représente en moyenne 55 % de la facture d’électricité d’une habitation individuelle avec climatisation (mais sans piscine), d’après Hydro-Québec, l’incidence sur la consommation énergétique sera évidente.
Cela dit, les coûts d’énergie étant bas au Québec, William Murray admet que ce n’est pas l’argument économique qui convaincra les gens d’investir dans la construction d’une maison passive. « C’est avant tout un confort à l’année et une qualité de l’air exceptionnelle », explique celui qui habite lui-même une telle résidence. « Durant une panne d’électricité l’hiver, je perds 2 °C en 12 heures. En juillet dernier, pendant la canicule, il faisait un beau 23 °C sans climatisation. »
Et en ville?
Pour faire face aux crises du logement et du climat, construire et rénover du multilogement selon les principes passifs constitue la voie à privilégier, de l’avis de l’architecte Francis Martel Labrecque et du directeur général d’Écohabitation, Emmanuel Cosgrove.
Une habitation en rangée ou dans un immeuble de logements est d’emblée plus écoénergétique qu’une maison unifamiliale, puisqu’elle comporte moins de façades exposées aux variations de température.
« C’est le fun, faire de petites maisons très performantes dans la forêt, mais l’impact est limité, alors que si on construit de grands ensembles de logements selon l’approche passive, [il] est décuplé », illustre Francis Martel Labrecque.
Ce dernier a d’ailleurs assisté cette année à une conférence de Passive House Canada en Colombie-Britannique où « il était presque juste question du multilogement, relève-t-il. C’est super inspirant ».
Un exemple éloquent? L’immeuble de logements sociaux Le Monarque, à Sherbrooke, qui vise la certification Low Energy Building de PHI, un peu moins exigeante que Passivhaus. « Beaucoup de législations dans le monde ont déjà réalisé le lien étroit entre Passivhaus et logements sociaux », fait remarquer le concepteur Raphaël Boisjoly.
« Construire selon l’approche passive oblige l’industrie à mieux travailler et à réviser les techniques de construction. Mais les connaissances et les technologies, elles sont là », conclut Francis Martel Labrecque.
Rénos passives
L’approche passive n’est pas réservée aux constructions neuves; vous pouvez aussi rénover un bâtiment en suivant ces principes. Des certifications existent même à cette fin : EnerPHit de PHI, ainsi que Revive 2024, Core Revive 2021 et Zero Revive 2021 de PHIUS.
Si vous désirez améliorer l’efficacité énergétique de votre nid, n’hésitez pas à recourir aux divers programmes d’aide financière qui sont offerts, tels que LogisVert d’Hydro-Québec ou Rénoclimat du gouvernement provincial, ou encore le Prêt canadien pour des maisons plus vertes du gouvernement fédéral.
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