Filtrer la lumière bleue, c’est mieux?
La lumière bleue émise par les écrans des tablettes et des cellulaires, notamment, fait beaucoup parler d’elle. Quels sont les risques pour votre santé? Devriez-vous porter des lunettes spéciales qui filtrent ces ondes lumineuses? Réponses tout en nuances.
Qu’est-ce que la lumière bleue?
Vraiment néfaste, la lumière bleue des écrans?
Comment fonctionnent les filtres?
Alors, on filtre ou pas?
Comment activer le filtre « Éclairage nocturne »
5 conseils pour réduire la fatigue oculaire
En 2017, lorsqu’elle a changé ses lunettes, Alexandra en a profité pour faire ajouter sur ses nouveaux verres une protection qui bloque une partie de la lumière bleue. Son opticien lui avait présenté les différents avantages associés à ce type de filtre intégré à même le traitement antireflet, en particulier l’effet protecteur pour ses yeux, puisqu’elle passe beaucoup de temps devant un écran d’ordinateur, une des sources de lumière bleue. Coût de l’option : 20 $ par verre.
Pourtant, Alexandra n’a vu absolument aucune différence sur son confort visuel devant l’écran. Pire : « Le filtre a donné à mes verres une teinte jaunâtre que je n’aimais pas et, après deux ans à peine, j’ai eu l’impression que la protection partait, qu’elle ne semblait plus appliquée de façon uniforme », explique-t-elle. C’était en fait le traitement antireflet qui se détériorait prématurément.
Lorsqu’elle a commandé une nouvelle paire de lunettes, au printemps dernier, Alexandra a refusé l’« extra » antilumière bleue, qui, estime-t-elle, l’a obligée à remplacer ses verres plus tôt que prévu. « Car ma vue, elle, n’avait pas changé du tout. »
Un filtre, mais pour quoi faire?
Que reproche-t-on exactement à la lumière bleue au point de vouloir la filtrer? Certaines études la tiendraient responsable de nombreux maux : perturbation du rythme circadien (qui règle les périodes d’éveil et de sommeil) et fatigue oculaire, mais également maladies de l’œil, comme les cataractes ou la dégénérescence maculaire.
Il n’existe cependant pas de preuves suffisantes pour affirmer que la lumière bleue serait la cause de tous ces problèmes, d’après Jean-Marie Hanssens, directeur de la Clinique universitaire de la vision de l’Université de Montréal : « S’il est aujourd’hui reconnu qu’elle perturbe le sommeil, c’est beaucoup plus complexe de prouver son effet sur certaines maladies qui sont multifactorielles, comme la dégénérescence maculaire. »
Les protections sur vos lunettes sont-elles vraiment utiles? N’y a-t-il pas d’autres moyens de vous protéger contre la lumière bleue? Pour y voir plus clair, voici ce que vous devez savoir à son sujet, sur les filtres bloquants et sur les gestes que vous pouvez poser pour limiter votre exposition.
Qu’est-ce que la lumière bleue?
« La lumière bleue est une couleur du spectre de la lumière visible que votre œil peut percevoir », explique Jean-Marie Hanssens. Elle est présente naturellement dans la lumière du soleil (la source principale de lumière bleue), les écrans des appareils électroniques, les phares de certaines voitures ou encore les éclairages publics (les panneaux publicitaires, par exemple) et domestiques (les lampes à diode électroluminescente [DEL]).
« On distingue deux fréquences de lumière bleue, soit le bleu-violet et le bleu turquoise, détaille encore le directeur de la Clinique universitaire de la vision. La première fréquence, la moins bonne, est proche des ultraviolets (UV), dont on sait qu’ils peuvent avoir des effets néfastes sur la santé », comme causer le cancer de la peau. « La seconde, plus proche du vert, est essentielle pour plusieurs de nos fonctions vitales », précise Jean-Marie Hanssens.
Ainsi, la lumière bleu turquoise aide en particulier à réguler le rythme circadien. Or cette lumière joue également un rôle important sur la pression artérielle, la sécrétion d’hormones, les performances cognitives, etc.
Depuis plusieurs années, c’est la lumière bleue des ordinateurs, des tablettes et des téléphones cellulaires qui est au cœur des préoccupations. Voici pourquoi.
Vraiment néfaste, la lumière bleue des écrans?
Démystifions ici certaines affirmations autour de la lumière bleue.
1. Elle inhibe la production de mélatonine : vrai
En 2019, les Canadiens ont indiqué qu’ils passaient en moyenne près de 11 heures par jour à regarder des écrans, selon un sondage Léger. Cette exposition aux écrans à toute heure du jour et de la nuit a des conséquences importantes sur votre rythme circadien, l’horloge biologique du corps, comme le rappelle le Dr Langis Michaud, professeur titulaire à l'École d'optométrie de l'Université de Montréal. En vous exposant le soir à lumière bleu-violet, votre cerveau comprend que ce n’est pas l’heure de dormir et repousse donc la production de la mélatonine, votre hormone du sommeil. Plusieurs études menées ces dernières années, notamment par les universités Harvard et de Toronto, ont confirmé que la lumière bleue de nos écrans était « un puissant suppresseur de mélatonine ».
2. Elle contribue à l’apparition de maladies de l’œil : faux
« Certaines recherches menées ces 20 dernières années ont démontré que lorsqu’on expose des rétines à de fortes doses de lumière bleue, les dommages peuvent être importants, explique Jean-Marie Hanssens. Mais il s’agissait d’études animales, réalisées sur un très court terme, avec de fortes doses d’exposition. »
Ces études ont conduit plusieurs fabricants de verres de lunettes à mettre au point et à commercialiser, il y a quelques années, les premiers filtres bloquant la lumière bleue la plus dommageable, en mettant de l’avant les risques qu’elle pourrait faire courir à long terme : contribuer, par exemple, à l’apparition de maladies de l’œil, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une dégradation d’une partie de la rétine qui peut mener à la perte de la vision centrale.
Le directeur de la Clinique universitaire de la vision nuance le tout et précise que ces maladies de l’œil sont multifactorielles : « Dans le cas de la DMLA, l’hérédité, l’exposition aux rayons UV, le tabac ou encore l’alimentation sont les facteurs de risque les plus importants. La lumière bleue vient, avec un gros point d’interrogation, très loin dans cette liste-là. »
« Nous ne pouvons pas affirmer que cette exposition [à la lumière bleue] aurait des effets néfastes sur la santé puisqu’il n’existe à ce jour aucune étude [menée sur les humains] à ce sujet », affirme pour sa part Brigitte Robidas, présidente de l’Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec (OODQ). Quant à la lumière bleue des écrans, l’Académie américaine d’ophtalmologie (AAO) est catégorique : « Elle n’entraînera pas de maladie des yeux. »
3. Elle provoque la fatigue oculaire numérique : les avis sont partagés
La fatigue oculaire se caractérise par divers symptômes (voyez « 5 conseils pour réduire la fatigue oculaire »). Selon l’AAO, l’exposition prolongée à la lumière bleue d’un écran de tablette ou d’ordinateur n’entraîne pas de fatigue oculaire numérique, appelée computer vision syndrome (CVS) en anglais. Une position que nuance le Dr Langis Michaud : « La fatigue visuelle peut être causée par plusieurs phénomènes, dont l’exposition à la lumière bleue. Toutefois, certaines personnes sont très sensibles à l’exposition à des lumières de longueur d’onde courtes, comme la lumière bleue, d’autres pas du tout ».
4. Elle est plus nocive pour les enfants : faux, mais…
« L’œil humain se protège d’une partie de la lumière bleue grâce au cristallin, la lentille naturelle de l’œil qui l’empêche d’atteindre la rétine et de l’endommager, explique le Dr Langis Michaud. Or le cristallin n’est pas complètement mature avant l’âge adulte. » Les enfants sont plus sensibles à la lumière bleue, et même si, selon l’AAO, il n’existe « aucune preuve que l’utilisation d’écrans nuit aux yeux des enfants ou à leur système visuel en développement », certaines précautions doivent être prises pour limiter leur temps d’écran.
Ainsi, l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) recommande de ne donner aucun temps d’écran aux enfants jusqu'à l'âge de 2 ans (sauf pour le vidéoclavardage avec des outils en ligne comme FaceTime ou Skype), et de n’accorder pas plus qu’une heure de temps d’écran par jour aux enfants de 2 à 5 ans : « Cela laisse plus de temps pour d’autres activités mettant l’accent sur le mouvement du corps et le jeu interactif, qui sont fondamentaux pour le développement physique et intellectuel d’un enfant. »
Comment fonctionnent les filtres?
« Il existe plusieurs types de lentilles qui sont équipées d’un traitement filtrant la lumière bleue. Alors que certains traitements bloquent en partie celle-ci, d’autres vont partiellement l’absorber afin qu’elle ne pénètre pas l’œil du porteur », explique Brigitte Robidas, de l’OODQ.
La protection est en général intégrée au procédé antireflet appliqué sur vos verres. « Ce n’est pas une nouvelle couche supplémentaire », précise Jean-Marie Hanssens. Vous ne pourrez donc pas faire ajouter ce traitement sur vos verres actuels. Sachez également qu’elle donne aux verres une légère teinte jaune orangé.
Par ailleurs, « les filtres actuellement sur le marché n’ont qu’une efficacité limitée, indique l’Association des optométristes du Québec (AOQ) sur son site internet. De l’ordre de 10 à 25 % dans la plupart des cas. » Selon les données produites par différents fabricants, « les lentilles équipées de ces traitements filtrants bloqueraient efficacement une partie de la lumière bleu-violet tout en permettant le passage de la lumière bleu-turquoise, essentielle à notre santé puisqu’elle régule le cycle circadien », précise Brigitte Robidas.
Les opticiens offrent cette protection pour un prix qui varie entre 20 et 50 $ la paire de lunettes, selon les fournisseurs de verres avec lesquels ils font affaire.
Alors, on filtre ou pas?
Puisqu’il n'y a « aucune preuve scientifique que la lumière provenant des écrans d'ordinateur endommage les yeux », l’Académie américaine d’ophtalmologie « ne recommande pas de lunettes spéciales pour l’utilisation de l’ordinateur » et d’autres appareils numériques. « Le fait de les utiliser ou non est d’abord une question de confort », indique de son côté l’AOQ. Par ailleurs, il n’y a aucun risque pour la santé à en porter, selon les experts interrogés.
L’Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec n’empêche pas ses membres d’en proposer à leurs clients. Selon Brigitte Robidas, ce serait parce que « les fournisseurs de produits d’optique en font directement la promotion auprès de la population ». Elle ajoute que « dans le cadre de sa mission de protection du public, l’OODQ doit s’assurer que l’opticien d’ordonnances conseille adéquatement son client afin de lui permettre de prendre une décision libre et éclairée en décidant d’inclure ou non un traitement filtrant la lumière bleue à ses lentilles ».
S’il suggère ce type de traitement à son client, l’opticien d’ordonnances « doit tenir compte notamment de ses besoins et de son mode de vie » et lui expliquer « en quoi le traitement consiste, tout en lui soulignant les avantages et inconvénients qui y sont liés », dans le respect de ses obligations découlant de son code de déontologie. Anabelle Leclerc, optométriste et propriétaire de la clinique Opto-Réseau Vision Line Barnabé, à Montréal, affirme : « Si un patient m’en fait la demande, mais qu’il n’a aucun symptôme de fatigue visuelle et qu’il n’utilise pas les écrans de façon excessive, je ne lui recommande pas un filtre antilumière bleue de façon préventive. »
Enfin, nos experts sont unanimes sur un point : avant même de penser à faire installer une protection sur vos lunettes, réduire le temps passé devant un écran, particulièrement en soirée, est LE geste à poser pour limiter votre exposition à la lumière bleue. Il existe également de nombreuses autres options à envisager avant d’équiper vos lunettes d’un filtre, et plus particulièrement : activer les dispositifs antilumière bleue intégrés à vos appareils numériques.
Et les lunettes vendues sans prescription?
De plus en plus de sites internet – de New Look à Amazon en passant par EyeBuyDirect – proposent des lunettes sans correction ophtalmique qui disposent d’un filtre antilumière bleue. Les prix varient entre quelques dizaines et plusieurs centaines de dollars.
Certaines associations et certains ordres professionnels, comme l’Académie américaine d’ophtalmologie, aux États-Unis, ne recommandent tout simplement pas ce genre de produits puisqu’il n’y a « aucune preuve scientifique que la lumière provenant des écrans d'ordinateur endommage les yeux ».
Sachez que ce type de lunettes « n’est pas commercialisé en tant que dispositif médical », indique le Dr Jean-Pierre Lagacé, rédacteur en chef de la revue L’Optométriste, dans un article mis en ligne sur le site de l’Association des optométristes du Québec. Cela signifie que les allégations associées à ces lunettes – par exemple « réduisent les symptômes de la fatigue oculaire » – ne sont pas réglementées. Ne vous attendez donc pas à des miracles.
Comment activer le filtre « Éclairage nocturne »
Les fabricants de téléphones et de tablettes ont mis au point des filtres qui réduisent ou coupent la quantité de lumière bleue émise par vos appareils électroniques. Voici la marche à suivre pour les activer, selon le type d’appareil électronique que vous possédez.
Appareils iOS : iPhone, iPad, iPod touch
Il existe deux façons d’activer ou désactiver l’option « Night Shift » (le terme utilisé même dans l’interface en français).
- Ouvrez le Centre de contrôle. Appuyez quelques instants sur l’icône de contrôle de la luminosité, puis sur l’icône pour activer ou désactiver l’option.
- Accédez aux Réglages > Affichage et luminosité > Night Shift. Vous pourrez programmer l’heure à laquelle l’option s’active et se désactive, et choisir le niveau de température des couleurs d’affichage (plus ou moins chaude).
Ordinateurs Apple : MacBook, MacBook Air, MacBook Pro, etc.
La fonction « Night Shift » est installée sur les appareils fonctionnant sous MacOS Sierra 10.12.4 ou une version ultérieure.
- Choisissez le menu Pomme > Préférences Système > Écrans > onglet « Night Shift ». Vous pourrez programmer l’heure à laquelle l’option s’active et se désactive, et choisir la température des couleurs d’affichage (plus ou moins chaude).
Appareils Android : Google Pixel, Samsung Galaxy, etc.
- Ouvrez l'application Paramètres de votre téléphone, puis appuyez sur Affichage > Éclairage nocturne (sur certains téléphones, cette fonction s’appelle plutôt « Filtre de lumière bleue » ou « Confort des yeux »). Vous pourrez sélectionner les heures de début et de fin de l’option, ainsi que le niveau du filtre.
Ordinateurs Windows
Ouvrez les Paramètres > Système > Affichage. Sous Luminosité et couleur, cliquez sur Paramètres de l’éclairage nocturne. Vous pourrez activer la fonction, planifier une plage d’éclairage nocturne et choisir la température des couleurs d’affichage (plus ou moins chaude).
Enfin, vous pouvez également choisir d’installer l’application f.lux, qui adapte la couleur de vos écrans à l’heure de la journée.
5 conseils pour réduire la fatigue oculaire
Travailler devant un écran d’ordinateur plusieurs heures par jour a des effets importants sur votre santé oculaire. Maux de tête, yeux rouges, vision floue ou dédoublée, irritation ou douleurs aux yeux, yeux larmoyants ou trop secs, ou encore clignements excessifs : si vous détectez ces symptômes – les plus courants d’une fatigue oculaire –, prenez d’abord rendez-vous avec votre optométriste, que vous portiez des lunettes ou pas.
Dans un second temps, voici 5 conseils à appliquer pour diminuer votre inconfort.
1. Installez bien votre moniteur
L’Association des optométristes du Québec (AOQ) recommande de garder un bras de distance entre vous et l’écran. Il est important de placer ce dernier légèrement plus bas que vos yeux et de réduire les reflets parasites en le positionnant judicieusement : évitez par exemple de l’installer devant une fenêtre, car cela crée des contrastes importants, comme l’explique le Dr Langis Michaud, professeur titulaire à l'École d'optométrie de l'Université de Montréal.
2. Faites des pauses régulières
Après 20 minutes devant votre ordinateur, regardez à 20 pieds (6 mètres) de distance pendant 20 secondes. Cette règle du 20-20-20 n’est pas compliquée à retenir, même si Jean-Marie Hanssens, directeur de la Clinique universitaire de la vision de l’Université de Montréal, reconnaît qu’elle peut être difficile à appliquer : « Nous sommes sur nos écrans à longueur de journée, et faire une pause toutes les 20 minutes n’est pas toujours évident, par exemple, pendant une réunion. » Il reste que c’est un bon moyen de reposer régulièrement vos yeux.
3. Clignez des yeux en conscience
Le taux de clignement est beaucoup plus faible devant un écran qu’en temps normal, ce qui accroît la sécheresse oculaire. Vous pourriez également avoir les yeux qui piquent. Il est donc important de « penser » à cligner des yeux ou à faire une série de clins d’œil. Si cela ne suffit pas, « l’utilisation de gouttes ophtalmiques peut être une option », fait valoir l’AOQ. Enfin, de façon générale, le Dr Langis Michaud recommande de « relâcher le système visuel » en fermant les yeux pendant une trentaine de secondes.
4. Choisissez une lumière adaptée
Ordinateur, tablette, téléphone… L’AOQ recommande de « ne jamais lire sur un appareil numérique dans l’obscurité ». À votre bureau, choisissez une lampe qui diffuse une lumière directement orientée sur le document à lire et sur le clavier; privilégiez par ailleurs des ampoules qui diffusent une lumière de type « blanc chaud », soit une température de couleur inférieure à 3000 kelvins (K), selon les recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), en France.
5. Ajustez la teinte de couleur et l’intensité lumineuse de votre moniteur
La dernière chose à faire avant de vous mettre au travail : régler la luminosité, la température et le contraste de votre moniteur. Vous aurez accès à ces différentes options dans les paramètres de votre ordinateur, ou directement à partir de votre écran s’il s’agit d’un écran secondaire.

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