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Le bruit peut-il nuire à la santé ?

Par Amélie Cléroux
Le bruit peut-il nuire à la santé ? fizkes/Shutterstock.com

L’environnement sonore qui vous entoure n’est pas anodin. Une surexposition à des bruits élevés ou dérangeants peut nuire à votre santé cardiovasculaire, mentale et auditive. Tout le contraire des effets d’une ambiance apaisante ou du silence.

Le bruit, source de stress
Plus de cas de maladies cardiovasculaires
Détresse psychologique variable
Acouphènes et perte auditive
Les bienfaits du « silence »
Comment passer un test auditif ?

Édith Landreville n’en pouvait plus des avions qui volaient constamment au-dessus de chez elle, à Saint-Charles-Borromée, une ville située dans la région de Lanaudière. Au printemps, il y a plus ou moins cinq ans, un pilote donnant des formations est venu s’installer au petit aéroport de la municipalité voisine.

« L’avion décollait, tournait au-dessus de ma maison et atterrissait… tout au long de la journée, sept jours sur sept, explique la retraitée. Certaines journées, un avion passait aux six minutes ! » Il arrivait même que des allées et venues se fassent entendre dès 5 ou 6 h du matin et jusqu’à plus de 23 h, la réveillant ou l’empêchant de dormir.

Son histoire se termine bien, puisque la direction de l’aéroport a pris ses plaintes au sérieux. Les pistes ont été reconfigurées au bout de six mois. « J’ai retrouvé ma quiétude. Je n’aurais pas pu endurer ça plus longtemps », affirme-t-elle, empathique aux gens vivant des situations similaires en permanence.

Un monde de plus en plus bruyant

Les bruits environnants peuvent prendre bien des formes. Édith Landreville, par exemple, constate que sa municipalité de banlieue, choisie à l’époque pour son calme, est de plus en plus bruyante, qu’il y vole des avions ou non. De nouveaux quartiers sont en chantier, tandis que des arbres – des isolants acoustiques naturels – ont été coupés.

« Des données montrent que nos environnements sont plus bruyants qu’avant », confirme Tony Leroux, professeur titulaire à l’École d’orthophonie et d’audiologie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. La quantité de véhicules sur les routes ne cesse d’augmenter, tandis que les heures de pointe sont plus longues, entre autres.

Or, l’accumulation de tous ces sons affecte votre santé… et pas seulement auditive.

Le bruit, source de stress

Le bruit – par exemple celui d’un avion qui passe au-dessus de votre tête ou d’un ballon qui éclate – est interprété par votre corps comme un signal de danger et va « générer une réponse de stress », précise Tony Leroux.

C’est physiologique. « Ça accroît la circulation sanguine dans les parties du corps importantes dans le contexte d’une réaction de protection », explique-t-il. Résultat : hausse de la pression artérielle et des battements cardiaques, ainsi que de la tension musculaire.

Cette réaction innée fait partie de notre héritage des premiers humains, qui en dépendaient pour leur survie, pour fuir un danger ou affronter une menace. Elle est naturelle et, surtout, inévitable. Et c’est « tant mieux », lance l’expert, qui rappelle l’importance de réagir à l’environnement qui nous entoure pour nous protéger.

Tellement de bruits qu’on les oublie

Ce qui est moins normal, selon Tony Leroux, c’est que nos environnements modernes sont si bruyants que nous ne réalisons plus vraiment que notre corps est en état quasi constant de stress.

« Le meilleur exemple que j’ai dans la vie quotidienne, c’est quand on est dans une cuisine et que, tout à coup, le frigo s’arrête », illustre-t-il. Une impression de soulagement vous habite alors, et peut-être même que vos épaules s’abaissent. La réaction de stress était présente, mais vous ne vous en rendiez pas compte.

Et attention : l’habituation psychologique – qui fait dire à une personne voisine d’une voie ferrée qu’elle n’entend plus les trains, par exemple – est une chose différente. « On peut s’habituer psychologiquement, mais la réaction physiologique de stress, elle, on ne s’y habitue jamais », souligne l’expert.

Plus de cas de maladies cardiovasculaires

Cette réaction physiologique, présente de manière chronique, même à un faible niveau, peut avoir des conséquences à long terme, comme l’explique Tony Leroux. Des effets sur la santé cardiovasculaire ont été démontrés de façon convaincante.

« Le cœur va battre un petit peu trop vite tout le temps, la pression artérielle va toujours être un peu trop élevée », détaille-t-il. Les recherches révèlent des proportions d’infarctus plus grandes dans les populations exposées aux bruits que dans celles qui ne le sont pas, ainsi que des problèmes chroniques, comme l’hypertension artérielle et des accidents vasculaires cérébraux.

Cela dit, tous les individus ne sont pas également affectés. Les travailleurs exposés à beaucoup de bruit offrent un bon exemple de cette variabilité. Ceux qui ne le tolèrent pas demeurent rarement en poste longtemps, d’après Tony Leroux. Le professeur souligne qu’il s’agit d’ailleurs d’un biais dans les études. Comme celles-ci doivent être menées sur de longues périodes, les personnes moins tolérantes sont sous-représentées. « Les travailleurs qui restent en poste 30 ou 40 ans sont souvent les personnes qui ont une génétique et une santé physique plus robustes », indique-t-il.

D’autres effets potentiels

Interrogé quant aux possibles autres conséquences physiologiques attribuables à l’exposition aux bruits de l’environnement, Tony Leroux soulève plutôt les doutes qui existent. Il cite notamment le lien potentiel avec le diabète. « Mais il n’y a pas de démonstration assez solide de ça », nuance-t-il.

Un cas plus probable est celui du stress chronique et de ses impacts, selon l’expert. « Un niveau de cortisol toujours trop élevé, ça a tendance à faire diminuer les défenses immunitaires. Donc, on peut y associer, dans des situations de stress chronique, l’apparition d’autres maladies liées. »

Or, prouver scientifiquement que le stress chronique est induit par le bruit de l’environnement ne représente pas une mince tâche, puisqu’il peut être provoqué ou accentué par de multiples facteurs et circonstances.

Détresse psychologique variable

Difficile pour Édith Landreville d’évaluer les effets du passage incessant d’avions sur sa santé physique. Mais, assurément, son moral, son humeur et son sentiment de bien-être général ont été durement touchés.

« L’autre démonstration [des conséquences du bruit] qui est assez solide, c’est le fait de ressentir que sa qualité de vie est réduite », énonce Tony Leroux. Chez certaines personnes, cela peut même entraîner ou accentuer des problèmes de santé mentale comme la dépression. « Cet effet-là est plus variable dans une population que les effets sur la santé cardiovasculaire », précise l’expert.

De fait, plusieurs circonstances influencent le mal-être, par exemple si le dérangement sonore nuit au sommeil. Le sentiment d’impuissance devant le problème et le constat qu’il est impossible de contrôler la situation ou d’y échapper constituent également des moteurs importants. Tony Leroux cite l’exemple d’une personne habitant près d’une autoroute et d’un aéroport qui n’aurait pas les moyens financiers de déménager et de vivre dans un milieu moins bruyant.

Acouphènes et perte auditive

Qu’en est-il de vos oreilles ? Un niveau de bruit de 70 décibels (dB) et moins n’engendre aucun risque connu sur la santé auditive, d’après Santé Canada.

Au-delà de ce seuil, l’exposition devrait être modulée. Par exemple, un appareil émettant 90 dB, comme une tondeuse à essence, devrait être utilisé tout au plus deux heures et demie, au risque que son bruit nuise à votre santé auditive. Et qu’en est-il d’un concert, rarement sous les 110 dB ? Il ne devrait pas durer plus d’une minute et demie… D’où l’intérêt de porter des bouchons si vous assistez à un spectacle de musique.

L’acouphène temporaire ou permanent ainsi que la perte auditive constituent les conséquences les plus courantes. Les deux se produisent d’ailleurs souvent simultanément, selon Alexis Pinsonnault-Skvarenina, audiologiste, chercheur postdoctoral à l’École de technologie supérieure (ETS) et chargé de cours à l’École de réadaptation de la Faculté de médecine de l’Université Laval.

Une grande étude pancanadienne publiée en 2019 par Statistique Canada a démontré que 60 % des adultes canadiens ont déjà présenté une perte auditive, un acouphène ou les deux au cours d’une seule année.

L’acouphène temporaire : un drapeau rouge

Tonalité ou silement, bourdonnement, grondement, grésillement semblable à celui d’un poste de radio ou même bruit de cigales dans une ou les deux oreilles, l’acouphène possède de multiples visages. Le stress, certains médicaments ou encore les troubles d’articulation de la mâchoire font partie des nombreuses causes de ce phénomène.

Or, « la vaste majorité des acouphènes viennent d’un problème d’audition », indique Alexis Pinsonnault-Skvarenina. Ils sont occasionnés, entre autres, par un « traumatisme », par exemple un grand bruit soudain près du canal auditif. Mais en général, ils apparaissent à force d’une trop longue exposition à des bruits environnants forts.

L’acouphène est souvent temporaire… ce qui ne veut pas dire qu’il est sans gravité. « Avant les années 2010, environ, on pensait que lorsque l’acouphène temporaire partait, il n’y avait pas de conséquences, mentionne l’audiologiste. Nous savons maintenant que ce n’est pas vrai. Un acouphène, même temporaire, indique que notre système auditif a été endommagé, probablement de façon permanente. »

C’est aussi vrai pour le bourdonnement ou cette tonalité agaçante que vous entendez après un concert. « Ça ne veut pas dire que vous aurez une perte auditive immédiate, mais ça s’accumule », explique-t-il.

Selon l’enquête de Statistique Canada mentionnée plus haut, 37 % des adultes canadiens ont souffert d’un acouphène au cours d’une seule année. Or, chez les plus jeunes, âgés de 19 à 29 ans, ce taux augmentait à 46 %.

Cela dit, une perte auditive peut survenir sans la présence de ce signal d’alarme. « On n’a pas encore trouvé de mécanisme qui explique ces différences-là », ajoute l’audiologiste.

Des conséquences psychologiques et sociales

Le dérangement constant d’un acouphène ou l’effort nécessaire pour suivre des conversations en cas de perte auditive, surtout dans des environnements bruyants, contribue à une certaine fatigue, selon Alexis Pinsonnault-Skvarenina.

« Ce n’est pas la majorité, mais il y a des gens qui vont éviter certaines situations », ajoute-t-il, notamment les soupers au restaurant ou les événements durant lesquels plusieurs conversations se tiennent simultanément. Des personnes pourraient s’isoler ou développer une forme d’anxiété. « La dépression, parfois, peut y être associée… bien qu’il y ait d’autres facteurs ou situations de vie qui contribuent à tout ça. »

Les bienfaits du « silence »

Si le bruit peut s’avérer si néfaste, le silence est-il bienfaisant ? Oui, et il est nécessaire pour récupérer de la fatigue auditive. Cela dit, Tony Leroux préfère parler du pouvoir d’une ambiance sonore plaisante, laquelle varie beaucoup d’un individu à l’autre.

« Ce qu’on appelle le silence de la campagne ou de la nature, ce sont les chants des oiseaux, un ruisseau qui coule… mais ce n’est pas totalement silencieux », souligne-t-il. Chez certaines personnes, le silence est parfois associé à des sentiments d’isolement, d’angoisse ou d’anxiété. « Ce n’est pas nécessairement toujours positif. »

Alexis Pinsonnault-Skvarenina arrive aussi à cette conclusion. « Le silence complet entraîne une augmentation de la perception de l’acouphène, illustre-t-il. Être entouré d’une ambiance sonore agréable et douce permet de masquer l’acouphène et d’en réduire le dérangement. »

Même au moment de s’endormir, le silence ne fait pas non plus l’unanimité. Certaines personnes dorment mieux avec ce qu’on appelle un « bruit blanc » et se procurent des appareils simulant le son des vagues, de la pluie ou produisant un léger bourdonnement.

Ces machines ne sont pas contre-indiquées, même pour les bébés, selon l’audiologiste. « La limite sécuritaire pour éviter une perte auditive, c’est 75 décibels pendant huit heures, dit-il. Mais pour un enfant, on ne veut pas que ça soit trop fort. Je ne recommanderais pas plus que 50 ou 60 dB, ce qui commence déjà à être élevé. » Il conseille aussi de placer l’appareil le plus loin possible du lit.

En d’autres mots, un environnement sonore paisible pour vous – qu’il s’agisse du silence complet ou non – devrait primer. « Ça va susciter des émotions positives », assure Tony Leroux. Tout le contraire des sons et bruits agressants qui nuisent à votre bien-être, voire à votre cœur et à votre ouïe.

Comment passer un test auditif ?

En cas de perte auditive ou d’acouphène qui s’éternise, la première chose à faire est d’en parler avec un médecin, puisque vous aurez habituellement besoin d’une ordonnance pour consulter un audiologiste et passer un examen auditif. « Les délais varient d’une région à l’autre et d’un hôpital à l’autre, indique Alexis Pinsonnault-Skvarenina. Sinon, on peut le faire au privé sans [ordonnance]. »

L’examen auditif (ou évaluation de l’audition) permet d’établir la cause et le degré de la perte auditive, puis de mettre en place des moyens pour pallier le problème, par exemple l’usage d’un appareil. Il se distingue du dépistage auditif, qui détermine seulement s’il y a une perte auditive ou non. « Plusieurs cliniques offrent des dépistages auditifs gratuits, mais ce ne sont pas des évaluations », précise l’audiologiste.

À lire aussi : Comment vous protéger des bruits de votre environnement ? et nos tests de bouchons d’oreilles et de casques antibruit pour enfants

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