Récupération des téléphones: le Québec aux abonnés absents
Un tiers des téléphones portables en circulation dans le monde finiront cette année à la poubelle ou dans le fond d’un tiroir. Au Québec? Probablement plus de neuf sur dix prendront le même chemin!
Un rapport publié la semaine dernière par le Forum international sur les déchets d’équipements électriques et électroniques prévoit que près de 5,3 des quelque 16 milliards d’appareils estimés en circulation seront condamnés, une fois jugés inutilisables ou démodés, à l’oubli ou au dépotoir.
Ces prévisions proviennent d’un sondage mené auprès des consommateurs dans six pays européens. Près de la moitié des répondants (46 %) ont remisé leur téléphone en pensant un jour le réutiliser, alors que 15 % envisagent de le vendre ou de le donner, et que 13 % lui accordent une valeur… sentimentale!
Les téléphones portables se classent ainsi au quatrième rang des petits équipements électriques et électroniques les plus souvent mis de côté par les consommateurs.
Au Québec, le plus récent bilan de RECYC-QUÉBEC, qui remonte à 2018, évalue à 9 % le taux de récupération des téléphones en se basant sur des données émanant de Québecor et de l’Association pour le recyclage des produits électroniques (ARPE-Québec), un regroupement d’entreprises québécoises. L’organisme doit publier un nouveau rapport cette année. Le taux de récupération visé pour 2020 était de 25 %.
En vertu du principe de la responsabilité élargie des producteurs (RPE), ARPE-Québec est responsable de la récupération des téléphones portables. Le groupe Québecor a préféré faire cavalier seul: sa filiale Vidéotron gère son propre programme d’échange et de récupération depuis une dizaine d’années.
«Ça fait des années que c’est sous la barre des 10 %. C’est un constat d’échec», commente le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), Karel Ménard. La solution, selon lui, consisterait à imposer une consigne de 10 $ sur chaque téléphone neuf. «Le volume de récupération exploserait.»
Un portrait incomplet
Mais il y a plus, insiste M. Ménard: les rares données disponibles ne permettent pas aux consommateurs d’avoir une idée précise de ce qu’il advient des appareils récupérés. «En fait, quand on dit 9 %, on parle de quoi?», demande-t-il.
RECYC-QUÉBEC nous a expliqué, par courriel, que «les taux de récupération sont calculés en milliers d’unités par rapport à une année de référence de mise en marché par sous-catégorie de matières […] Ainsi, pour l’année 2018, l’année de référence pour la mise en marché pour les téléphones cellulaires est 2015».
Le dernier décompte de Québecor faisait état d’environ un million de petits appareils électroniques récupérés en 2021; au cours de la même période, ARPE-Québec en a reçu «plus de 17 800 tonnes».
Protégez-Vous a tenté en vain d’obtenir des données plus précises auprès de ces deux sources. «Nous ne pouvons diffuser les renseignements demandés», a répondu laconiquement la porte-parole d’ARPE-Québec, Jacinthe Guy. Impossible donc de savoir combien de téléphones, pour une année donnée, ont été effectivement rapportés par les consommateurs ni de quelle façon ils ont été recyclés.
«Les entreprises invoquent le secret industriel pour justifier leur refus de divulguer ces chiffres», dénonce Karel Ménard, qui rappelle que les consommateurs financent les activités d’ARPE-Québec à même les écofrais inclus dans le prix d’achat de plusieurs catégories de produits électroniques.
«Et il faut se rappeler qu’il ne s’agit que de récupération. C’est l’étape de la collecte, ce n’est pas du recyclage.»
Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques admet lui-même les inconvénients de ce flou artistique. Dans une analyse publiée plus tôt cette année, il affirme qu’«une amélioration est attendue en ce qui concerne la transparence des responsables de programmes. À ce jour, la population ne dispose pas de suffisamment d’information sur une base annuelle pour apprécier l’évolution de la performance de la REP au Québec».
Réutilisation d’abord
D’ici à ce qu’on y voit plus clair, vous pouvez tout de même tenter de donner une seconde vie à votre vieux téléphone en le configurant pour les besoins d’un enfant ou en en faisant une télécommande contrôlant d’autres appareils électroniques.
Si vous ne lui trouvez vraiment plus aucune utilité, ne le mettez pas dans le bac bleu et ne le laissez pas à votre écocentre. Confiez-le à l'un des quelque 1000 points de collecte d’ARPE-Québec ou à une boutique Vidéotron.
Dans tous les cas, n’oubliez pas d’effacer les données et de retirer la carte SIM de votre appareil.
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