Clement à la rescousse des accès Internet illimités
Selon une décision du CRTC, les petits fournisseurs devront imposer des limites de téléchargement à leurs clients. Toutefois, la grogne monte et le gouvernement pourrait renverser l’ordonnance.

Photo: iStockphoto
Mercredi soir sur Twitter, une journaliste de la CBC a demandé au ministre de l’Industrie, Tony Clement, s’il comptait renverser la décision de l’organisme. Sa réponse a été sans équivoque: «Oui. Le CRTC doit retourner à la planche à dessin.»
Un comité parlementaire reçoit aujourd’hui le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC), Konrad von Finckenstein, pour discuter de cette question.
Selon une décision du CRTC rendue la semaine dernière, les fournisseurs d’accès Internet qui achètent les services de gros de Bell devraient imposer les mêmes limites de téléchargement que le géant des télécommunications à leurs clients.
Conséquence: les petits fournisseurs comme VIF Internet et TekSavvy devraient mettre fin à leurs accès illimités à 30 ou 35 $ par mois d’ici au 1er mars.
«Pour l’instant, on impose à nos clients une limite de 100 Go par mois, après quoi on diminue légèrement la vitesse, mais on ne facture pas de frais de dépassement, explique Michael Kaprielian, directeur des opérations chez Vif Internet. Beaucoup de nos clients dépassent les 100 Go et consomment jusqu’à 200 ou 300 Go par mois.»
Limite de 60 Go par mois
Dorénavant, les petits fournisseurs devraient imposer une limite de téléchargement de 60 Go par mois, après quoi ils factureraient des frais de dépassement de 2 $ par Go. «Avec les nouveaux services de vidéo sur demande comme Netflix, les gens vont atteindre leur limite très rapidement, croit M. Kaprielian. Cela aura un impact sur au moins 90 % de notre clientèle.»
Pour justifier l’imposition d’un plafond de téléchargement, Bell affirme que ses réseaux sont congestionnés. «Dans les documents publics présentés au CRTC, je n’ai jamais vu une preuve démontrant cette congestion», affirme Anthony Hémond, analyste des télécommunications à l’Union des consommateurs.
Vive opposition
La décision du CRTC a suscité des réactions négatives de toutes parts, notamment chez les fournisseurs indépendants et leurs clients, les associations de consommateurs et les partis d’opposition. Sur le site OpenMedia.ca, une pétition contre la décision du CRTC a recueilli plus de 350 000 signatures.
Lundi, Tony Clement avait déjà annoncé par communiqué qu’il comptait étudier attentivement l’ordonnance du CRTC. Le premier ministre Stephen Harper s’est aussi exprimé à ce sujet sur Twitter: «Nous sommes très préoccupés par la décision du CRTC sur la facturation selon l’usage. J’ai demandé qu’on examine cette décision.»
Concurrence menacée
Le gouvernement Harper s’est toujours présenté comme un ardent défenseur de la concurrence. En 2009, il a d’ailleurs renversé une décision du CRTC pour permettre les investissements étrangers dans le fournisseur Globalife (Wind Mobile).
Selon plusieurs observateurs, la décision du CRTC sur la facturation à l’utilisation limiterait la concurrence qu’offraient les indépendants avec des tarifs plus bas et des services sans limite de téléchargement. Elle pourrait aussi nuire au développement de services de vidéo sur demande comme Netflix, qui consomment beaucoup de bande passante, alors que les grands fournisseurs comme Bell et Vidéotron offrent leurs propres services de vidéo sur demande.
«Les grands fournisseurs veulent protéger leur contenu et limiter l’essor de services de vidéo sur demande comme Netflix et iTunes, croit Anthony Hémond. Ce sont des abus de positions dominantes. Dans plusieurs pays, les autorités de réglementation s’intéresseraient fortement à la question et interviendraient.»
Le Canada, cancre de l’accès Internet
Le pdg de Netflix, Reed Hastings, a sévèrement critiqué l’approche des fournisseurs qui imposent des limites de téléchargement dans une lettre adressée aux actionnaires en janvier dernier. Selon lui, un Go de bande passante coûte moins d’un cent, ce qui rend les frais de dépassement de 1 ou 2 $ par Go «grossièrement exagérés».
Aux États-Unis, les accès Internet illimités sont la norme et Comcast fait figure d’exception avec une limite de 250 Go par mois. «En France, il est possible d’obtenir une connexion de 100 Mbit/s, avec le téléchargement illimité, la télévision et le téléphone pour 55 $ par mois», note Anthony Hémond.
«Au début des années 2000, le Canada était un leader dans le développement de la haute vitesse, souligne M. Hémond. Aujourd’hui, il est l’un des rares pays de l’OCDE à imposer des limites de téléchargement. C’est désolant.»
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