Soins de fin de vie : connaître ses droits et recours
Soins palliatifs, directives anticipées, soins à domicile, sédation palliative continue… La loi concernant les soins de fin de vie inclut bien plus que l’aide médicale à mourir.
Le décès, l’automne dernier, d’Andrée Simard, veuve de l’ancien Premier ministre du Québec Robert Bourassa, a mis en lumière plusieurs questions entourant l’accès aux soins de fin de vie et l’application des dispositions prévues par la loi.
Dans une lettre ouverte publiée dans La Presse en janvier dernier, Michelle Bourassa soulignait que sa mère n’avait pu disposer que tardivement d’un soin pourtant prévu par cette loi, la sédation palliative continue, après beaucoup de souffrances et d’insistance. De même, elle n’avait bénéficié que difficilement d’une chambre individuelle pour ses derniers moments, une obligation aussi prévue dans la loi. Le Collège des médecins du Québec a déclenché une enquête sur ce cas particulier, a-t-on appris récemment.
L’aide médicale à mourir a bénéficié d’une large couverture médiatique au Québec. Les autres dispositions incluses dans la loi sont moins connues. En voici un aperçu.
Ce que prévoit la loi
La Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur en décembre 2015. Elle a été révisée à quelques reprises afin de clarifier sa portée et certains aspects de son application.
La loi assure au malade l’accès à des soins de qualité et un accompagnement adapté à sa situation. De manière plus spécifique, la loi encadre :
- Les soins palliatifs, c’est-à-dire les soins donnés aux personnes malades dans le but de soulager leurs souffrances et de leur offrir la meilleure qualité de vie possible, sans hâter ni retarder leur mort ;
- La sédation palliative continue (SPC), un soin donné dans le cadre des soins palliatifs consistant à administrer une médication pour soulager une personne en la rendant inconsciente, de façon continue, jusqu’à son décès naturel ;
- Les directives médicales anticipées, une disposition ajoutée en 2021 permettant à une personne d’exprimer ses volontés par écrit dans l’éventualité où elle deviendrait inapte à consentir à des soins. Ces directives peuvent être consignées dans un formulaire officiel (Directives médicales anticipées en cas d’inaptitude à consentir à des soins) ou dans un acte notarié ;
- L’aide médicale à mourir (AMM).
Les soins palliatifs, contrairement à une idée répandue, ne concernent pas seulement des situations de fin de vie. Certaines personnes atteintes d’une maladie grave et dont la mort n’est pas prévisible peuvent aussi en bénéficier.
La loi prévoit également que des soins de fin de vie peuvent être donnés à domicile, dans un établissement hospitalier ou dans une maison de soins palliatifs. Mais l’état de santé de la personne doit le permettre, et il faut que les services soient disponibles dans le CISSS ou CIUSSS où elle réside, ce qui varie grandement d’une région à l’autre. Le réseau de la santé et des services sociaux manque de ressources, et cette pénurie se fait aussi sentir pour les soins de fin de vie.
« Ce ne sont pas tous les médecins qui font des soins palliatifs, il s'agit d'une spécialité en soi », rappelle Louise La Fontaine, professeure associée à l’Université de Sherbrooke. Selon la présidente de l’Association québécoise de soins palliatifs (AQSP), ils ne seraient, en fait, qu'une cinquantaine à la grandeur de la province à s'être formés dans cette discipline : « Souvent, des omnipraticiens développent une certaine expérience à travers leur pratique », dit-elle.
Des droits précis en fin de vie
Si vous accompagnez une personne en fin de vie, voici les droits spécifiques dont bénéficie votre proche et qu’il est en droit de demander.
- Droit de recevoir des soins palliatifs adaptés à sa situation.
- Droit de refuser ou d’interrompre un soin.
- Droit d’exprimer ses volontés.
- Droit d’être représenté (par exemple si l’on devient inapte) par son représentant légal, son mandataire, un tuteur ou curateur, un proche comme le conjoint, ou une personne qui démontre un intérêt particulier pour le malade.
- Droit de disposer d’une chambre, pour soi seul, quelques jours avant son décès, peu importe le type de soin de fin de vie reçu.
- Droit de demander la sédation palliative continue ou l’AMM.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) prévoit elle aussi d’autres droits, tel celui d’être informé sur son état de santé et les soins reçus, de recevoir des services personnalisés, d’être avisé en cas d’incident ou d’erreur médicale, de choisir son établissement de soins, de consulter son dossier médical, etc.
Les critères de l’aide médicale à mourir
Depuis le 11 juin 2021, la loi permet à une personne de recevoir l’AMM même si elle est devenue inapte au moment fixé pour la recevoir. La personne doit toutefois y avoir consenti par écrit en présence d’un professionnel de la santé dans les 90 jours qui précèdent. Elle doit aussi répondre à toute une série de critères prévus par la loi et le Code criminel :
- être majeure et assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie ;
- être atteinte d’une maladie grave et incurable, avec une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités ;
- être affligée de souffrances physiques ou psychiques constantes ne pouvant être soulagées dans des conditions qu’elle juge tolérables.
En 2019, les tribunaux ont rendu le critère de fin de vie inopérant. Depuis 2020, une personne qui n’est pas en fin de vie, mais qui remplit tous les critères de la Loi concernant les soins de fin de vie peut déposer une demande pour recevoir l’AMM.
« Même si tous les établissements (CHSLD, hôpitaux et autres) doivent offrir l’AMM, son application est variable », dit l’avocat Paul G. Brunet, directeur général et porte-parole pour le Conseil de la protection des malades (CPM).
En chiffres
La sédation palliative continue – le soin que demandait Mme Simard – a été utilisée pour 1 838 patients entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022. C’est 19 % de plus que l’année précédente, mais elle est proportionnellement deux fois moins utilisée que l’aide médicale à mourir, indique le rapport d’activités annuel de la Commission sur les soins de fin de vie (pdf).
Dans le même temps, 3 663 personnes ont obtenu l’AMM. Il s’agit d’une hausse importante par rapport à l’année précédente (+ 51 %). « C’est plus par million d’habitants que l’Ontario, le Canada et la Belgique », souligne le rapport de la commission.
Au total, l’AMM a compté pour 5,1 % des décès répertoriés dans la province, comparativement à 3,3 % l’année précédente, et la sédation palliative continue pour 2,6 %.
Des recours à connaître
Si vous estimez que les droits de vos proches n’ont pas été respectés ou que les soins n’ont pas été à la hauteur, il est possible d’adresser une plainte au Commissaire aux plaintes et à la qualité des services de votre CISSS ou de votre CIUSSS.
S’il s’agit d’un acte impliquant un médecin qui pratique hors du réseau public, la plainte doit être adressée au Collège des médecins du Québec.
La plainte peut être formulée par la personne malade ou par ses proches et, dans les deux cas, elle doit être traitée en priorité, indique l’article 48 de la Loi concernant les soins de fin de vie.
L’autre avenue est celle des tribunaux. On peut tout à fait légalement poursuivre, à la mémoire d’un défunt, mais il faudra y mettre le prix, prévient l’avocat Paul G. Brunet. Il faut savoir que les procédures risquent de coûter plus cher que le dédommagement qu’on pourrait obtenir à la mémoire de la personne décédée. Cependant, ajoute le juriste, il est aussi possible de réviser les dommages à la baisse pour se tourner vers la Cour des petites créances devant laquelle on peut réclamer la somme maximale de 15 000 $.
Aide médicale à mourir : des modifications à venir
Les mises à jour présentées par le gouvernement du Québec au cours de la présente session parlementaire visent à élargir la portée de l’AMM. Si ces modifications législatives sont adoptées, il deviendra possible :
- De faire une demande anticipée d’AMM pour une personne ayant un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude à consentir aux soins (par exemple, l’alzheimer) ;
- De présenter une demande à cause d’un handicap neuromoteur grave et incurable, dans la mesure où toutes les autres conditions prévues dans la loi sont satisfaites ;
- D’obtenir l’AMM dans toutes les maisons de soins palliatifs du Québec et les hôpitaux privés (ils ne sont actuellement pas obligés de l’offrir) ;
- De recevoir tous les soins de fin de vie d’une infirmière praticienne spécialisée, y compris l’AMM, et pas seulement d’un médecin ;
- De faire constater le décès par une infirmière.
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