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Hausse des cas de syphilis et d’infections sexuellement transmissibles

Par Emmanuelle Mozayan-Verschaeve
Hausse des cas de syphilis et d’infections sexuellement transmissibles New Africa/Shutterstock.com

L’augmentation des cas diagnostiqués de maladies sexuellement transmissibles, notamment de syphilis, de gonorrhée et de lymphogranulomatose vénérienne, inquiète les autorités de santé publique. Comment expliquer ces hausses et prévenir les infections ?

Des bébés mort-nés à cause de la syphilis de leur mère ou qui naissent en étant porteurs de la maladie : la situation semble invraisemblable au Québec, où cette infection était quasi inexistante depuis le début des années 2000. Pourtant, 3 cas de syphilis congénitale ont été déclarés en 2020, 6 en 2021 et 13 en 2022. Il s’agit du plus haut taux annuel de syphilis congénitale depuis la mise en place du registre des maladies à déclaration obligatoire (MADO), en 1990.

La syphilis congénitale survient quand l’infection est transmise par la mère à son bébé pendant la grossesse. Si elle n’est pas détectée et soignée en début de grossesse, elle peut causer des mortinaissances ou des accouchements prématurés et entrainer des difformités squelettiques ou une déficience intellectuelle chez le bébé. Le problème se pose souvent chez les futures mères en situation très précaire pour lesquelles le suivi de la grossesse n’est pas optimal.

Les données préliminaires du rapport de surveillance de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui couvre la période du 2 janvier au 13 aout 2022, indiquent que presque toutes les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) sont en hausse. Les plus importantes concernent les cas de syphilis infectieuse, de gonorrhée et de lymphogranulomatose vénérienne causée par une bactérie de la famille du chlamydia trachomatis.

Recrudescence marquée de trois infections

Les cas de syphilis infectieuse sont en hausse depuis 2001, notamment chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Depuis 2015, l’augmentation se fait aussi sentir chez les femmes. Ainsi, en 2021, 138 cas ont été enregistrés, comparativement à une moyenne de 82 cas par an pour les cinq années précédentes, et les chiffres sont en hausse pour 2022. Hommes et femmes réunis, le nombre de cas atteint 868 en 2021 et devrait grimper à 1 225 pour 2022, selon les données de l’INSPQ.

Le nombre d’infections gonococciques a augmenté de 8,8 % entre les années 2020 et 2021, soit de 3,7 % chez les femmes et de 10,1 % chez les hommes.

Après une forte diminution en 2020, les cas de chlamydia trachomatis ont légèrement augmenté en 2021 et en 2022. La diminution observée en 2020 est particulièrement abrupte et va à l’encontre des hausses constantes des 20 dernières années.

Le VIH et les hépatites B et C semblent présenter une certaine décroissance.

Une meilleure détection

L’augmentation des dépistages après la pandémie explique en partie la situation, mais la croissance se serait poursuivie à la fin de l’année 2022, indique Karine Blouin, conseillère scientifique spécialisée à l’INSPQ et autrice des portraits des ITSS au Québec de 2020 et 2021. Ainsi, on compterait un millier de cas d’infection gonococcique entre ses projections de novembre 2022 et celles de mars 2023.

La hausse des cas d’infection à chlamydia trachomatis et d’infection gonococcique pourrait aussi découler de l’efficacité et de l’accessibilité des tests de dépistage. « On trouve davantage d’infections parce qu’on en cherche plus, pas seulement parce qu’il y en a réellement plus qu’avant (une bonne partie des personnes infectées ne présentent pas de symptômes), précise Karine Blouin. Ces infections sont très fréquentes, en particulier chez les jeunes. En fait, la meilleure détection des cas nous permet probablement d’avoir un portrait de plus en plus juste de l’épidémie d’ITS, même si celle-ci est peut-être encore sous-estimée. »

Des causes complexes

La meilleure détection des cas ou la hausse du nombre de tests ne sont sans doute pas les seules explications de l’augmentation du nombre de cas déclarés d’ITSS. Des phénomènes liés aux comportements sexuels ou de consommation de drogues pourraient entrer en ligne de compte.

« C’est difficile de faire un portrait de tous les déterminants des ITSS, soit biologiques, comportementaux, socioculturels et contextuels (environnement politique, démographique, physique, socioéconomique, judiciaire et éléments associés au système de santé) », poursuit Karine Blouin. Parmi les facteurs pouvant influer sur la transmission des ITSS, on note :

  • la banalisation du VIH (les gens en ont moins peur et y sont moins sensibilisés qu’avant);
     
  • la modification dans le temps des normes sociales et des comportements :
    • notion de couple, changements fréquents de partenaires sexuels, façon de recruter les partenaires sexuels, fait d’avoir plusieurs partenaires, relations sexuelles en groupe;
    • choix de ne pas utiliser le condom ou difficultés liées au bon usage ou à la négociation de l’usage du condom;
    • consommation d’alcool et de drogues ayant des impacts sur les comportements sexuels;
    • difficultés à recourir et à accéder rapidement aux soins de santé.

Éduquer les jeunes

Karine Blouin souligne l’importance de sensibiliser et d’éduquer les jeunes afin qu’ils aient une vision plus globale de la sexualité favorisant une meilleure santé sexuelle. « C’est une base importante qui influe sur beaucoup de déterminants liés aux infections sexuellement transmissibles. »

Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), les ITSS et leur prévention font partie des contenus prescrits dans les cours de science et technologie au premier cycle du secondaire depuis de nombreuses années. Le hic, c’est que l’enseignement de ce volet du programme – et, par le fait même, les apprentissages des élèves – varie d’une école à l’autre.

Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur travaille depuis plusieurs années à concevoir des contenus d’éducation à la sexualité du préscolaire jusqu’à la fin du secondaire. L’enseignement de ces contenus est obligatoire dans l’ensemble des écoles du Québec depuis l’automne 2018.

De la deuxième à la cinquième secondaire, le thème des ITSS doit ainsi être abordé sous différents angles,        

  • prendre en charge sa santé sexuelle;
  • adopter une attitude favorable à l’utilisation du condom;
  • comprendre le fonctionnement des moyens de protection;
  • se situer par rapport à des attitudes et des comportements à adopter;
  • connaitre les démarches à entreprendre après une relation non ou mal protégée;
  • dégager des stratégies favorisant les comportements sexuels sécuritaires;
  • évaluer les risques d’ITSS associés à divers contextes de la vie sexuelle active;
  • réfléchir aux enjeux associés aux ITSS.

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