Un automobiliste fait plier Subaru et son garage
En gagnant sa cause devant la Cour des petites créances, un résidant de Québec démontre que les constructeurs et les garagistes doivent respecter la loi... et leurs clients.
C’est un peu l’histoire de David, un automobiliste, contre Goliath, un fabricant de voitures et un garage. Il se considérait «maltraité» par Subaru Canada et son garagiste qui, selon lui, refusaient d’assumer leurs torts en ce qui concerne l’entretien de son véhicule. Jean Renaud, un avocat pratiquant dans la ville de Québec, a porté sa cause devant la Division des petites créances de la Cour du Québec.
Et il a gagné! Le jugement, intervenu le 10 mai dernier, a condamné le fabricant Subaru Canada et le garage Option Subaru de Québec à lui verser près de 3 500 $ en indemnités. Le premier est puni pour avoir «manqué à sa garantie de fabricant en vendant des moteurs qui éventuellement deviennent bruyants» et le second pour avoir «failli à son obligation d’inspecter les freins adéquatement».
Question de principe
Pour Jean Renaud, spécialiste des litiges dans le secteur automobile depuis 31 ans, ce jugement qui le concerne personnellement est important. «Je n’ai pas entamé cette poursuite pour faire de l’argent, mais plutôt par principe», dit-il. Lui-même a pris l’initiative de contacter Protégez-Vous parce qu’il estime que son histoire peut rendre service à d’autres.
Pour bien comprendre l’intérêt du jugement qui fait désormais jurisprudence, il faut remonter dans le temps. En 2005, Jean Renaud achète une Subaru Outback 2003 d’occasion au garage Option Subaru de Québec. Deux ans plus tard, l’acheteur constate que le moteur est devenu bruyant.
«Il claquait comme un moteur diesel à froid», explique-t-il. Puisque l’odomètre indique alors 78 120 km et que la voiture est encore sous la garantie du fabricant, le garage remplace sans frais deux pistons et le bruit disparaît. Mais, à l’automne 2010, alors que l’odomètre atteint presque les 150 000 km, le bruit se fait de nouveau entendre. Comme la voiture n’est plus sous garantie, Jean Renaud se résout à l’endurer.
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«Je voulais l’heure juste»
En octobre 2011, l’avocat confie la voiture à Option Subaru, son garagiste habituel, en lui demandant notamment de vérifier les freins, l’antigel et tous les boyaux (durites), et de s’assurer que l’automobile n’ait pas de fuite. Il ne fait toutefois pas de demande par rapport au fameux bruit du moteur.
«Je voulais avoir l’heure juste quant à l’état du véhicule pour décider si je le vendais ou si je le gardais, souligne Jean Renaud. Le représentant m’a dit que tout était beau», explique l’avocat. Moins de trois mois plus tard, il constate un problème avec la direction de la voiture et son garagiste lui annonce que les freins sont «finis». Coût des nouvelles réparations: plus de 1 000 $.
«Si j’avais su que les freins étaient usés et qu’il faudrait faire autant de réparations, j’aurais vendu la voiture. J’ai eu de nombreuses discussions, à la fois avec le garage et avec Subaru Canada. Je ne demandais pas un remboursement de tous les travaux, mais au moins qu’ils fassent un bout de chemin. Je leur ai fait une proposition: qu’ils prennent en charge une partie des travaux pour que cesse le bruit de claquement du moteur qui était revenu après la fin de la garantie. Bref, qu’ils assument leurs responsabilités. Au final, ils m’ont proposé un peu plus de 100 $... Je me suis senti insulté!»
«Ils se souviendront de moi»
Jean Renaud, qui a payé sa voiture près de 40 000 $ en 2005, et assumé des milliers de dollars en frais d’entretien et de réparations chez Option Subaru de Québec (à l’exception de deux interventions chez un autre concessionnaire), décide alors de poursuivre le garage pour avoir mal inspecté ses freins, de même que Subaru Canada pour vice de fabrication concernant le claquement du moteur, qui n’est toujours pas réglé.
Verdict de la Cour: le juge a donné raison au plaignant sur ces deux points. En ce qui a trait au claquement du moteur, Jean Renaud n’y croyait pas trop, mais c’est Subaru Canada qui a fourni des arguments au juge en reconnaissant en Cour «que les moteurs des véhicules Outback fabriqués en 2003 ont tendance avec le temps à être bruyants». Or, la Loi sur la protection du consommateur l’énonce clairement:
«Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.»
Ce jugement prouve qu’il faut garder les factures d’entretien de son véhicule et encourage à ne pas baisser les bras en cas de litige. Jean Renaud espère que cette décision fera évoluer la relation entre les concessionnaires, les fabricants et leurs clients. «Je suis exaspéré de voir les constructeurs automobiles rire des consommateurs. Cette fois, ils se souviendront de moi.»
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