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Marché auto: la fin du «royaume de la petite voiture»

Par Karl Rettino-Parazelli
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Les Québécois délaissent les petites voitures au profit des véhicules utilitaires sport (VUS). Plusieurs constructeurs, dont Toyota, Honda et Ford, abandonnent même leurs sous-compactes pour miser sur leurs VUS. Une situation qui a des impacts directs sur l’environnement ainsi que sur le portefeuille des consommateurs.

L’année 2020 sonnera le glas de plusieurs modèles sous-compacts jadis très populaires. Hyundai a annoncé la fin de la production de l’Accent, tandis que Toyota cessera de fabriquer sa Yaris. Ces annonces s’ajoutent à la mise au rancart d’autres sous-compactes, comme la Honda Fit, la Ford Fiesta ou encore les Chevrolet Cruze et Sonic.

Kia a également confirmé à Protégez-Vous qu’elle ne produira plus sa Rio quatre portes berline sous-compacte à compter de la fin de 2020.

Les VUS en vogue

En contrepartie, les constructeurs automobiles proposent de plus en plus de modèles de VUS de différentes tailles qui trouvent facilement preneurs. Selon les données de Protégez-Vous récoltées auprès des constructeurs, les ventes québécoises de VUS neufs sont passées de 168 400 à 208 176 unités entre 2016 et 2019. Au cours de la même période, les ventes de sous-compactes neuves ont presque fondu de moitié, passant de 35 466 à 18 673 unités.

L’an dernier, un véhicule neuf sur deux acheté au Québec était un VUS, tandis que les sous-compactes ne représentaient que 4,2 % des ventes totales.

De manière plus générale, il se vend plus de camions neufs (qui comprennent à la fois les VUS, les minifourgonnettes, les camions légers et lourds, les fourgonnettes et les autobus) que de voitures neuves au Québec depuis 2015, tandis que les dépenses liées à la vente de camions ont surpassé celles liées aux voitures depuis 2010, indiquent les données de Statistique Canada.

Goûts différents

«Le Québec a été pendant des décennies le royaume de la petite voiture en Amérique du Nord, souligne George Iny, directeur de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). Des compagnies comme Volkswagen, Honda ou Toyota y trouvaient un marché de choix pour leurs plus petits modèles.»

Les préférences des Québécois ont cependant changé depuis au moins cinq ans, selon ce qu’a observé Yves Varin, directeur national du service d’alimentation de données chez Canadian Black Book: ceux-ci sont dorénavant attirés par l’espace de chargement, la traction intégrale et les équipements sophistiqués des VUS.

«Je peux vous dire que ça fait vraiment l’affaire des constructeurs, qui souhaitent depuis longtemps délaisser les sous-compactes et les compactes [...] au profit des VUS, note-t-il. La raison en est extrêmement simple: peu importe la façon dont on examine la situation, c’est une question de profitabilité. Les constructeurs ne font pas d’argent sur les automobiles.»

«Le constructeur peut aller chercher de 3 000 à 5 000 $ de plus [avec un VUS] que ce qu’il pouvait obtenir pour une berline offrant les mêmes caractéristiques», atteste George Iny.

Une question de demande

Si les VUS sont offerts et vendus en si grand nombre, c’est que les consommateurs les demandent, soutient le président-directeur général de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec, Robert Poëti.

«Les constructeurs ne les imposent pas», souligne cet ancien ministre des Transports au sein du gouvernement libéral de Philippe Couillard.

Il fait par ailleurs valoir que plusieurs sous-compactes abandonnées laissent place à des modèles de taille semblable: depuis la disparition de la Cruze et de la Sonic, Chevrolet mise par exemple sur la Spark.

Plus de GES

La multiplication des VUS sur les routes du Québec alourdit le bilan carbone de la province, et ce, même si la consommation d’essence de certains nouveaux modèles se compare à celle de voitures vieilles de cinq ans.

«Il y a plus de véhicules que jamais par 1 000 habitants, et ça continue de croître année après année, explique Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. Comme il y a davantage de véhicules et que ce sont des véhicules plus gros, on observe de manière mathématique une augmentation des ventes d’essence, et conséquemment des émissions de GES.»

«Quand quelqu’un vend sa voiture qui a cinq ou sept ans, il pourrait trouver une voiture qui va consommer moins d’énergie aujourd’hui, mais il opte pour un VUS qui consomme autant d’énergie que son ancienne voiture. Le gain qu’il aurait pu faire en achetant une voiture équivalente ne se réalise donc pas», ajoute-t-il.

Gare aux ballounes et au surendettement

L’attrait des VUS peut également fragiliser les finances personnelles des acheteurs. «Les gens vont s’étirer dans des achats qui n’ont pas de bon sens à cause des termes de financement de 84 mois, voire 96 mois», soutient Yves Varin.

Si vous voulez changer de voiture avant la fin de votre prêt et que la valeur marchande du véhicule que vous remplacez est moins élevée que ce qu’il vous reste à payer, vous vous retrouvez avec ce qu’on appelle une «équité négative», ou «balloune». Plusieurs concessionnaires offrent de transférer cette dette dans un nouveau prêt-auto, mais cette pratique est illégale au Québec, selon l’Office de la protection du consommateur.

L’article 148 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit en effet qu’un contrat de vente à crédit (ou «vente à tempérament») «ne doit se rapporter qu’à des biens vendus le même jour».

Selon Yves Varin, près du tiers des Québécois ne se rendent pas à la fin de leur terme et décident plutôt de reporter leur solde restant au prêt d’un nouveau véhicule. «J’ai vu le cas d’une camionnette qui valait 35 000 ou 40 000 $, mais qui était financée pour 70 000 $», déplore-t-il.

De son côté, la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec ne partage pas l’interprétation de l’OPC au sujet de l’équité négative. Robert Poëti estime au contraire que le financement à long terme et les garanties offertes par plusieurs concessionnaires sont «très intéressants pour le consommateur».

Le déclin des sous-compactes semble par ailleurs avoir deux effets collatéraux: l’augmentation de la valeur de revente de certains petits modèles sur le marché d’occasion, en raison de leur rareté, et la multiplication de VUS de plus en plus compacts.

«Le Québec est devenu le royaume du petit VUS», observe George Iny.

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