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Restauration : réservation, annulation, compensation ?

Par Jean-François Gazaille
reservation-restaurant Monkey Business Images/Shutterstock.com

Les restaurateurs en ont assez : la guerre aux clients fantômes est déclarée. Pour l’instant, leur arsenal est bien mince. Mais une bonne majorité de consommateurs seraient d'accord de permettre une pénalité aux clients qui n'honorent pas leur réservation.

En novembre 2022, l’Association Restauration Québec (ARQ) a adressé une requête au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette pour que la Loi sur la protection du consommateur (LPC) autorise la perception d'un frais sur les cartes de crédit des clients qui oublient ou négligent d’annuler leur réservation, à quelques minutes ou même à 48 heures d’avis. L'ARQ  représente près de 5 000 membres oeuvrant dans le domaine de la restauration.

À la demande du ministère de la Justice, des discussions sont en cours entre l'Office de la Protection du consommateurs (OPC) et l’ARQ. Un sondage mené en septembre dernier par la firme Léger indique qu'une bonne majorité de Québécois (69%) seraient favorables à l'imposition d'une pénalité modeste, environ 17$ par personne, un montant prélevé sur la carte de crédit de ceux qui ne se présentent pas.

Défections en masse ?

Le fléau des « no-shows », comme on les appelle dans le métier de la restauration, n’est pas nouveau. Les restaurateurs le dénoncent régulièrement depuis une bonne dizaine d’années au Québec. Mais les États-Unis ont écopé avant nous, assure Thierry Navette, propriétaire du Bistro 4 Saisons, à Orford. « C’était déjà fréquent quand je tenais un resto dans la région de Boston il y a 15 ans ! »

Le phénomène, également présent en Europe, semble aller croissant chez nous. Il contribue, selon l’ARQ, à accentuer la précarité financière d’un secteur d’activité qui peine à se remettre des contrecoups de la pandémie de COVID-19. En 2019, le sous-secteur des restaurants avec service affichait une marge bénéficiaire de 3,2 % ; l’année suivante, il essuyait globalement une perte de 2 %.

Tout amendement à la LPC doit s’appuyer sur une analyse rigoureuse de l’impact des défections des clients. Or, l’ARQ fonde sa requête sur un ensemble de commentaires qu’elle ne peut pour l’instant quantifier. « Même sans statistiques officielles, si nous avons décidé d’intervenir en tant qu’association, c’est parce qu’il y a un problème réel qui nécessite une intervention de notre part. D’ailleurs, les témoignages des restaurateurs dans les médias restent nombreux », dit Dominique Tremblay, directrice des affaires publiques et gouvernementales à l’ARQ

Un acompte inutile

La Loi sur la protection du consommateur autorise les restaurateurs, lors d’une réservation, à noter le numéro de carte de crédit, et même à exiger un acompte. « Mais ils ne peuvent retenir aucuns frais si des clients ne se présentent pas. Ce qui est interdit, c’est une stipulation – un énoncé spécifique – qui impose au consommateur qui ne remplit pas ses promesses le paiement de frais, de pénalités ou de dommages dont le montant ou le pourcentage est fixé à l’avance dans le contrat », explique Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur, citant là l’essentiel de l’article 13 de la LPC, qui désespère tant le monde de la restauration.

En gros, un restaurateur peut exiger un dépôt lors de la réservation, mais il ne peut prévenir le client qu’il le conservera s’il omet de se présenter à la plage horaire convenue. « C’est le principe voulant que nul ne peut se faire justice lui-même, dit Charles Tanguay. Ça revient à fixer d’avance la valeur de ton dommage. Or, tu ne peux pas savoir d’avance ce que sera ton dommage ! »

Cependant, rien n’empêche le restaurateur de réclamer des dommages et intérêts… après avoir remboursé le dépôt ! Il s’agit alors de s’entendre de gré à gré avec le client ou de porter la cause devant la Cour des petites créances.

C’est une solution irréaliste pour des petits commerçants lésés, désireux de récupérer chaque fois quelques centaines de dollars, selon Dominique Tremblay.

Des exceptions

Pourtant, certaines entreprises et certains corps professionnels, dont les activités échappent à la LPC, sont autorisés à « se faire justice ».

Ainsi en est-il des loueurs de voitures à court terme, de même que des hôteliers et aubergistes qui, en cas de défection du client, ont le droit de conserver en tout ou en partie le paiement acquitté avec la carte de crédit.

La plupart des professionnels régis par l’Office des professions du Québec, comme les médecins, les psychologues, les chiropraticiens, les nutritionnistes et les dentistes, peuvent réclamer, si vous leur faites faux bond, des frais de défection couvrant en tout ou en partie les honoraires auxquels ils auraient eu normalement droit. La mesure doit cependant être dûment annoncée par écrit.

Certaines entreprises œuvrant dans les soins personnels, comme les salons d’esthétique, de bronzage ou de coiffure, exigent, elles aussi, de tels frais. Or, à l’instar des restaurateurs, aucune d’elles n’est légalement autorisée à le faire. Vous ratez un rendez-vous ? Vous ne payez rien. Ou vous vous entendez avec votre salon préféré. Ou vous en trouvez un autre !

Les limites des applis

Des restaurateurs excédés ont déjà mis en place des procédures, souvent par l’entremise d’applications de réservation en ligne, pour se prémunir contre les no-shows. Leur clientèle est clairement avisée que des frais de défection seront prélevés à même leur carte de crédit s’ils négligent d’annuler 24 ou 48 heures à l’avance.

Voilà qui est paradoxal puisque c’est probablement la multiplication de ces outils de réservation qui explique la désinvolture des consommateurs. « Tu peux désormais réserver deux restos presque en même temps, du bout des doigts. Puis tu passes à autre chose, tu oublies, déplore Thierry Navette, du Bistro 4 Saisons. Avant, le resto, c’était une grande sortie bien planifiée, pour laquelle on se préparait. »

Mais cette stratégie de frais de défection n’est pas sans faille : tout client qui s’estime lésé peut exiger une rétrofacturation auprès de l’émetteur de sa carte de crédit en arguant qu’il n’a effectivement pas obtenu les services en contrepartie du montant porté à son compte.

D’ici à ce que le ministre de la Justice réagisse aux doléances des restaurateurs, l’ARQ suggère à ses membres de soumettre aux clients un « contrat de réservation ». Mais cette mesure n’est pas conforme à la LPC, a déjà fait valoir Option consommateurs.

Retrouver un savoir-vivre

Ces dernières années, quelques valeurs traditionnelles ont été malmenées par une nouvelle génération de consommateurs, selon Thierry Navette, comme un certain savoir-vivre et un respect des engagements pris envers autrui. Bien qu’il soit favorable à un amendement à la LPC, il pense que ça ne soignerait que le symptôme, pas le fond du problème. « Tout ça, en fin de compte, c’est une question d’éducation », conclut-il.

« La réservation en ligne, ajoute Dominique Tremblay, a peut-être enlevé aux gens une petite gêne. »

>> À lire aussi : Voyage : dans quel pays donner du pourboire?

Une première version de cet article a été publiée le 22 novembre 2022. Version actualisée le 25 octobre 2023.  

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  • Par Guillaume P
    22 novembre 2022

    Je serais réticent à donner mon numéro de carte de crédit autrement que par une application web sécurisée. Si on le donne par téléphone par exemple, rien ne garantit qu'il ne sera pas simplement inscrit à un endroit accessible à tous les employés et que les informations soient ensuite bien détruites, ce qui ouvre la porte à la fraude.

    Une façon simple de régler ce problème serait d'abord que le restaurant rappelle le client la veille pour confirmer, comme le font déjà certains restaurants. Ensuite une petite application développée par l'association des restaurateurs pourrait permettre de simplement saisir les noms, numéros de téléphone et informations de la réservation des clients qui ne se présentent pas. Ce sont en effet toujours les mêmes qui ne respectent pas leurs engagements, ils seraient ainsi sur une liste noire. Bien sûr, ça demande un peu de travail, mais n'est-ce pas plus simple de seulement demander un numéro de téléphone que toutes les informations requises d'une carte de crédit? S'il faut appeler pour confirmer la validité d'un téléphone, il faut aussi valider les informations d'une carte.

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  • Par René Labelle
    22 novembre 2022

    Il y aura-t-il un compensation pour les clients ??

    Jeudi nous étions à Magog pour souper un visite sur le site de Pizzéria Johnny. On vérifie les prix sur le menu: 2 brochettes de poulet 14,95 ch et une pizza pépéronnie fromage de 14 pouces : 15$ Total: 45$ plus taxes. On commande au téléphone : 79.95$ plus taxes plus livraison.

    On a annulé la commande et changer de restaurant.